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Entreprises

Hygiénisation des boues : tenir compte de l’exemple italien

20 mai 2020 Paru dans le N°432 à la page 22 ( mots)

La problématique d'épandage agricole des boues de stations d’épuration est aujourd’hui sous les feux de l'actualité dans le cadre de la gestion de la pandémie du Covid-19. La société d’ingénierie de l’environnement EPO a réalisé avec son partenaire italien la société Scolari plusieurs unités de séchage des boues et des digestats de méthanisation. Le séchage thermique fait partie des techniques confirmées pour l’hygiénisation des boues. Il peut également engendrer d'autres potentialités en matière de valorisation. Eclairage de son dirigeant, Hervé Polino.

 

Avec le Covid-19, la problématique d’épandage de boues de stations d’épuration prend aujourd’hui une toute autre dimension. L’ANSES, l’Agence nationale de sécurité sanitaire, a émis le 2 avril dernier, un avis sur l’obligation de stopper les épandages de boues d’épuration « brutes », non hygiénisées, produites au cours de la période épidémique de Covid-19. Sans pouvoir définir avec précision le niveau de contamination des boues non traitées, l’ANSES considère faible à négligeable le risque pour les boues ayant subi un traitement par hygiénisation conforme à la réglementation.

Les boues d'épuration, provenant des stations de traitement des eaux usées, doivent donc être obligatoirement, et sans aucune exception, hygiénisées avant leur épandage sur des terres agricoles. Le coronavirus pourrait en effet se retrouver dans les selles, et donc en bout de chaine, dans les boues, le principal rejet de la station d'épuration.

Les stations des grandes agglomérations traitent généralement leurs boues par des procédés d’hygiénisation physiques ou chimiques. Mais ce n’est pas souvent le cas des stations des intercommunalités ou collectivités de moindre taille.

L’utilisation agricole des boues de stations d’épuration est encadrée par l’arrêté du 8 janvier 1998 qui fixe précisément les exigences à respecter pour qu’une boue soit considérée comme hygiénisée. Les techniques utilisées, qui doivent être parfaitement encadrées, sont le compostage, le séchage thermique, la digestion anaérobie thermophile et le chaulage.

Il faut savoir que les boues issues de station de traitement des eaux usées sont utilisées à plus de 70 % pour les épandages agricoles. Ces boues apportent aux sols de la matière organique et des éléments fertilisants comme de l’azote et du phosphore. Les épandages de ces boues ont généralement lieu entre juillet et septembre, avant les semis d’hiver. Les épandages de printemps sont généralement réalisés avant le 15 mars 2020, donc avec des boues produites bien avant l’apparition du Covid-19.

Systématiser l’hygiénisation

Il va falloir hygiéniser la totalité des boues avant de pouvoir les épandre, c’est aujourd’hui une obligation incontournable.

L’arrêté du 8 janvier 1998 précise que lors de la mise en service de l'unité de traitement, les analyses initiales et en sortie de la filière de traitement devront démontrer son caractère hygiénisant.

Le décret du 30 avril 2020 précise quant à lui les conditions d’une surveillance et des contrôles complémentaires des opérations d’hygiénisation.

La difficulté pour les collectivités est de s’adapter dans l’urgence avec nécessairement une problématique de moyens. La circulaire ministérielle prévoit la possibilité de faire circuler les boues « brutes » et de les transférer vers des stations d’épuration qui sont, elles, équipées d’une installation d’hygiénisation.

Les conditions d’application demeurent complexes du fait de la capacité de traitement et du cadre réglementaire des installations d’hygiénisation.

Par ailleurs, la technique d’hygiénisation sera différente s’il s’agit de produits liquides ou de produits solides. L’extension des capacités de traitement risque d’être complexe.

La construction d’une unité de méthanisation « hygiénisation anaérobique » est soumise à des délais relativement longs de deux à trois ans. Le compostage « hygiénisation aérobique » impose, lui, un accroissement des volumes de déchets verts.

Le chaulage contrôlé des boues apparaît être une solution plus réactive même si elle nécessite des extensions d’infrastructures.

Quant au séchage ou « hygiénisation thermique », il apparaît également être une solution réactive et fiable en termes d’homogénéité de l’hygiénisation et de traçabilité.

Tenir compte de l’exemple italien

L’institut supérieur de la santé italien (ISS) a publié « des impositions provisoires » relatives à la gestion des boues provenant des stations de traitement des eaux usées. En effet, de la même manière que l’ANSES en France, l’ISS a publié le 27 avril 2020 un rapport qui précise les « impositions provisoires » pour la gestion des boues d’épuration et la prévention de la propagation du Covid-19, ce document rappelle les principes incontournables d’hygiénisation qui sont identiques à ceux mis en œuvre en France.

Sans véritablement réglementer la question, ce document est destiné aux exploitants opérant sur le territoire national précisant les différents contingentements et modes opératoires pour la gestion des boues dans le contexte Covid-19.

La gestion des boues en Italie est régie par une autorité centrale, avec en plus des autorités régionales à même de réglementer la gestion des boues. On a pu ainsi voir la production de différents arrêtés régionaux de réglementation de l’épandage des boues urbaines principalement en Lombardie mais également dans d’autres régions telles que la Toscane.

En Lombardie, par arrêtés régionaux successifs pour les campagnes agricoles 2018-2019 et 2019-2020, l’épandage des boues de station urbaine a été interdit sur 170 communes soit 22 % de la superficie agricole utile. L’objectif était d’optimiser la redistribution des déchets animaux très importants dans cette région, avec un équilibre en apports en matière organique. Il faut noter que ces choix ont été accompagnés d’une demande à la communauté européenne de dépassement du plafond d’épandage nitrate.

Ces décrets régionaux ont généré dès 2018 un besoin urgent de trouver d’autres filières de valorisation pour les boues de stations d’épuration, notamment la recherche d’une diminution pondérale des boues par procédé de séchage, en vue d’une amélioration du bilan économique pour une élimination des boues par enfouissement. La faible humidité résiduelle a aussi ouvert la voie d’une valorisation énergétique des boues par combustion après séchage.

Les décisions des autorités régionales de Lombardie et de Toscane ont réduit la capacité de valorisation agronomique par épandage et ont ainsi généré la construction d’installation de séchage.

L’hygiénisation par séchage

L’hygiénisation est réalisée par une montée en température du produit sur une durée prédéterminée, elle est similaire, avec néanmoins des paramètres différents, à toutes les techniques d’hygiénisation : séchage, chaulage, méthanisation, compostage. Concernant la méthanisation, il faut préciser que l’épandage des digestat pourrait être soumis à une hygiénisation conformément à l’arrêté du 24 avril 2018.

Face aux manques de connaissance du nouveau virus Covid-19, il apparaît indispensable et urgent que les conditions d’hygiénisation des boues de stations d’épuration, notamment l’adéquation « température et durée » soient parfaitement clarifiées pour garantir l’élimination du virus.

L’opération de séchage associe l’application contrôlée d’une énergie thermique et d’une durée d’exposition ; elle est nécessairement hygiénisante, dès lors que le couple « températures /durée » est parfaitement connu et maîtrisé. Le séchage offre l’intérêt d’une parfaite traçabilité en contrôle continu de l’opération d’hygiénisation, et donc une garantie d’efficacité.

Pour ses conceptions d’installations, EPO privilégie des dispositifs de séchage « en flux continu au fil de l’eau des installations de traitement en amont ». Ce concept d’installation, entièrement automatisé avec une exploitation autonome sans intervention humaine, est particulièrement adapté à la problématique actuelle Covid-19. Le dimensionnement du sécheur est conditionné par le taux d'humidité à abattre ou le temps d'exposition dans le cadre d’une garantie d’hygiénisation.

L'énergie thermique peut provenir de la valorisation d'énergies fatales, d'énergies fossiles ou de dispositifs associant des énergies de plusieurs origines. La température appliquée est comprise entre 70 °C et 170 °C en fonction de l’énergie thermique utilisée. Le fonctionnement du sécheur est entièrement automatisé pour une exploitation autonome continue 24/24.

En Italie, le bilan économique de séchage peut justifier l'utilisation du gaz naturel en absence d'énergies fatales valorisables disponibles.

La problématique de lutte contre le Covid-19 est commune à tous les pays d’Europe sans aucune exception. Depuis le début de l’épidémie, les dirigeants de EPO, ont intensifié les ouvertures et notamment les échanges avec leurs partenaires italiens. La mise en œuvre de synergies élargies des savoir-faire et des expériences permet d’apporter des réponses technologiques concrètes et pérennes sur le territoire français.

Hervé Polino

EPO

 

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