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Réseaux d’assainissement : une approche globale est incontournable

31 mars 2024 Paru dans le N°470 à la page 61 ( mots)

En matière d’assainissement, la durabilité des réseaux reste l’enjeu. Encore faut-il avoir fait le bon choix du matériau et poser le réseau dans les règles de l’art afin de mettre à profit toutes les qualités du tuyau. Mais à l’heure où les paramètres économiques, techniques et environnementaux s’immiscent de plus en plus dans le débat, quel matériau choisir pour construire son réseau?? À chacun ses arguments dans ce paysage d’industriels.

Plan de coupe d’un tuyau PVC CR8 Sotralys fabriqué par Dyka.

Béton, fonte, grès, PRV, PVC, PE ou PP, les matériaux disponibles pour l’assainissement sont variés et revendiquent tous une solution durable. Si l’on veut se faire une idée de quel type de tuyau pour quel type de chantier, le choix est souvent lié à des habitudes, des cultures, aux préconisations des fournisseurs et marchands de matériaux, mais aussi à la géologie du terrain, à la disponibilité des tailles et accessoires, et bien sûr, au coût, lui aussi très variable.

Comme beaucoup de matériaux de construction touchés par les hausses du prix de l’énergie et des matières premières, les tuyaux coûtent plus cher tout comme leur transport, leur stockage et leur mise en œuvre sur les chantiers. Des paramètres économiques aux enjeux environnementaux, d’autres défis attendent aussi les industriels.

L’AVANTAGE DE L’ÂGE

La fonte ductile est un matériau historique, incontournable des réseaux d’eau potable. Pour autant Saint Gobain Pam Canalisations, présent depuis 170 ans, met en avant la rigidité des tuyaux en fonte pour l’assainissement. 

«En assainissement gravitaire, la fonte ductile, matériau à très forte rigidité annulaire, garantir une rectitude sur la longueur du tuyau, jusqu’à 6 m, et cela même si le lit de pose n’est pas absolument parfait, explique Laurent Cordobes, responsable marketing du marché assainissement chez Saint-Gobain Pam Canalisations. La fonte a depuis longtemps prouvé sa durabilité, ce qui la rend rentable sur le long terme», assure-t-il. Du côté de son confrère Electrosteel, Cyrille Hahang, Directeur Général délégué affirme que «la fonte reste un challenger sur un marché de l’assainissement finalement «récent», où l’efficacité du traitement des eaux usées repose sur une maîtrise des réseaux fuyards et la non-surcharge des stations d’épuration.»

Aujourd’hui, ces deux industriels offrent un large panel d’applications et de diamètres, du DN80 au DN2000 mm dont la résistance mécanique n’est plus à démontrer. «Dans le temps, le tuyau, lourd et rigide, restera bien en place. Avec des tuyaux en fonte ductile dont le revêtement extérieur est en mortier de ciment fibré (FZMU), pas besoin d’enrobage particulier, ni d’apport de remblais lors de la pose dans la tranchée, ce qui décarbone aussi les chantiers en réutilisant sans problème le sol natif», explique le dirigeant d’Electrosteel dont le siège européen est installé en France, son principal marché avec 50% de son CA.

NATUREL ET ÉCOLOGIQUE

Le grès, par nature résistant, se compose d’argile, d’eau et chamotte, un mélange de céramique cuite recyclée qui lui confère sa structure. Un tuyau donc complètement inerte et écologique. «De la terre à la terre, souligne Jean-Marie Le Bronec, directeur commercial France de Steinzeug-Keramo. Recyclables à 100% et conformes à la norme NF, ces tuyaux disponibles du diam. DN 100 au DN 1000 avec tous les accessoires, ont l’avantage d’être disponibles en 2,50 m de longueur, soit la même longueur qu’un blindage.

 RACCORDS, JOINTS ET HOMOGÉNÉITÉ DU RÉSEAU

Pose d’un tuyau fonte DN 400 d’Electrosteel à Saint-Etienne-du-Grès (Bouches-de-Rhône).

Le choix du matériau est une chose, mais le respect des règles de pose définies dans le fascicule 70 reste indispensable pour assurer la pérennité du réseau. «Le label qualité NF pour l’assainissement délivré par le CSTB impose des règles supplémentaires, notamment l’utilisation de bagues de joint en Nitrile qui résistent mieux que l’EPDM (caoutchouc) aux eaux chimiques les plus chargées» ajoute Cyrille Hahang (Electrosteel). Alors que le joint est souvent accusé d’être le point faible dans les réseaux gravitaires, pour Cyrille Hahang, Electrosteel, la faiblesse se situera plutôt au niveau des raccords. Pour cela, il préconise l’homogénéité complète du réseau. «Nous proposons une gamme complète de raccords et coudes en fonte avec un revêtement époxy de 250 microns. Pour l’assainissement, des raccords spécifiques comme les culottes de branchement ou les piquages orientables ont été développés», ajoute-t-il.

POIDS LOURD VS POIDS PLUME

Depuis plus de 30 ans, Molecor propose des tubes en PVC annelé 100% recyclable, ainsi que leurs accessoires. Ici la pose d’un clip élastomère sur un regard de visite SANECOR®.

Afin de compenser le poids, les industriels dans la préfabrication béton développent de nouvelles solutions pour faciliter et sécuriser les manipulations des tuyaux sur le chantier. Plus courts, équipés de crochets de manutention pour faciliter l’emboitement et joints intégrés lors de la fabrication, «ils sont testés avant d’être livrés, la fabrication est très rarement remise en cause, explique Laurent Colin, directeur adjoint Action Régionale et Formation & délégué AURA & Corse au Centre d’Études et de Recherche de l’Industrie du Béton (CERIB). 

Du diamètre DN80 au DN 2000, Saint Gobain Pam Canalisations est en mesure de répondre à un large panel d’utilisation.

Le problème pourrait se situer au niveau des branchements ou de joints mal emboîtés si des essais de réception conformes au Fascicule 70 ne sont pas réalisés.» En réseau sous pression, on est plutôt sur des petits diamètres, en dessous du DN200/300. «A partir des diamètres DN500/600, en gravitaire, pluvial ou eaux usées, le béton est plus avantageux, juge Jacques Plattard, président du conseil de surveillance du groupe Plattard. Sans oublier que le matériau est très populaire pour les regards quelles que soient les canalisations qui y sont raccordées.» Choisir le PRV, c’est choisir la légèreté.

Mis en service en 2022, le four Thor à l’usine de Pam est le plus grand four électrique d’Europe pour la fonte ductile.

«Conditionnés en barres jusqu’à 12 m de longueur, les cadences de pose sont inégalables. Et plus on monte en diamètre, plus le PRV devient compétitif», explique Frédéric Nicolle, directeur des ventes France chez Future Pipe Industries, spécialiste de tuyauterie en matériau composite du diam. DN150 au diam. DN4000, permettant de réaliser des réseaux d’assainissement entièrement en PRV. 

«Le PRV est à la fois rigide mais reste déformable, avec une ovalisation maximum de 5% autorisée à long terme. Il est aussi extrêmement lisse et doté d’une capacité d’auto curage importante», explique le responsable. System Group France propose pour sa part des tuyaux annelés en PEHD, avec les avantages de ce matériau, en particulier la flexibilité qui permet de résister aux mouvements du sol. Issus de la catégorie des composites, les tubes PRV d’Hydro Pipes Solutions (HPS) sont insensibles à toute forme de corrosion chimique, et notamment à l’H2 S en présence d’eaux usées chargées, à la pollution des sols ou encore aux courants vagabonds. «Certes, il n’est pas le moins cher sur le marché des tubes, explique Alexandre Lapeyre, d’HPS, mais sa durée de vie, évaluée à 150 ans, est l’assurance pour les collectivités, dans le cadre d’une gestion patrimoniale des réseaux, d’investir pour longtemps.» La firme espagnole Molécor propose pour sa part une gamme complète de tubes en PVC et accessoires destinés à l’assainissement, sous le nom de Sanecor.

QUEL THERMOPLASTIQUE POUR QUELLE APPLICATION ?

Faciles à mettre en œuvre, d’un rapport qualité/prix intéressant et d’une durabilité annoncée de 100 ans, les tubes polyéthylène (PE), polypropylène (PP) et polychlorure de vinyle (PVC), sont largement utilisés en assainissement. «Alors qu’un réseau est souvent remanié au bout de 30/ 40 ans, endommagé (glissements de terrain), ou redimensionné (population), le choix du PVC reste très populaire», explique Marc Touret, président de la section Assainissement du syndicat des tubes et raccords en polyéthylène et polypropylène (STRPEPP).


Composé à 100% de PEHD recyclé, le tube annelé ECOBOX/FLOWRAIN est 100% recyclable et a reçu notamment un label en Economie circulaire.

Acteur majeur dans le secteur de l’assainissement depuis plus de 60 ans, Dyka fabrique en France toute une gamme de produits en PVC, PP et PE, couvrant ainsi l’ensemble du petit cycle de l’eau. «Le PVC permettra de couvrir la grande majorité des besoins en assainissement avec les tubes CR8 (Classe de Rigidité 8). Pour les sections de réseaux où les tuyaux passeront à faible profondeur sous des charges roulantes, ou à de très fortes profondeurs, il faudra privilégier du PVC CR16 (parfois aussi connu comme SN16). Sa meilleure résistance à l’écrasement lui permettra de résister aux contraintes plus importantes imposées par les sols ou les fortes charges», explique François De Gersigny, responsable marketing France Dyka.

DES SOLUTIONS ÉCOLOGIQUEMENT MOINS IMPACTANTES

«Pour le béton, lors de la prise du ciment, la réaction chimique s’accompagne d’un fort dégagement de chaleur qui permet le séchage des produits sans alourdir la consommation d’énergie. Par contre, le ciment a subi des taxations environnementales et le prix de l’acier a flambé, ce qui nous a amenés à optimiser son utilisation pour les mêmes garanties de résultat», explique Jacques Plattard. Particulièrement impactés, les industriels de la fonte ont eux aussi poussé la réflexion sur les coûts énergétiques mais aussi le recyclage sachant que le matériau est recyclable à l’infini. 

Depuis son usine de fabrication au process unique en France, Plattard veut assurer la qualité maximale de ses tuyaux béton.

Electrosteel prépare ainsi son projet de site de production de tuyaux à partir de matière première recyclée en France, équipé de fours électriques. De son côté, Saint Gobain Pam, qui vise la neutralité carbone à 2025, a mis en service en 2022 le four électrique Thor, le plus grand en Europe pour la fonte ductile, et deux autres suivront en 2025. «Nous développons par ailleurs une offre de produits en fonte autour de la réutilisation des eaux usées traitées (REUT)», explique Laurent Cordobes, Pam. 

Quant aux tubes thermoplastiques, ils revendiquent une faible consommation en énergie par des procédés d’extrusion à des températures relativement basses (220°C). «Pour Dyka, reprend François De Gersigny, l’objectif de neutralité carbone d’ici 2050 passe par une optimisation des procédés de production basses émissions accompagnés d’initiatives environnementales inscrites dans un programme complet de développement durable.»

DÉFIS CARBONE ET RÉDUCTION DES GES

Souvent attaqué sur son bilan carbone, l’empreinte environnementale du béton est un sujet central pour le CERIB, «même si, dans la composition du tuyau, le ciment ne représente que 10 à 12%», pointe Laurent Colin, CERIB. 

Steinzeug-Keramo organise un accompagnement sur le terrain pour à la fois conseiller et accompagner la pose sur le chantier de ses tuyaux en grès.

Autre levier : le transport car la préfabrication en béton reste un modèle de production locale. Depuis février 2024, Hydro Pipe Solutions est être le premier fabricant de tuyaux PRV sur le marché français à obtenir le certificat RSE, avec une médaille de bronze EcoVadis. Une démarche qui lui a permis de quantifier les émissions de GES au niveau scope 1 et 2, et bientôt, l’évaluation scope 3. «Grâce à notre nouvelle plateforme logistique située à Lyon, nous pourrons stocker en grande quantité les tuyaux fabriqués en Turquie et ainsi réduire les émissions du transport de 5 à 10%», souligne Alexandre Lapeyre, d’HPS. 

En comparant les DEP (déclaration environnementale de produit) des différents fournisseurs de matériaux, Future Pipe Industries a pu analyser le cycle de vie des produits, incluant les étapes de production et de transport, et constater ainsi que les matériaux composites, affichent un meilleur bilan carbone que de nombreux matériaux traditionnels.

100 % RECYCLABLE

Le matériau béton est 100% recyclable et à l’infini. Aujourd’hui, les industriels s’orientent vers une incorporation d’au maximum 30% de granulats recyclés dans les tuyaux. «Mais cette limite pourrait évoluer, car la demande pour avoir des bétons plus verts, décarbonés, est là», rappelle Laurent Colin, CERIB. Les thermoplastiques utilisés en assainissement sont également recyclables à 100%. «Depuis déjà plus de 20 ans, Dyka intègre un taux minimum garanti de PVC recyclé allant jusqu’à 40%, certifié par le LNE et qui nous a permis de devenir le seul fabricant de tube bénéficiant de cette certification», reprend François De Gersigny. Dans le cas du PP, chez Dyka, c’est principalement dans la production de caissons de rétention des eaux pluviales que le recyclé sera utilisé.

QUELS ENJEUX POUR LE MARCHÉ DE L’ASSAINISSEMENT ?

Le secteur de l’assainissement doit lui aussi entrer dans la même démarche de pérennité que l’eau potable. «Les réseaux d’assainissement ont aussi besoin d’être renouvelés. Sans oublier d’autres problématiques comme celle de l’eau qui se fera de plus en plus rare, et qu’il faudra apprendre à économiser et à gérer» assure Jacques Plattard. «C’est là où il faut parler de rentabilité du réseau, explique JeanMarie Le Bronec, Steinzeug-Keramo. Car un chantier renouvelé à 30 ans n’aura pas la même rentabilité que s’il est renouvelé à 60 ans, le rapport entre le coût brut du matériau et la durée du réseau ne sera pas le même.»

DEMAIN, QUELLES ÉVOLUTIONS TECHNIQUES ?

Hydro Pipes Solutions propose des tubes en PRV d’une durée de vie évaluée à 150 ans. 

Les bétons d’hier ne sont pas les mêmes qu’aujourd’hui, ni les mêmes que demain. «D’ailleurs, souligne Laurent Colin, CERIB, il est plus correct de parler «des» bétons plutôt que «du» béton, car en fonction du lieu de pose du tuyau, la formulation du béton peut être adaptée. D’où la nécessité de préparer le chantier en amont afin de proposer le meilleur produit.»

Le secteur des tubes en PRV bénéficie d’une dynamique en R&D constante portée par des secteurs très consommateurs en fibre de verre et résine. «Dans cette quête de transition écologique, nous n’en sommes qu’aux balbutiements avec une filière recyclage qui n’est pas encore mature», rappelle encore Alexandre Lapeyre, d’HPS. Également, président de la FIB pour la région centre-est, l’avenir des réseaux d’assainissement est tout aussi prometteur selon Jacques Plattard: «je pense que demain notre métier continuera à évoluer, avec peut-être plus de surveillance et de gestion des données des réseaux, grâce à des systèmes de puces ou de capteurs qui localiseront les fuites ou mesureront le taux d’H2 S. On continuera à décarboner, et si on décarbone, on va préfabriquer davantage j’en suis certain.»


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