Décidément, il doit se passer quelque chose… Alors que se dessine en France une accélération en nombre et en intensité des épisodes de sécheresse, que la vision que nous avions d’un territoire hydro-suffisant n’existe plus, que 150 ans plus tard, on invoque Saint-Gaudérique dans les Pyrénées-Orientales de la même façon, l’heure n’est plus aux hésitations et considérations politiques.
Les interventions se multiplient au sein des instances nationales et internationales sur le fait que rien ou presque ne bouge alors que les conséquences du réchauffement climatique sur la ressource sont bien réelles et désormais quantifiables.
Parallèlement il ne reste que 7 ans pour atteindre l’objectif de développement durable n°6 qui vise à garantir l’accès des populations à des services d’alimentation en eau et assainissement d’ici à 2030, tonne l’ONG Solidarités Internationales à quelques jours de la première conférence intergouvernementale exclusivement consacrée à l’eau depuis 46 ans par l’ONU.
Coalition Eau et ses partenaires, dont Action contre la Faim, demandent à la France d’incarner à New York un leadership dans le domaine, et lancent une campagne vidéo intitulée S-EAU-S des engagements, pas des abonnés absents !
Lors de son intervention, Jean Lapegue, responsable du département Eau Assainissement Hygiène, Action contre la Faim rappelle : « Sauf émergence d’une série de mesures fortes et adaptées, 1 personne sur 2 vivra dans des conditions de stress hydrique dans le monde dès 2050. Premières victimes : les femmes et les filles, responsables de la collecte de l’eau dans les trois quarts des foyers des pays en développement. Plus l’accès est difficile, plus les conséquences sanitaires sont dramatiques. Chaque année, plus de 829 000 personnes meurent de diarrhées à cause de l’insalubrité de l’eau potable et du manque d’assainissement et d’hygiène. Il s’agit de la deuxième cause de mortalité des enfants de moins de 5 ans. En 2022, un enfant de moins de 5 ans présente ainsi 20 fois plus de risque de décéder de diarrhée que des violences liées à un conflit, selon le rapport de l’Unicef, 2019 ».
Fait sans précédent, les tensions liées aux conflits armés menacent de réduire à néant les progrès accomplis en matière d'accès à l’eau potable et à l'assainissement. Au Burkina Faso, par exemple, les attaques ciblées contre les installations d'eau se sont multipliées dans le but de déplacer les communautés. 58 points d'eau ont été attaqués en 2022, contre 21 en 2021 et 3 en 2020, condamnant ainsi 830 000 personnes - dont plus de la moitié sont des enfants – à ne plus avoir l'accès à l'eau potable l'année dernière.
En France où la Transition écologique est censée devenir une priorité de l’action publique, l’ évolution de la politique de l’eau est peu perceptible, regrette la Cour des comptes dans son rapport 2023. « La cohérence de son action est toutefois altérée" par le fait que les trois ministères compétents (environnement, agriculture et santé) défendent des orientations différentes - bon état des masses d'eau pour celui de la Transition écologique, ressources suffisantes pour arroser pour celui de l'Agriculture et qualité sanitaire de l'eau potable pour celui de la Santé - et que "leurs divergences n’ont jamais été véritablement surmontées ».
Le « plan eau », présenté par le gouvernement à l’heure ou ces lignes sont écrites, devrait contribuer à mettre un peu d’ordre dans tout cela, tout en signant la fin de l’abondance. Ce cadre d’une cinquantaine de mesures doit aussi permettre d’éviter une multiplication exponentielle des conflits d’usages.
Trois ans après le début de la pandémie de Covid-19, les récents événements impliquent de considérer que l’eau dans son ensemble marque TOUS les territoires et que les progrès actuels et futurs dépendent de cette ressource. Il ne faut jamais perdre de vue qu’elle est chez nous aussi E.S.S.E.N.T.I.E.L.L.E. Et que l’absence de cohérence à New-York comme à Paris est désormais interdite.