Your browser does not support JavaScript!

Edito

Sécheresses & pénuries : la gestion quantitative en question

25 février 2020 Paru dans le N°429 à la page 3 ( mots)

Comment assurer une gestion quantitative de l’eau plus efficace en cas de sécheresse ou de crise ? C’est tout l’objet du rapport publié le mois dernier par le CGEDD consacré à la sécheresse qui a affecté, en 2019, la quasi-totalité du territoire national.

Par rapport aux épisodes précédents, cette sécheresse présentait plusieurs spécificités : elle faisait suite à deux années sans recharge hivernale des nappes. Ensuite, elle s’est accompagnée de longs tunnels caniculaires en juin et juillet dont les effets ont été particulièrement sévères sur les cours d’eau, les milieux naturels et les cultures. Enfin, elle s’est prolongée exceptionnellement tard dans la saison, jusqu’en octobre, entraînant la mise en œuvre de nombreuses mesures de limitation ou de suspension des usages de l’eau selon un dispositif désormais bien encadré que le CGEDD s’est efforcé d’autopsier.

Il consiste à agir sur la demande pour diminuer la consommation d’eau, en opposition à un autre type de réponse, largement débattu en France, qui consiste à agir sur l’offre, en mobilisant des ressources supplémentaires pour faire face aux besoins.

Mis en œuvre par les services de l’État sous l’autorité des préfets, ce dispositif repose sur un découpage administratif fondé sur l’organisation départementale de l’administration. Cette logique est parfois difficilement conciliable avec celle des bassins hydrographiques : un défaut de coordination est constaté entre départements sur les bassins versant interdépartementaux.

Autre grief, les services de l’État disposent d’outils de mesure performants. Mais ils n’en tirent pas tous les enseignements qui pourraient leur permettre d’anticiper le phénomène ou d’objectiver les prises de décision. « Concernant les mesures de limitation des usages, la méconnaissance des prélèvements réalisés et des volumes épargnés ne permet pas d’apprécier leur efficacité » indique le rapport. Cette méconnaissance ne permet pas de s’assurer que les mesures adoptées sont suffisantes, ni proportionnées au but recherché.

Par ailleurs, sur le terrain, les contrôles de la police de l’eau restent rarement suivis de sanctions. Le manque de clarté des arrêtés de prescriptions ne facilite pas ces contrôles et affaiblit considérablement la force de la police de l’environnement. L’hétérogénéité des mesures adoptées et le manque de coordination entre départements alimentent par ailleurs un sentiment d’iniquité, renforcé par un nombre important de dérogations, parfois mal comprises.

L’efficacité relative du système actuel serait donc liée à une mise en œuvre insatisfaisante.

Mais plutôt que de refondre le système, le rapport propose de l’améliorer en renforçant le pilotage par sous-bassin versant. Il recommande également de transformer les comités sécheresse en « comités de gestion de l’eau » pour favoriser l’anticipation et améliorer la prise de décision. Il plaide aussi pour une amélioration de la communication et une définition des mesures à l’échelle nationale pour harmoniser les pratiques. « L’amélioration de la connaissance des volumes prélevés, à pas de temps mensuel, par les agriculteurs comme par les particuliers et les installations classées pour la protection de l’environnement, est un préalable, indique le rapport. C’est à ce prix que le dispositif pourra apporter sa plus-value ».

Reste une question essentielle, abordée à la fin document : celle des limites d’un dispositif prévu pour être mobilisé une année sur cinq alors qu’il est mis en œuvre pratiquement chaque année. « Des réponses relevant de la gestion structurelle quantitative de l’eau, sortant du cadre de cette mission, doivent être privilégiées » indique le document.

C’est d’autant plus indispensable que toutes les études récentes convergent et prévoient des sécheresses à la fois plus fréquentes et plus intenses. Les modélisations de Météo France anticipent, sur la base du scénario tendanciel le plus probable, une augmentation de la température moyenne de 1,5 à 4,5° à l’horizon 2100, des précipitations plus intenses en hiver mais plus rares en été, et une diminution du débit estival moyen des cours d’eau pouvant atteindre 55% dans le sud… 

Vincent Johanet