Entre réseau et assainissement individuel, l’assainissement dit “semi-collectif” couvre des réalités diverses. Des gammes standard aux installations sur-mesure, des lits plantés aux réacteurs à membrane, tout est possible. Tour d’horizon....
Si l’on se réfère à la réglementation, tout commence au-delà de 20 équivalent-habitants (EH). Selon l’arrêté du 21 juillet 2015 (modifié en octobre 2020), à partir de cette taille, les installations ne sont plus soumises à un simple agrément ministériel mais à une obligation de résultat. Autrement dit, les effluents rejetés dans le milieu récepteur doivent avoir une concentration de DBO, DCO et MES inférieure aux valeurs limites réglementaires. Si le milieu récepteur est sensible à l’eutrophisation, des limites sont également imposées pour l’azote et le phosphore. Sans compter les dispositions propres aux zones Natura 2000 ou aux eaux de baignade... « Jusqu’à 199 EH (soit la plupart du temps), une étude d’impact est exigée et le SPANC instruit le dossier. A partir de 200 EH, il faut en plus constituer un dossier “loi sur l’eau”, et c’est en général par la police de l’eau locale (DDTM) qui instruit » précise Sébastien Atlan, responsable France de Kingspan. La limite supérieure est plus floue, même si les acteurs citent volontiers 2 000 EH. A de tels niveaux, l’assainissement collectif devient en général plus intéressant.
Limites et dimensionnement
Le nombre d’EH n’est d’ailleurs pas forcément le seul critère pertinent. La loi fixe en effet des ratios entre le type d’activité et le nombre d’EH, par exemple un repas servi dans un restaurant est considéré comme équivalent à un quart d’EH alors qu’un emplacement résidentiel dans un camping équivaut à 2 EH. Or la réalité peut différer fortement de ces ratios théoriques. Les effluents des restaurants ou de certaines installations agroalimentaires (laiterie, brasserie) peuvent être extrêmement concentrés en DBO, d’où un dimensionnement délicat. Ce flou dans la réglementation exige une grande rigueur de la part des bureaux d’études et des concepteurs de filières, ainsi que des donneurs d’ordres, souvent tentés d’attribuer le marché au moins-disant. En risquant une mauvaise surprise à l’arrivée : une installation certes dimensionnée selon les règles, donc légalement inattaquable, mais insuffisante pour traiter l’effluent réel. Certains acteurs du domaine mettent en garde et soulignent le sérieux très variable des propositions...
Petite échelle : des solutions standardisées
Chez Eloy Water, la “barre” se situe aux environs de 100 EH. « De 21 à 100 EH, nous vendons plutôt via notre réseau de concessionnaires, qui s’adresse majoritairement à des terrassiers et entreprises de TP, eux-mêmes en relation avec de petites collectivités pour des bâtiments publics, des salles de fêtes, des clubs sportifs, de la petite hôtellerie de plein air, des maisons regroupées en terrain privé ... » énumère Nicolas Schroeder, directeur commercial France d’Eloy Water. Dans ce domaine de taille, la société propose deux technologies. Tout d’abord, et jusqu’à environ 40 EH, le filtre compact X-Perco. Une cuve de décantation primaire, puis une filtration sur un matériau dérivé du bois dans un compartiment aéré, et c’est tout. « C’est une technologie assez simple, sans apport d’énergie, dans une cuve en béton standard. Elle pourrait convenir au-delà de 40 EH mais alors le coût du média filtrant tend à faire préférer l’autre solution » précise Artémio Cao, responsable technique de la cellule SMART (projets collectifs) chez Eloy. L’autre solution en question est un système de culture bactérienne fixée : Oxyfix. Il comprend une décantation primaire suivie d’un bioréacteur avec support bactérien Oxybee®. « C’est une structure alvéolaire que nous avons développée et produisons. Elle se présente en sacs, et des diffuseurs d’air sont installés en partie basse » précise Artémio Cao. Suit un clarificateur dont la boue est recirculée pneumatiquement vers le premier compartiment. L’ensemble est animé par un simple surpresseur.
Même tendance chez Simop qui propose deux filières complètes de traitement par média filtrant naturel comme la coquille de noisette ou par culture fixée sur lit fluidisé (IFAS). « Nous avons fait évoluer notre gamme Oxymop vers la technique (IFAS). Elle s’appelle désormais Bioxymop Max et vise les 50 à 980 EH. Pour certaines installations comme les campings par exemple, nous privilégions les filtres compacts car ils ont la capacité de mieux absorber les variations de charge », précise Gérald Baudry, directeur commercial & marketing. « Pour améliorer la qualité des traitements, nous avons développé un répartiteur qui permet d'isoler une partie de la filière en bassin d'aération et de clarification si besoin, et avons également intégré à notre gamme des dégrilleurs mécaniques (manuels et automatiques) ».
Kingspan base son offre sur les Biodisc®, des unités monobloc à base de disques rotatifs, acceptant jusqu'à 300 EH – et pouvant s'assembler pour atteindre des capacités de traitement plus importantes. « Nous en avons installé un, muni d’un système de télégestion, sur une barge dans le port du Cap d’Agde. Il fallait rejeter une eau de qualité baignade, après filtration tertiaire par roseaux, de plus dans une zone Natura 2000 » se souvient Sébastien Atlan. Même contraintes et même solution pour Port-Ilon, le port fluvial à Saint Martin-la-Garenne.
Premier Tech Eau et Environnement propose plusieurs filières à cette échelle. Tout d’abord un filtre compact sur matériau à base d’écorce de noix de coco : Ecoflo. L’eau est prétraitée dans une fosse toutes eaux puis percole à travers le coco, sur lequel se développe une biomasse, pour être récupérée en partie basse. « Tout l’art est de trouver la bonne formule pour le milieu filtrant : assez poreux pour accrocher la biomasse et assez fibreux pour laisser passer l’air » souligne Antoine Marin, responsable des solutions techniques France chez Premier Tech. La gamme comprend des unités de 26 EH, 38 EH et 50 EH, et au-delà Premier Tech les assemble jusqu'à 200 EH. « Sur ces gammes, la difficulté reste l’entretien : les installations sont suivies par les propriétaires dont ce n’est absolument pas le métier. Il faut donc faire simple et robuste. La fosse toutes eaux est vidangée tous les 5 à 7 ans, la biomasse s’auto-digère » ajoute Antoine Marin. Assez encombrant (moins qu'un filtre à sable tout de même), relativement coûteux à l'achat mais pas en entretien, Ecoflo trouve ses limites vers 200 EH. « La clientèle se partage entre public et privé : petit village, hameau éloigné de toute STEP, campings, hôtellerie, gîtes, sites touristiques, refuges en altitude car Ecoflo est léger et facile à héliporter. De plus, le filtre accepte très bien les variations de charge ou la saisonnalité, contrairement aux microstations » affirme Antoine Marin. Sur le segment, ABAS propose sa gamme ANC Symbiose qui utilise la technologie de la culture fixée, et la décline si besoin en version Zone Inondable. Dans cette version, les cuves en béton sont totalement étanchées, « ce qui signifie que les performances épuratoires sont maintenues même lors d’une immersion totale de la station », souligne Jérôme Vaché, directeur Abas et vice président ATEP (Acteurs du Traitement des Eaux à la Parcelle).
Peu présent sur ce marché, Saint-Dizier environnement propose toutefois deux gamme de microstations à lit fluidisé O2FIX, commercialisées en version polyéthylène de 21 à 50 EH et en polyester de 51 à 300 EH.
Au-delà des Seta de base de 12, 15 et 18 EH proposés par Tricel, les cuves de massifs filtrants peuvent être posées en parallèle pour atteindre des capacités de traitement supérieures de 24, 30, 36, 45 et 54 EH. Chez Rikutec, les filtres compacts Actifiltre® grands volumes disponibles en 25 EH, 30 EH, 40 EH et 50 EH sont constitués, à l’image du système compacte d’ANC, d’une fosse septique toutes eaux alimentant un filtre biologique composé des fibres synthétiques inaltérables. « Ce substrat possède des propriétés filtrantes largement supérieures à la majorité des autres substrats utilisés traditionnellement et est particulièrement adapté au semi-collectif », assure Marc Sengelin, directeur technique et président de l'ATEP (Acteurs du Traitement des Eaux de la Parcelle).
Ces dispositifs non soumis à agrément ministériel puisqu’ils relèvent de l’arrêté ministériel du 21 juillet 2015 modifié le 24 août 2017 doivent être correctement dimensionnés par un bureau d’études selon les spécificités du projet : charges réelles à traiter, fréquence de vidange visée etc, ainsi que les équipements complémentaires éventuellement requis en amont du filtre compact, tels que séparateur de graisses ou dégrilleur, rappelle le fabricant.
Tec'Bio et ses sociétés sœurs (Biotec Environnement et Aquabio) conçoivent et installent des STEP pouvant traiter jusqu’à 1 000 EH en module de 200 EH maximum.
“Grosses” installations : du sur-mesure
La société a ainsi fourni une installation de 750 EH en conteneur à un camping dans les Cévennes, situé en zone Natura 2000 et sur un lieu de baignade. La filière, complète, traite la matière organique (DBO, DCO), l’azote et le phosphore. Elle comprend une désinfection UV et les odeurs sont traitées sur un massif de bois raméal fragmenté (BRF). Autre projet délicat : un restaurant gastronomique dans le Sud-ouest, près des plages, étroitement surveillé par les associations environnementales. « Nous traitons toutes les eaux du site, avec un prétraitement par BCM pour les effluents de cuisine, ainsi qu’une désinfection UV et un massif BRF pour les odeurs. Par sécurité, l’ensemble du matériel a été doublé » précise Jean-François Jauliac.
En Belgique surtout et plus largement dans le monde, Epur qui fait partie du groupe Kingspan depuis deux ans, déploie son programme complet de culture fixée immergée baptisée BIOFRANCE® jusque 2 000 EH, tant en cuves béton fibré préfabriquées, qu’en cuves PEHD rotomoulé. Un programme BIOKIT® (cuvelage construit in situ) complète le dispositif pour les implantations en espaces fonciers à topographie difficile. « Plus de 250 000 stations en service dans le monde sont estimées actives avec ce procédé, indique Antoine Lombard, Business Development Manager France. Une vingtaine de dépositaires régionaux en assurent la commercialisation, les services de proximité et de maintenance en France métropolitaine, aux Caraïbes, sur La Réunion, en Guyane et en Nouvelle Calédonie. Ils sont tous formés à nos techniques conformément aux prescriptions de l’arrêté du 21 juillet 2015 et signataires de notre charte qualité maintenance ».
A cette échelle (quartier, petite collectivité, eaux de brasserie ou de laiterie), Acqua Eco déploie son système Fast basé sur une culture bactérienne fixée. « C’est la solution la plus résiliente, quasiment sans maintenance, sans pièce en mouvement en cuve et sans risque de colmatage » affirme Romain Salza. Le système est installé en conteneur ou bassin ouvert en béton. Il peut être suivi d'un clarificateur secondaire, voire d'une chloration et une filtration sur charbon actif pour recycler l'eau. « Nous avons installé trois tranches de 2 000 EH dans un camp de travailleurs de 6 000 personnes à Dubaï. L’eau est entièrement recyclée sur place » annonce Romain Salza. Autres avantages : cette technologie intègre nativement la dénitrification et permet la gestion aérobie/anaérobie des boues. « Nous ne générons que 22% de la quantité de boues des systèmes concurrents » affirme Romain Salza. Le système Fast peut également s'installer dans des bassins décanteurs existants pour remettre une STEP à niveau. Dans le même esprit, Acqua Eco peut installer sa technologie Rolls Air dans des lagunes existantes. Il s'agit d'un système d'aération avec diffuseurs immergés, sans maintenance.
« Au-delà de 100 EH, il est nécessaire de faire du sur mesure, donc de traiter directement avec les clients et leur bureau d’étude » estime Nicolas Schroeder, d'Eloy Water. La société peut alors proposer plusieurs technologies. Tout d'abord une culture fixée immergée aérée, en cuve standard jusqu'à 225 EH puis en cuve coulée sur mesure jusqu'à 700 à 750 EH. « La culture fixée s’adapte très bien aux eaux résiduaires urbaines. Si l’effluent à traiter est plus chargé, nous nous tournons vers une culture libre, avec un fonctionnement en batch (SBR) » précise Artémio Cao. Ce système, Airoxy, permet d’absorber jusqu’à 2000 EH. Pour l’industrie agroalimentaire ou les grosses capacités, Eloy préfère toutefois proposer une technologie de bioréacteur à membrane. « La filière comprend un tampon de tête, avec un dégrillage pour protéger la membrane, puis une boue activée aérée à volume constant et une cuve dans laquelle est placé un réacteur à membrane. On peut ainsi traiter des effluents 3 à 4 fois plus concentrés que les boues activées classiques, et le passage par la membrane rend les traitements annexes inutiles. L’eau peut être recyclée pour l’arrosage, la baignade ou les utilités d’une usine » affirme Artémio Cao.
Suivant la taille de l’installation, Graf décline sa micro‐station easyOne, qui fonctionne sur le principe des boues activées, tandis que Remosa s'appuie sur la maîtrise de ses solutions jusqu’à 1 000 EH. Elles démarrent de la culture fixée avec lit fluidisé (micro-station Necor) et se prolongent en fonction des volumes à traiter par le traitement SBR (du modèle SBREM) et les boues activées (modèle Decanrox). « On propose de compléter les filières au moyen de bacs à graisses, dégrilleurs, homogénéisateurs, de traitements primaires et de décanteurs à boues. Pour recycler les eaux usées (de 50 à 500 EH), la technologie MBR à membranes plates d’ultrafiltration de la station Roxplus complétée avec une faible chloration, permettra de conserver les propriétés au point d’usage pour l’irrigation et le nettoyage d’extérieurs », indique Carme Santasmasas, responsable technique chez Remosa.
Une alternative : le traitement extensif
« C’est ainsi par exemple que l’assainissement du Moulin de Cusy, lieu d’hébergement et d’insertion par le travail dans la Nièvre, ou encore l’assainissement d’un campement touristique en Basse Casamance au Sénégal, ont été conçus par l’Atelier Reeb selon la philosophie des techniques d’épuration végétalisée (robustesse, faibles coûts d’entretien, insertion jardinée) et réalisés sous contrôle des experts et installateurs d’Aquatiris ».