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Procédés de déshydratation mécanique des boues : l’ensemble des filières progressent

03 janvier 2018 Paru dans le N°407 à la page 29 ( mots)
Rédigé par : Françoise BRETON

Le marché de la déshydratation des boues résiduelles des usines de production d’eau potable et des stations d’épuration des eaux usées ou industrielles évolue, sous l’impulsion des optimisations régulières des technologies proposées, l’extension de leur domaine d’application, et la diversification des filières de valorisation. Au final, l’exploitant bénéficie d’un panel élargi de solutions, capables de répondre à ses besoins spécifiques.

Les boues sont les déchets ultimes de la chaîne d’épuration des eaux dont on a toujours cherché à se séparer à moindre coût en réduisant leur volume par une déshydratation poussée. Avec la diversification des filières de valorisation (incinération, épandage, compostage, combustible, stockage), les besoins, en termes de déshydratation, ne sont pas nécessairement les mêmes et permettent à une plus grande gamme de solutions de s’exprimer.

La plupart des technologies de déshydratation appartiennent à l’un des deux types : celles fondées sur la force centrifuge qui tournent très vite (décanteur centrifuge) et celles utilisant des systèmes de pressage lent (filtres à bandes, presses à vis, filtres presse). Elles se classent par niveau de performance de déshydratation exprimée en pourcentage massique de matière sèche (la siccité), avec les tables d’égouttage (jusqu’à 9 %), les filtres à bandes (18 %), les centrifugeuses et les presses à vis (20 %), et les filtres presses qui atteignent des siccités supérieures à 30 %, parfois au-delà. 

Cette presse à vis Huber technology Q-PRESS 280, installée en Martinique, déshydrate les boues issues du traitement des eaux usées d’une usine de mise en bouteille de boissons gazeuses (SNEMBG) et d’une usine de fabrication de glaces (Miko). Avec un conditionnement des boues adéquat
 (FeCl3, NaOH et polymères), les boues atteignent 18 % de siccité en sortie.

Les travaux de normalisation en cours devraient contribuer prochainement à clarifier les choses. « Le groupe de travail WG6 du comité ISO TC 275 ‘Valorisation recyclage, traitement et élimination des boues est en train d’élaborer un guide (prTR 19995) sur l’épaississement et la déshydratation des boues qui recense et décrit les technologies classiques et émergentes de déshydratation mécanique avec les aspects dimensionnels et opérationnels qui nécessitent la connaissance et maîtrise de paramètres clés qui restent encore pour certains à normaliser, explique Pascal Ginisty, directeur scientifique de l’IFTS, par ailleurs chef de projet au sein de ce groupe de travail. La base de ce guide a été le guide européen de bonnes pratiques, piloté par l’IFTS et publié en 2013 (TR 16456) et a été élargi aux retours d’expérience et pratiques des autres continents ».

Dans la pratique, les résultats obtenus avec une technologie donnée sont très variables selon la nature des boues et leur conditionnement. Ainsi, il est plus juste de parler de fourchette de performance, la siccité des boues issues de la presse à bandes oscillant plutôt entre 14 % et 20 %, celle des centrifugeuses avec conditionnement polymère entre 18 % et 24 % selon qu’il s’agit de boues secondaires, boues digérées ou boues mixtes, et celle des filtres presses avec conditionnement polymère entre 25 % et 32 %, ou bien, avec un conditionnement minéral, entre 30 et 40 % selon qu’il s’agit de boues secondaires, boues digérées ou boues mixtes.

Reste que « la profession a besoin de paramètres comportementaux en lien à la déshydratation mécanique pour quantifier cette variabilité indépendamment de la technologie utilisée, estime Pascal Ginisty. En France, on utilise la notion de siccité limite qui est souvent un paramètre cité dans les offres contractuelles entre fournisseurs et utilisateurs. Cette grandeur est une propriété de la boue et représente son potentiel de déshydratation mécanique maximale, indépendamment de la technologie utilisée pour son traitement. Elle est utile pour comparer l’aptitude à la déshydratation de boues de diverses origines ou conditionnées de manière différente, évaluer l’impact de la variabilité de la boue sur son potentiel de déshydratation. Elle permet de préjuger de la limite à la déshydratation mécanique dans l’état actuel des techniques utilisées sur les stations d’épuration ». Un groupe de travail, regroupant fournisseurs, utilisateurs et institutionnels, se réunit régulièrement à l’AFNOR dans le cadre de la Commission P16P “Caractérisation et management des boues” depuis 2012 pour élaborer un projet de norme française sur ce paramètre (Pr NF T97001-1).

La Screw press 40 d’Alfa Laval peut traiter jusqu’à 10 m³/h de boues digérées ou 20 m³/h de boues activées. Elle offre une grande stabilité de fonctionnement grâce à un système de contrôle de pression en entrée.

Des essais croisés sur une centaine de boues de diverses origines ont montré que les siccités des boues en sortie machine représentaient 50 à 95 % de cette siccité limite en fonction des performances des technologies citées. La méthode a été validée par des essais inter-laboratoires qui ont eu lieu à l’IFTS en mars 2017 et est actuellement en phase d’enquête publique, dernière étape avant décision de publication. En parallèle, le groupe a élaboré une méthode d’essais pour la siccité de référence (Pr NF T97001-2) qui représente un indicateur comparatif de déshydratation mécanique.

Le point de départ : la filière de valorisation

« Le choix de la filière de valorisation des boues déshydratées est essentiel pour concevoir l’ensemble du procédé de traitement et définir la technologie adaptée au projet, estime Benoit Pouvesle, directeur commercial chez Alfa Laval. La filière définit les caractéristiques que devront avoir les déchets. Le meilleur équipement est celui qui offre les meilleures performances au vu de l’objectif fixé et des contraintes de l’utilisateur. Aucune technologie ne sera évincée, un équilibre s’établira en termes de marché et d’application ». Si l’option choisie est l’épandage sur les champs, il n’est pas nécessairement utile d’investir dans un outil de déshydratation. Si la collectivité a un plan d’épandage et des terres à proximité, un épaississement des boues dans un silo de décantation peut suffire avec un mixage avec de la chaux pour obtenir les 30 % de chaux et de siccité définis par la norme NF U44-003. La transformation des boues en compost s’accommode des boues à 20 % obtenues par une presse à bandes, une presse à vis ou un décanteur centrifuge. Lorsque les boues d’épandage doivent voyager, leur déshydratation poussée en fin de traitement des eaux usées pourra être la solution choisie. De même, si l’incinération est la destinée ultime de la boue, une déshydratation maximum est indispensable. C’est le domaine du filtre presse à plateaux et de la presse à piston, les seuls à dépasser les 30 % de siccité et réduisant ainsi le coût d’évacuation des boues déshydratées. Le type de boues traitées, qui conditionne la siccité obtenue et la quantité de réactifs nécessaires pour un bon fonctionnement, est aussi un facteur essentiel à prendre en compte. En effet, la consommation de réactifs représente un coût de fonctionnement important et utilise également de l’eau.

Grâce à un nouveau concept d’hydraulique, la consommation de la presse à pistons HPS 12007 de Bucher Unipektin n’est que de 20 à 50 kWh/T de MS.

Le choix de la technologie doit également tenir compte de facteurs locaux comme les coûts de l’énergie et de l’eau, la présence d’exutoire pour les déchets et le coût de leur évacuation, mais aussi les préférences du client et ses contraintes propres, notamment en termes de personnel et de compétence. « Les critères diffèrent selon les procédés de traitement et le niveau de développement des pays concernés, souligne Christian Dousset, responsable process technology chez Andritz. Au Moyen-Orient par exemple, la consommation d’énergie ne sera pas un critère de choix mais la consommation d’eau peut faire la différence. Le traitement de l’eau de lavage est aussi un problème pour la station de traitement orientée vers la production de biogaz ».

Chaque technologie a sa place, ses points forts et ses points faibles, et chacune bénéficie d’innovations qui améliorent sa performance de déshydratation, sa performance énergétique, diminuent sa consommation de réactifs, facilitent son utilisation et sa maintenance, élargissent ses domaines d’application et optimisent les procédés par l’introduction d’automatismes. Depuis les années 1990, le marché des boues municipales se répartissait entre trois technologies, avec des proportions de 64 % des boues traitées par centrifugeuses, 27 % par filtres presses et 9 % par filtres à bandes. L’adaptation des technologies à vis pour le traitement des boues urbaines ainsi que les évolutions des produits existants contribuent à redessiner le marché en France, dans un contexte d’économie énergétique et de développement des filières de valorisation.


Les presses à bandes : des avantages spécifiques

Bien que, selon une enquête récente, les presses à bandes tendent à être moins présentes en France, cette technologie proposée par ATR Créations, Aqua Traitements, EMO ou Tefsa subsiste pour certaines applications et tire parti également d’améliorations substantielles. « La presse à bandes est l’outil le plus facile à exploiter du fait que le process de déshydratation est visible, à la différence des procédés en système fermé comme la presse à vis où centrifugeuse, souligne Christian Dousset. Il y a un marché assez stable pour cette technologie, notamment en Europe de l’Est, en Asie et un peu aux États-Unis. Ses points faibles sont un encombrement important, une consommation d’eau conséquente pour nettoyer les bandes et une performance moindre que les autres technologies ». Les appareils de la nouvelle gamme Andritz de presses à bandes haute performance, SMX Q, adressent ces points faibles. Ils sont plus compacts, plus économes en eau et conçus pour faciliter leur utilisation et leur maintenance. L’opérateur a accès à tout moment à la partie supérieure du filtre qui réalise la séparation gravitaire, afin de contrôler cette phase essentielle du procédé et obtenir une bonne performance de déshydratation. Les pièces d’usure se démontent facilement et directement, sans avoir à démonter d’autres pièces. 

L’originalité de la presse à disques EC’eau d’Atlantique Industrie réside dans la technologie de son tambour filtrant composé d’une succession d’anneaux plats fixes et d’anneaux plats mobiles permettant une filtration contrôlée des boues. La presse est composée d’une vis qui tourne à une vitesse constante à l’intérieur d’une succession de plusieurs anneaux fixes, et mobiles et d’entretoises. Lorsque la vis tourne, elle pousse le bord du diamètre inférieur des anneaux mobiles pour les faire bouger en continu dans les espaces. Ceci nettoie les espaces et évite le colmatage.

Mais surtout SMX Q bénéficie d’un système optique d’analyse d’image, Rheoscan, développé par Andritz, qui mesure en continu la qualité du floc et permet d’ajuster en temps réel le dosage de polymères. « Il est ainsi possible d’obtenir une qualité homogène de floculation qui améliore les taux de capture et optimise les performances, commente Loïc Lebègue, Directeur commercial global chez Andritz. Le procédé est plus stable et les performances en aval s’en trouvent améliorées. Nous avons également installé ce système sur les tables d’égouttage utilisées largement en Europe Centrale et de l’Est pour épaissir les boues qui alimentent les digesteurs anaérobies. L’équipement a permis, dans une station d’épuration de Lubiana (Slovénie) par exemple, de réduire la consommation de polymères, d’améliorer les performances du digesteur et d’augmenter la production de biogaz. Au final, le retour sur investissement n’a été que de quelques mois ».

La presse à vis s’installe dans le paysage français

La presse à vis, utilisée traditionnellement dans l’industrie papetière pour compacter des fibres, s’impose aujourd’hui dans le traitement des boues urbaines. 

Les exploitants la considèrent comme une alternative rentable, comme en témoignent le nombre d’échanges sur ces équipements sur le forum d’entraide FluksAqua. Un contributeur y partage par exemple des bilans technico-économiques “pour voir le taux de retour sur investissement pour des projets de renouvellement de centrifugeuses par des presses à vis par rapport à trois principaux constructeurs sur le marché” (EMO, Huber et Adequatec). Selon lui, les « performances annoncées en termes de siccité et de taux de captures » sont équivalentes à celles d’une centrifugeuse. « Les potentiels d’économies se situent sur l’énergie », ajoute-t-il en précisant que « ce qui pénalise actuellement ces presses à vis, c’est le coût d’investissement ».

Elle est proposée par de nombreux fabricants parmi lesquels Alfa Laval, Atlantique Industrie, Huber Technologies, Andritz Separation, EMO, Andreu Boet Equipaments ou encore Horus Environnement. « Avec ses 18 à 20 % de siccité, la presse à vis grignote des parts de marché sur le haut de la performance des presses à bandes et sur le bas de la fourchette de performance des centrifugeuses de petite et moyenne capacité, analyse Benoît Pouvesle, directeur commercial chez Alfa Laval. C’est un créneau important en France car le territoire compte de très nombreuses stations de petite et moyenne taille, équipées de filtres à bandes ou, le plus souvent, de centrifugeuses. Dans ce contexte, la presse à vis est plus compacte et performante que le filtre à bandes et elle est suffisamment compacte et performante pour remplacer le décanteur centrifuge. Sa facilité d’exploitation et son plus faible coût d’exploitation avec, en particulier, une consommation électrique faible et une maintenance aisée sont favorables à son adoption malgré son coût à l’achat plus important ».

Les Rotary Press distribués par Faure Equipements, ont l’avantage de la modularité. En ajoutant des éléments, il est facile de s’adapter à un accroissement du volume des boues à traiter sans changer d’équipement.

« Le marché des presses à vis se porte bien, confirme Henry de Miramon, directeur de Huber Technology France. En France, elles intéressent principalement les projets de rénovation de stations d’épuration inférieures à 10.000 EH qui veulent renouveler leur matériel ancien, le plus souvent des presses à bandes. Le choix se porte sur les presses à vis car elles consomment moins et, très rustiques, elles sont faciles à exploiter. Les centrifugeuses nécessitent des compétences spécifiques pour le maintien et le nettoyage et demandent souvent de renforcer l’alimentation électrique pour obtenir la puissance nécessaire, ce qui a un coût important ».

Cette situation est particulière à la France. De nombreux pays, comme l’Angleterre, ne construisent pas de petites structures. Les effluents des villes et des collectivités sont regroupés pour alimenter des installations de grande taille, financièrement plus rentables. Dans ce cadre, la presse à vis ne trouve pas facilement sa place, même si les performances de siccité pourraient être satisfaisantes. Elle devient très rapidement trop encombrante et trop chère car la surface de filtration augmente proportionnellement avec le débit. « Pour une ville de 100 à 300.000 EH, il faudrait une presse à vis gigantesque, là où un décanteur centrifuge de 500 mm de diamètre, d’une capacité de traitement de 60 à 70 m³/h, fait le travail », explique Benoît Pouvesle.

Les presses à vis séduisent également les industriels pour traiter leurs boues de nature organique (agroalimentaire, fromagerie, brasseries, abattoirs…) car, le traitement de l’eau n’étant pas leur métier principal, ils apprécient la rusticité et la facilité d’utilisation de cette technologie. Des essais préalables en laboratoire ou sur un pilote sur site sont indispensables car, contrairement aux boues urbaines qui ont des caractéristiques similaires et bien circonscrites, les boues industrielles sont complexes et présentent de grandes différences au sein d’un même domaine d’application, voire au sein de la même usine. Les tests en laboratoire et sur pilote permettent d’évaluer les performances obtenues avec divers conditionnements.

« Nous avons mis en place en 2016 une presse à vis en Martinique pour traiter les boues d’une station d’épuration des eaux usées (matières organiques > 90 %) provenant d’une usine d’embouteillage de boissons gazeuses (SNEMBG) et d’une usine de fabrique de glace (Miko), raconte Henry de Miramon. Après des essais en laboratoire qui ont permis de garantir une siccité de 14 %, nous avons obtenu 18 % en conditions réelles au lieu des 12 % de siccité avec l’ancien filtre à bandes ». La première presse à vis d’Huber Technology a été installée en 2004 dans une usine de recyclage de bouteille en plastique. Plus de 1.000 le sont aujourd’hui dans le monde. Sur ses versions les plus récentes, Huber Technology a devancé la réglementation en adoptant un moteur IE4, permettant une économie d’électricité d’environ 10 % et un couple moteur plus important sur une plus grande plage de fréquences. Ces appareils disposent également d’un renforcement de leur principale pièce d’usure, le joint placé à l’extrémité du fil de la vis et servant à décolmater en continu la face interne du tamis. Le nouveau joint polyuréthane est plus facile à changer, plus résistant à l’abrasion (3.000 à 6.000 h de fonctionnement selon le degré d’abrasivité des boues) et est monté sur un système de ressort interne breveté qui le plaque mieux contre le tamis. La consommation d’eau est également optimisée grâce à une nouvelle rampe de lavage de l’extérieur du tamis qui permet de nettoyer séparément les deux moitiés et donc de s’adapter aux besoins. L’entretien est également facilité et permet d’intervenir sur la vis sans avoir à l’extraire de la machine. Sur les machines les plus lourdes est proposé en option un système de tamis démontables qui s’ouvrent en deux parties, celle du bas descend et la partie supérieure s’élève sur un monorail. « Nous obtenons des siccités entre 18 et 23 % sur des boues très organiques, conclut Henry de Miramon. La presse à vis ne convient pas aux boues très minérales qui augmentent énormément la pression dans la vis et engendre des risques de casse, mais nous travaillons actuellement à l’adaptation de notre presse à vis pour ces boues très abrasives ».

« On observe un regain d’intérêt pour la presse à vis car c’est une technologie basique très intéressante pour les petites stations d’épuration, commente de son côté Christian Dousset, responsable process technology chez Andritz. Ses points forts sont sa faible consommation électrique et sa simplicité à piloter et à entretenir. Les siccités atteignent rarement celles offertes par les centrifugeuses et promises par les fabricants, mais cela est suffisant pour certaines filières de valorisation des boues. Ses points faibles sont sa plus forte consommation en polymères, la difficulté à obtenir un bon réglage et, pour les usines de plus grande taille, sa faible capacité par rapport à son encombrement ». Fort de ces constats, Andritz a notamment équipé ses presses à vis d’automatismes permettant d’ajuster la vitesse différentielle aux variations de la qualité des boues afin d’assurer un résultat constant. La siccité est par ailleurs améliorée par un dispositif de contre-pression pneumatique qui limite la vitesse de déplacement du produit. Autre axe d’amélioration, le design de l’appareil évolue pour réduire la consommation d’eau de lavage et faciliter l’entretien et la maintenance des machines. Andritz propose un double anneau de lavage automatique et continu qui offre la possibilité de ne nettoyer qu’une partie des tamis et de réduire ainsi la consommation d’eau jusqu’à 50 %. « Nous sommes en mesure aujourd’hui de proposer une gamme élargie de presses à vis afin de répondre à tous les besoins, note Christian Dausset. Nous explorons également d’autres marchés potentiels pour cette technologie, comme ceux des boues minérales ».

Mêmes axes d’évolution chez les autres fabricants. Les presses à vis haute performance (Screw press 20 et 40), par exemple, proposées par le suédois Alfa Laval sont conçues pour le traitement des eaux urbaines, des biosolides industriels et des résidus de biogaz. Entièrement en inox, elles sont équipées d’un système de contrôle original de la pression en entrée pour assurer la stabilité de leur fonctionnement et optimiser les performances. Le nettoyage du tamis s’effectue en continu à l’intérieur, grâce à une brosse ou un joint caoutchouc équipant l’extrémité du fil de la vis, et à l’extérieur par une rampe circulaire avec jets d’eau se déplaçant le long de l’appareil. Le positionnement des buses a été optimisé pour un rinçage de toute la surface de la toile métallique et les séquences de lavage sont ajustables aux besoins. La conception unique de l’appareil lui confère une grande légèreté tout en conservant la rigidité nécessaire, limitant ainsi les coûts de fondation liés à son installation.

Les solutions d’automation Metris, développées par Andritz facilitent la conduite des procédés de déshydratation et leur surveillance à distance.

« Les presses à vis offrent de bonnes performances pour les boues organiques mais nous manquons encore de recul sur leur bilan financier, estime néanmoins Loïc Lebègue, directeur commercial global d’Andritz. Ce n’est pas toujours la solution la moins chère. Il faut notamment prendre en considération le nombre d’heures de fonctionnement et le coût des polymères et de l’énergie. On présume également que la maintenance est moindre qu’une centrifugeuse mais cela reste à confirmer car de très gros efforts ont été réalisés dans la simplification de la maintenance de ces dernières. L’écart entre les deux technologies n’est plus aussi important ».

La presse à vis commercialisée par EMO a la particularité d’être équipée d’une grille démontable ce qui rend son exploitation plus facile. Cette caractéristique offre la possibilité de s’adapter à des configurations d’installation multiples en fonction des contraintes extérieures : unité mobile, container, bâtiment existant. Cette variété de réalisations permet aujourd’hui à l’entreprise de s’appuyer sur un retour d’expérience fiable en matière de siccité et de consommation de polymère.

Presse à piston hydraulique et Rotary Press : de nouveaux venus

La presse à boue Bucher, du fait de sa flexibilité, des siccités atteintes et de la qualité mécanique des boues produites, est bien adaptée aux stations d’épuration de moyenne à grande capacité.

Andreu Boet Equipaments propose des unités mobiles et automatiques de déshydratation en location avec une large gamme de capacité de traitement, allant de 3 à 90 m³/h. Elles permettent de répondre rapidement à des besoins temporaires, par exemple lors d’appareils en réparation ou une augmentation saisonnière du volume de boues. 

En amont de procédés thermiques, elle permet de réduire le coût énergétique de traitement des boues, jusqu’à un bilan global positif, si elles sont incinérées. « Les boues produites par nos presses sont auto-thermes, un incinérateur peut ainsi être opéré sans étape de séchage et sans consommer de fuel, condition essentielle pour obtenir un bilan énergétique global nettement positif pour le traitement des boues, explique Jean-François Mischler chez Bucher Unipektin. La siccité finale, à la carte, permet une régulation fine de la température de fonctionnement d’un incinérateur en ajustant en continu les performances des presses aux besoins ». En amont d’un sécheur, elle permet de réduire significativement sa taille et sa consommation énergétique (plus de 30 % de réduction de la quantité d’eau à évaporer comparé à la centrifugation). « En filières agricoles, la qualité des boues est telle qu’elle contribue à sécuriser la filière (moins de volumes, bonne texture, stable au stockage, peu d’odeurs, épandage plus propre…), souligne Jean-François Mischler. Les agriculteurs Anglais viennent 15 jours avant la période d’épandage au centre de stockage de Thames Water pour avoir spécifiquement les boues produites par nos presses à Oxford et non celle d’autres sites ». Enfin et pour les filières d’évacuation multiples, il est possible d’adapter le conditionnement et les performances à la destination finale, sans modification de l’équipement.

Arrivé récemment sur le marché français, le Rotary Press de Faure Equipements est un pressoir rotatif conçu par le spécialiste canadien de la déshydratation des boues, Fournier Industries, et proposé par Faure Equipements à la faveur d’un transfert technologique croisé. La boue est alimentée à très basse pression (1 bar) dans un espace entre deux éléments filtrants parallèles. Pendant que l’eau libre s’évacue de la boue, les solides accumulés dans le canal génèrent une pression contre le clapet de sortie.
 La rotation lente des éléments filtrants entraîne les solides par friction générant ainsi suffisamment de pression dans le canal pour permettre l’extrusion du gâteau. « C’est une technologie concurrente de la presse à vis, avec des siccités de 14 à 20 % sur les boues biologiques et des consommations de polymères et d’énergie comparables, souligne Jean-Pierre Deltreil, directeur général de Faure Equipements. Son avantage est d’être très robuste et modulaire, ce qui permet de s’adapter facilement à des évolutions des volumes à traiter. Il est aussi mieux sécurisé car totalement hermétique et automatique ». Son fonctionnement, entièrement automatique 24 heures sur 24 avec une simple surveillance ponctuelle en journée par un opérateur, inclut une seule opération de lavage d’une durée de 5 minutes par jour. Les opérations de démarrage et d’arrêt ne nécessitent pas de présence humaine. Le Rotary Press, développé dans les années 1980, bénéficie d’un retour d’expérience important sur les siccités qui peuvent être attendues dans une grande variété d’applications. Parmi les appareils installés en France en 2016, la tannerie Raynaud dans le Tarn a acquis deux unités Rotary Press qui fonctionnent 5 h par jour et produisent 400 kg de matière par jour, avec un taux de capture de 95 % et une siccité de 20 %. Trois unités, mises en service en 2016 dans une usine Clairefontaine dans les Vosges fonctionnent en continu et produisent 70 tonnes de matière sèche par jour avec un taux de capture de 95 % et une siccité de 30 %. Mais des siccités plus importantes encore ont été obtenues dans le traitement de boues de récupération agroalimentaire destinées à la production de fertilisants (International Bio-Recovery Corporation, Canada), avec des taux de capture de 98 % et des siccités de 37,5 % par exemple, ou dans le traitement de boues de biofiltration de la station d’épuration de Sherbrooke au Canada, avec un taux de capture de 98 % et une siccité de 40 %.


Les décanteurs centrifuges : des optimisations régulières

« Les décanteurs centrifuges restent l’outil n° 1 dans nos ventes pour le traitement des boues, souligne Christian Dousset, responsable process technology chez Andritz Séparation. Ils sont très compacts, avec une emprise au sol faible au regard de leur capacité, ce qui est un atout notable pour les grosses stations en zone urbaine où le foncier reste cher et les possibilités de s’étendre réduites. Leurs performances sont meilleures et la technicité de la maintenance n’est pas un problème car elles ont du personnel qualifié. Comparé aux autres technologies, leur point faible est leur forte consommation énergétique. Mais l’essor des presses à vis a boosté la recherche et aujourd’hui nous sommes en mesure de proposer des décanteurs centrifuges qui, sans atteindre les puissances consommées par sa concurrente, a permis de réduire presque de moitié la consommation initiale ». La centrifugeuse D d’Andritz combine une chambre d’alimentation maîtrisant l’accélération des boues, une vis ajourée haute performance augmentant le temps de séjour des boues dans le bol et conduisant à une meilleure compaction. Le diamètre de sortie des solides et des liquides a également été optimisé. Ces innovations permettent d’obtenir des consommations de 1,5 kW/m³/h de boues traitées, et même 0, 3-0,4 kW/m³/h à très fort débit.

Fort de son expérience et d’un parc d’une vingtaine d’unités mobiles, SEMEO met à disposition la technologie de déshydratation adaptée (Filtre plateaux, filtre bande, presse à vis, centrifugeuses…)  pour faire face aux différents besoins de ses clients. Urgence, sous-capacité de traitement, validation de process… les besoins sont multiples et variés.

Autre avantage, l’appareil est entièrement automatisé et sera bientôt équipé de capteurs permettant au procédé de s’optimiser lui-même, et de systèmes électroniques de surveillance à distance des machines. Andritz développe actuellement, au sein de ses solutions d’automation Metris, des outils de réalité augmentée qui offriront à l’opérateur muni de lunettes spéciales la possibilité d’accéder à des hologrammes se superposant à la machine avec des plans, des instructions de montage/démontage, ou une assistance en ligne. « C’est la prochaine révolution liée à l’internet des objets, qui cible principalement les grosses installations », souligne Loïc Lebègue.

L’ensemble des fabricants comme Andritz, Alfa Laval ou Flottweg y travaillent. L’Aldec G3, le décanteur centrifuge de 3e génération d’Alfa Laval, cumule de nombreuses innovations brevetées. Une conception unique permet d’amincir le profil du convoyeur tout en assurant une rigidité suffisante de l’ensemble et d’augmenter ainsi le volume intérieur de 20 à 30 %. « C’est la plus grande capacité de traitement que l’on peut trouver sur le marché pour une taille donnée de décanteur centrifuge, explique Benoît Pouvesle, directeur commercial d’Alfa Laval. C’est une caractéristique intéressante dans un marché orienté renouvellement et extension, car il est possible d’augmenter la capacité de traitement sans agrandir les bâtiments ». La consommation électrique de l’équipement, le point faible des centrifugeuses, est également fortement réduite grâce au choix de moteurs évolués, IE3 ou IE4, mais surtout à une conception de la vis qui, grâce à des appendices en forme d’aube, convertissent l’énergie du fluide propulsé par la pompe en énergie mécanique, et réduisent donc la consommation électrique en contribuant à la rotation du bol. L’énergie consommée peut descendre jusqu’à 0,50 kWh par m³ traité.

Le constructeur a de plus adopté un système d’alimentation à contre-courant, avec une ouverture située à proximité de la sortie. Cette disposition permet d’évacuer rapidement les parties les plus lourdes et d’allonger la longueur de clarification, réduisant ainsi le nombre de particules renvoyées en tête de station. La géométrie de la zone d’alimentation a été modifiée de sorte que les flots de matières arrivent tangentiellement à la paroi du bol. Les flocs sont ainsi moins déstructurés et il est possible de réduire la quantité de polymères nécessaires au procédé. « Cette innovation permet de réduire d’environ 20 % la consommation de polymères dans le traitement d’une boue urbaine classique, souligne Benoît Pouvesle. C’est loin d’être négligeable car les polymères représentent le plus gros poste de dépense dans l’exploitation des centrifugeuses. Parallèlement, nous avons développé une meilleure compression qui nous fait gagner facilement 2 à 3 points sur la performance de siccité pour atteindre 22 à 23 % ». 

Un contributeur du forum FluksAqua souligne également l’importance des polymères, d’autant plus que « c’est un produit qui perd de son efficacité s’il est stocké longtemps, dilué ou soumis à des variations de température ». L’optimisation du polymère nécessaire à la floculation des boues est un vrai sujet d’exploitation : Là où la marge d’optimisation est surtout importante, c’est sur les paramètres de fonctionnement de l’atelier boues :

  • kg MS/h extrait des clarificateurs ou silos à boues à comparer avec le débit massique nominal de la centrif ou du filtre-bande (cf. doc constructeur) ;
  • débit de la dilution secondaire ;
  • concentration en gMS/l des centrats et filtrats.
  • « couples et vitesse relative de la centrif ou pression des toiles » affirme un autre contributeur. « L’optimisation se fera par ajustement progressif de ces paramètres » ajoute-t-il. Un autre utilisateur suggère une technique pour limiter là aussi la consommation de polymères : « La mise en place d’un débitmètre électromagnétique ».
Remplacement d’une centrifugeuse dans un bâtiment existant par une presse à vis. Réalisation EMO

Tous les appareils d’Alfa Laval sont équipés de systèmes de régulation qui permettent d’ajuster le fonctionnement du décanteur aux variations de la qualité des boues en entrée. La spécificité de ce constructeur est d’avoir adopté pour ce système un algorithme capable d’anticiper l’évolution de la qualité des boues et ainsi d’effectuer les modifications nécessaires plus rapidement. La maintenance de l’appareil est également facilitée et accessible à un opérateur possédant un minimum de compétences en mécanique. Mais les clients peuvent préférer des contrats de maintenance qui englobent aussi bien l’audit de performance, que la formation ou l’upgrading.

« Un avantage de la centrifugeuse est sa capacité à traiter tout type de boues avec des résultats acceptables, là où la presse à vis et le filtre à presse nécessitent un conditionnement impeccable, souligne Loic Lebègue, directeur commercial global chez Andritz. En cas de problème avec la floculation, les performances se dégradent vite, avec des boues extrudées sur la presse à vis et des problèmes de débâtissage sur le filtre presse. De plus, elle est capable de traiter des boues liquides, comme les boues biologiques peu concentrées ». « Sur une centrifugeuse les taux de captures sont de l’ordre de 90 à 95 % avec un polymère bien dosé et suivant le type et la qualité des boues », confirme un exploitant sur le forum FluksAqua.

La capacité d’adaptation rapide de cette technologie est exploitée par SEMEO, CTP Environnement ou Huber Technology. L’Espagnol Andreu Boet Equipaments propose des solutions mobiles de déshydratation pour le traitement des boues d’épuration urbaines et industrielles temporairement (panne, augmentation saisonnière,…) ou de longue durée avec une garantie d’assistance permanente. Chaque unité fonctionne de manière automatique et est constituée d’une centrifugeuse, d’une unité de préparation des polymères, de pompes à boues et à polymères et d’une vis ou d’un tapis roulant pour décharger les boues sèches. La gamme proposée va de 3 m3/h à 90 m3/h.

Les filtres presses s’automatisent

Le filtre presse est l’un des plus anciens outils de traitement des boues. Il est composé d’une série de plaques verticales évidées, équipées de membranes filtres. La boue s’immisce dans les chambres ainsi créées puis est soumise à une forte pression hydraulique. Une fois l’eau extraite, les plateaux s’écartent et laissent tomber des gâteaux secs. Ce système robuste et fiable est le plus performant en termes de siccité (>35% sur des boues primaires) et de filtrats. C’est une technologie chère mais incontournable lorsque l’on désire obtenir une siccité importante. « Les filtres presse sont bien adaptés à la déshydratation des boues produites par les usines de production d’eau potable, détaille Jean-Pierre Deltreil, directeur général de Faure Equipements. Ils ne sont pas sensibles au caractère abrasif de ces boues, s’adaptent facilement à des quantités fluctuantes de boues à traiter, passant par exemple de 1 à 2 cycles par jour à 8 lors d’épisodes orageux. Depuis une dizaine d’années que le traitement des boues issues de la production de l’eau potable est obligatoire, le marché est quasiment dévolu à cette technologie ». Les filtres presses permettent d’atteindre la norme de 30 % de siccité requise par la norme en sortie de station de production d’eau potable et cette boue déshydratée peut être valorisée en agriculture car peu polluée. « C’est un marché en développement aussi bien en France qu’à l’étranger, poursuit Jean-Pierre Deltreil. Nous équipons les très grosses usines comme celle de Choisy-le-Roi mais aussi les petites communes de 10.000 EH ».

Autre contexte qui profite des grandes siccités offertes par le filtre presse à plateaux malgré le surcoût associé à cette technologie, est celui des boues destinées à l’incinération ou des boues très polluantes (arsenic, mercure,..) qui doivent être traitées dans des centres éloignés. Une forte dessiccation permet de réduire les volumes à transporter et de diminuer d’autant le coût de leur évacuation. Ainsi, les filtres presses sont présents dans le traitement des boues abrasives des aciéries et dans toutes les grosses usines de chimie (Rhodia, Sanofi, Solvay, L’Oréal,…). Mais pas uniquement pour s’en débarrasser ! « Nous avons mis en route avec Fournier Industries en novembre dernier un filtre-presse sur une exploitation minière de Rio Tinto Alcan dans le nord du Québec, raconte Jean-Pierre Deltreil. Ce filtre entre dans les procédés de transformation d’un résidu dangereux en un produit hautement valorisable ».

Les filtres presses pourraient aussi gagner des parts de marché dans le traitement des boues domestiques à la faveur de l’évolution de la réglementation. « La norme NF U44-003 impose, pour l’épandage en agriculture, un taux de chaux de 30 %, un pH supérieur à 11,5 pour leur stabilisation et une siccité supérieure à 30 %, développe Jean-Pierre Deltreil. L’avantage du filtre presse est d’être capable d’atteindre cette siccité avec le taux de chaux exigé sans surcoût. Les autres technologies doivent augmenter le taux de chaux et, par conséquent, le coût global de réactifs. Le filtre presse pourrait ainsi devenir un choix intéressant pour les stations d’épuration supérieures à 10 ou 20.000 EH  ».

Le point faible des filtres presses concerne le débâtissage qui nécessite l’intervention d’un opérateur pour s’assurer du bon décrochage des gâteaux et racler manuellement les toiles le cas échéant. « Nous avons développé une version automatique sur des filtres presses à plateaux membranes, Fullauto, qui s’affranchit de la présence d’un opérateur pendant le débâtissage, indique Jean-Pierre Deltreil, Faure Equipements. Cela permet également de ne pas sur-dimensionner les appareils pour pallier l’absence éventuelle de personnel, pendant le weekend par exemple ». Deux types de filtres presses automatiques sont proposés par le constructeur pour des quantités de MES à déshydrater de 20 kg à 100 t par jour. L’un convient aux cycles de filtration courts (comme pour les boues minérales) et est conçu pour secouer l’ensemble des plateaux simultanément. L’autre est bien adapté aux cycles longs nécessaires aux boues organiques. Les plateaux sont secoués un par un. Un système de pesée automatique équipe les Fullauto et contrôle le bon décollement des gâteaux ; le secouage est renouvelé s’il le faut.

Autre évolution projetée par le constructeur : les prochaines générations de filtres presses seront encore plus automatisées et intelligentes. L’ensemble de la chaîne de déshydratation sera capable de s’autoréguler, de faire du reporting permanent et de ne pas exécuter des ordres qui l’endommageraient. Des analyseurs en continu permettront de conditionner les boues pour garantir le respect des normes et une performance optimale.


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