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L’extraction de la matière organique du sol du centre d’enfouissement Mghogha de la ville de Tanger

27 mars 2020 Paru dans le N°430 à la page 79 ( mots)
Rédigé par : Chifaa EL GABLI de Laboratoire Physico-Chimie des Matériaux Subs..., Mohamed KHADDOR de Laboratoire Physico-Chimie des Matériaux Subst..., Abderrahim MOUHSSINE de Faculté des Sciences et techniques Université A... et 1 autres personnes

Durant ces dernières décennies, les sites de décharge au Maroc constituent une source potentielle de contamination, qui peut provoquer un impact négatif sur la santé humaine et l’environnement, due à l’accumulation des produits organiques transformés [1]. La croissance démographique, économique et l’étalement urbain sont souvent à l’origine d’une grande production des déchets dans les grandes villes marocaines. Les déchets solides mis en décharge ne sont que très rarement inertes, de nombreuses réactions physico-chimiques et biologiques interviennent entre les déchets et le milieu récepteur (sol).

Le Maroc n’est pas parvenu à atteindre son objectif de convertir toutes ses décharges sauvages urbaines en décharges contrôlées. Aujourd'hui, 48 % des déchets sont enfouis dans des décharges aux normes environnementales.
Figure 1 : Situation de la zone d’étude [5].

La propreté et la promotion des services liés à la gestion des déchets solides en général, et des ordures ménagères en particulier, sont l’une des préoccupations majeures de la politique environnementale du Maroc. L’appui et le soutien apportés au plus haut niveau pour l’amélioration de la propreté des villes marocaines, et notamment par la maîtrise de la gestion de leurs déchets solides, ainsi que pour l’agencement rationnel du paysage urbain, la préservation des ressources, la justice sociale et la sauvegarde de l’environnement ; constituent un facteur essentiel pour la réussite des programmes entrepris dans ce secteur par les différents Ministères et organismes concernés [2].

La production des déchets au Maroc a considérablement augmenté pendant ces dernières décennies. Elle a atteint environ 17.413 t/j en 1999, alors qu’elle n’était que de 12.370 t/j en 1992 et 1.600 t/j en 1960 [3].

Matériels et méthode d’études

Description du site d’étude : [4]

La décharge publique de Tanger est située au sud-est de la ville à 5 km de son centre sur la route (R.N.2) allant vers Tétouan.
Les coordonnées Lambert de l’emplacement de la décharge sont les suivantes : X : 467.500 km et Y : 571.500 km.
Elle dessert les arrondissements suivants : Charf Mghogha, Souani, Tanger Médina et Bnimakkada, plus les déchets des zones industrielles.
Elle s’étend sur une superficie de 25 ha (en 2011, 12 ha ont fait l’objet d’une demande d’acquisition, ce qui élèvera sa superficie à 32 ha dans le futur).
Le terrain est marqué par une pente moyenne de 40 %.
Cette décharge n’est clôturée que partiellement et dispose de deux locaux et d’un engin pour le tassement des déchets reçus quotidiennement [6].
A une distance de 100 m, la décharge est limitée au sud par une carrière d’extraction d’argile et par le quartier industriel à 1 km environ au sud-ouest.
A l’Ouest de la décharge, à une distance d’environ 200 mètres, se trouve une petite agglomération résidentielle [7]. A l’Ouest de l’entrée principale de la décharge publique, on trouve les abris des chiffonniers qui sont construits soit en métal, soit en bois. Le périmètre de la décharge est seulement clôturé au sud, sur les autres côtés, la décharge est bornée par des obstacles naturels (fond de vallée au nord, coupure d’un talus à l’ouest), ainsi elle est facilement accessible au public.
L’échantillonnage
Les prélèvements ont été effectués en 5 points différents de la décharge à la fin du mois avril. Les échantillons utilisés ont été prélevés du sol de décharge publique de Tanger [8]. Les paramètres physico-chimiques (humidité, pH, matière organique,…) ont été déterminés sur ces échantillons. Les résultats des analyses des sols de décharge ont montré la présence de teneurs des taux de matière organique.
Les échantillons utilisés ont été prélevés dans l’horizon de surface (0-10) du sol de décharge publique de Tanger [8]. Au laboratoire, les échantillons sont tamisés avec un tamis de 2 mm, séchés à 40 °C et broyés afin d’obtenir des poudres bien homogènes.
Analyses physico-chimique
La connaissance quantitative et qualitative des déchets solides et leur traitement pour la commune urbaine de Tanger sont des questions de première importance. La caractérisation des déchets nous permet justement de mieux cerner entre autres, la taille, la composition, la densité et l’humidité des déchets destinés à l’enfouissement et d’appréhender au préalable, leur risque potentiel pour le milieu récepteur afin de choisir le mode de traitement optimal le plus approprié [9].
  • La matière organique se fait par incinération au four pendant 5 h à 550 °C.
  • La mesure du carbone organique total (COT) a été réalisée à l’aide d’un analyseur Analytikjena TOC/TNb2100S.
  • L’acidité active (pH-eau) a été mesurée avec un pH-mètre selon la norme NF X 31-103 avec un rapport sol/eau 1/2,5.
  • L’acidité potentielle pH-KCla été mesurée par pH-mètre après la mise en contact le sol avec une solution de KCl,
  • La conductivité électrique (CE) a été mesurée en faisant le sol en suspension dans l’eau avec un rapport sol/eau égal à 1/5.
  • Le calcaire total (Carbonate) a été déterminé à l’aide de calcimètre de Bernard selon la norme internationale NF ISO 10693.
  • Le calcaire actif (CaCO3Actif) a été déterminé à travers l’extraction des cations échangeables par l’acétate d’ammonium [10.11].
  • L’azote organique total (N) a été mesurée par la méthode Kjeldahl.
  • La porosité (calculée par la formule suivante : P (%) = (1-Da/Dr) × 100) avec (Da) Densité apparente (déterminée par la méthode de paraffine), (Dr) Densité réelle (déterminée par la méthode du pycnomètre).
  • Les teneurs des métaux lourds totaux sont déterminées par spectromètre d’Emission Atomique-Plasma Couplé d’Induction (ICPAES) au niveau du Centre Nationale pour la Recherche Scientifique et Technique (CNRST).
  • Le rapport (Q4/6) est déterminé à partir de la mesure des absorbances à 465 nm et 665 nm (à l’aide d’un spectrophotomètre) des solutions humiques diluées.
  • L’extraction des substances humique a été réalisée selon un protocole mis en point par l’IHSS (Société Internationale des Substances Humiques).
La chromatographie sur couche mince (CCM)
La chromatographie est une méthode physique de séparation de mélanges en leurs constituants ; elle est basée sur les différences d’affinité des substances à l’égard de deux phases, l’une stationnaire ou fixe, l’autre mobile. La chromatographie sur couche mince, ou sur plaque (CCM), est effectuée surtout en vue d’une analyse d’un mélange. La phase stationnaire solide est fixée sur une plaque, et la phase mobile liquide, nommée éluant, est un solvant ou un mélange de solvants. On dépose sur la phase fixe une petite quantité du mélange à séparer et on met cette phase au contact de la phase mobile. La phase mobile migre de bas en haut, par capillarité, le long de la phase fixe en entraînant les constituants du mélange. C’est le phénomène d’élution, qui permet la séparation du constituant du mélange à analyser.

Chaque constituant migre d’une certaine hauteur, caractéristique de la substance, que l’on appelle rapport frontal ou rétention frontale (Rf) :

Rf = 



Réalisation d’une CCM

La CCM se déroule en trois étapes : préparation de la cuve, préparation de la plaque, et de l’élution.
Préparation de la cuve
Une cuve de chromatographie se compose de la cuve et d’un couvercle. Le couvercle sert d’une part à éviter l’évaporation du solvant mais surtout à réaliser la CCM en atmosphère saturée, de façon à avoir des valeurs reproductibles.
  • Préparer l’éluant en respectant les proportions du mode opératoire.
  • En placer 5 mm dans le fond de la cuve puis fermer le couvercle.
  • Éventuellement placer un papier filtre verticalement dans la cuve de façon à saturer l’atmosphère en vapeur de solvant.
Préparation de la plaque
  • Prenons l’exemple d’une plaque sur laquelle 4 taches sont à disposer.
  • Découper une plaque aux dimensions raisonnables 8 cm ´ 5 cm.
  • Tracer au crayon un trait à 1 cm du bas de la plaque.
  • Sur ce trait tracer 4 petits points à 1 cm de distance où seront déposées les taches.
  • Déposer à l’aide d’une micropipette (ou pipette Pasteur) les solutions sur chaque point, ou à l’aide d’un capillaire fabriqué in situ avec en tube en verre.
Elution
  • Placer la plaque dans la cuve, fermer et laisser l’éluant diffuser.
  • Arrêter la CCM lorsque le front d’éluant est arrivé à 1 cm du haut de la plaque (cette opération prend 15 min, mais dépend du support et de l’éluant).
  • Sortir la plaque et tracer au crayon le front de l’éluant.
  • Sécher la plaque au pistolet ou à la chaleur d’une plaque chauffante

Révélation UV

Si la plaque est fluorescente, sous une lampe UV, toute la plaque apparaît verte sauf là où sont les taches que l’on entoure au crayon.
Les dérivés aromatiques absorbent dans l’UV. Placer la plaque sous une lampe UV et entourer les taches colorées.
C’est la révélation que nous avons utilisé dans le laboratoire pour la séparation de mélanges en leurs constituants.
Révélation à l’iode
Beaucoup de composés organiques forment des taches jaune-marron en présence d’iode. Dans un flacon, placer la plaque et quelques cristaux d’iodes, puis boucher. Les taches apparaissent.
Révélation par atomisation
Cette technique utilise un atomiseur contenant le révélateur en solution. Selon le produit à révéler, la solution peut-être :
  • Ninhydrine pour les acides a -aminés (taches violettes qui brunissent pour disparaître en quelques jours)
  • Acide sulfurique à 50 % pour à peu près tout (taches noires).
On utilise aussi des mélanges complexes d’oxyde de molybdène en présence de sulfate de cérium.
Manipulation
Nous avons utilisé les lipides que nous avons extrait pour les 3 échantillons (1, 2 pour des sols de décharge et 3 pour du sol agricole) et nous avons appliqué le principe de CCM, après la révélation UV sur les quatre plaques comme on peut le voir sur les figures suivantes.
  • Plaque 1 : nous avons a utilisé comme éluant 30 % d’acétate d’éthyle et 70 % de cyclohexane.
  • Plaque 2 : nous avons utilisé comme éluant 30 % d’acétate d’éthyle et 70 % d’éther de pétrole.
  • Plaque 3 : nous avons utilisé comme éluant 30 % d’acétate et d’éthyle70 % d’éther de pétrole en ajoutant des étalons suivantes, C20 H42 Eicosane, CH3(CH2) CH=CH2 alcène et l’acide Erucique pour comprendre la composition des lipides.
  • Plaque 4 : nous avons utilisé comme solvant 100 % de cyclohexane.

Résultats et discussions

Humidité
Sur le tableau ci-dessous, nous avons présenté le taux d’humidité des trois échantillons.

Ces trois échantillons présentent une différence d’humidité notable. Ceci est du probablement à la différence de la composition de nos échantillons.

Nous constatons que S1 est plus humique que les deux autres échantillons. Après l’exécution des expériences, la détermination et le calcul de l’humidité de chaque échantillon, nous avons obtenu des résultats différents et en avons déduit que l’échantillon 1 et 2 de décharge possèdent un pourcentage 2 fois plus élevé que l’échantillon 3 (sol agricole).
pH
Les résultats de pH sont présentés dans le tableau suivant.

Les valeurs du pH oscillent entre 7,76 et 7,99 les échantillons à étudier sont dans la zone neutre à tendance basique.

Ce qui concerne les valeurs de pH des 3 échantillons, nous avons trouvé que l’échantillon 2 possède une valeur de pH presque égale à 8.
En général, on déduit que le potentiel hydrogène des échantillons de décharge est plus important que l’échantillon agricole.
Teneurs en matière organique

Nous avons présenté la perte au feu des trois échantillons S1, S2 et S3 dans le tableau 3.

On prend des quantités identiques du chaque échantillon 1, 2 et 3, ensuite on pèse les masses avant l’entrée au four m’et après la sortie m’’ et la différence entre les deux détermine la teneur en matière organique dans chaque échantillon.
On constate que l’accumulation de la matière organique au niveau du site S1 est moins importante. Il est important de mentionner qu’au moment du prélèvement, le site à était sujet à de fortes incendies naturelles par le phénomène de méthanisation, ce qui suggère une activité bactérienne importante induisant ainsi une forte dégradation de la matière organique.
Les teneurs en lipides libres
Après l’exécution des deux manipulations ; la première par le soxhlet et la deuxième par le rotavapeur, nous avons obtenu les résultats des teneurs en lipides libres contenues dans les 3 échantillons.
Nous avons pris des quantités identiques pour les 3 échantillons M. = 50 g
Donc la teneur en lipides libres dans 1 g se fait par la règle de trois.
Le calcul de % lipides/MO se fait par la relation suivante : %= (teneur en lipides/teneur en MO) x 100

L’examen des valeurs obtenues pour les teneurs en lipides montre une abondance moyenne à faible, avec de maximum enregistré au niveau du site S2. Ceci suggère l’absence d’une activité bactérienne significative. La plus faible est observée au niveau de l’échantillon S3. En effet, il a été rapporté par d’autres auteurs, que le taux des lipides varie de 2 à 6 % de la matière organique dans les sols ayant un pH égal ou supérieur à 7, ce qui appuie les résultats obtenus du pH qui est supérieur à 7.

Les substances humiques
Nous avons effectué la manipulation d’extraction des substances humiques pour les 3 échantillons 1 et 2 extraits de la décharge de Tanger et 3 d’un sol agricole prélevé juste à côté de la FSTT.
Nous avons ajouté une quantité de HCL (1M) pour éliminer les carbonates, nous l’avons laissé décanter pendant 24 h, nous avons effectué la filtration, ensuite nous avons ajouté NaOH (1M) sur le filtrat, nous l’avons laissé agiter (6 h), décanter (24 h) avant d’effectuer la centrifugation ou la filtration, après nous ajoutons une quantité de HCL (1M) goutte à goutte pour la 2éme fois sur le dernier liquide que nous avons obtenu par la filtration, dans ce dernier étape nous n’avons pas observé la formation des acides humiques et acides fulviques dans le solution d’échantillon 1 et l’échantillon 2 car la quantité des acides humiques très faible. Par contre, dans l’échantillon 3 nous avons vu la précipitation (coloration foncé) des acides humiques de la solution lorsque nous avons ajouté le HCL(1M) après 24 h de décantation. Nous avons obtenu 2 phases liquides, la phase décantée représente les substances humiques. Le reste, c’est l’acide fulvique.
Figure 2 : La formation des SH dans l’échantillon 3 (sol agricole).

Nous en avons déduit que les deux échantillons S1 et S2 ne contiennent pas de substances humiques alors que l’échantillon 3 a montré la présence des substances humiques. Après acidification et centrifugation.

Nous avons obtenu 0,32 g des acides humiques. Ce résultat montre que les deux échantillons ne sont pas, probablement issus d’un sol, ils peuvent être issus de composés de la décharge qui se sont dégradés et décomposés au cours du temps.
Rapport frontal CCM
CCM : les résultats révèlent que la composition en MO des trois échantillons est très hétérogène et contient une variété des composés. Des étalons comme C20 H42 Eicosane, CH3(CH2) CH=CH2 alcène et l’acide Erucique ont été utilisés. Ce test nous montre que les lipides contiennent des hydrocarbures comme les alcanes et les alcènes …etc.
Plaque 1 : Nous avons obtenu une forte migration de pôle très polaire vers le pôle apolaire des taches de MO, ce qui signifie que les 3 échantillons sont riches en hydrocarbures, donc l’éluant que nous avons utilisé réussit à séparer les composants de chaque échantillon de bas vers le haut.

Plaque 3 : nous avons obtenu une migration moins forte que la plaque 1, ce qui signifie que l’éluant utilisé est moins efficace à la séparation des constituants des échantillons.

Plaque 4 : Nous avons observé la migration des 3 étalons : Eicosane C20 H42, Alcène CH3 (CH2)12 CH=CH2 et l’acide c’est-à-dire que les échantillons étudiés contiennent ces étalons et pour cette plaque l’Eicosane, c’est l’alcane qui traverse la plus grande distance suit par les autres étalons.

Conclusion

Ce travail améliore la compréhension des différents composants présentant dans le sol de décharge et le comparé avec un sol agricole.
L’étude comparative des trois échantillons a montré que les deux échantillons S1 et S2 de la décharge contiennent plus de matière organique (lipides) que le sol. Par contre, les échantillons sont pauvres en substances humiques, contrairement au sol étudié.
Au cours de dépôt des déchets, il apparaît que la matière organique a subi des transformations.
Nos prochaines recherches seront focalisées sur la confirmation de ces nouvelles données ainsi que leur traitement.


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