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Actualités internationales

Accorder sa juste valeur à l’eau, un « or bleu » à protéger

21 mars 2021 Paru dans le N°440 à la page 4 ( mots)
© ONU

Le Rapport mondial 2021 de l’ONU sur la mise en valeur des ressources en eau, publié par l’UNESCO au nom d’ONU-Eau, démontre que l’incapacité à reconnaître la valeur de l’eau est la cause principale de son gaspillage et de son mauvais usage. Malgré la difficulté à attribuer une valeur objective et incontestable à une ressource qui est au fondement même de la vie, il parait nécessaire d’expliciter les différentes dimensions de l’eau, pour éclairer les différents aspects de sa « valeur ». Surtout dans un moment où cette ressource se raréfie, dans un contexte de croissance démographique et de changement climatique.

« L’eau est notre ressource la plus précieuse, un « or bleu » auquel plus de deux milliards de personnes n’ont pas directement accès. Elle est non seulement un enjeu essentiel à la survie mais aussi un enjeu sanitaire, social et culturel au cœur des sociétés humaines », a déclaré la directrice générale de l’UNESCO, Audrey Azoulay.

Le rapport devait cette année traiter cette question de la valeur de l’eau. Il démontre que si l’eau est souvent négligée, gaspillée, c’est parce qu’on a trop tendance à ne résonner qu’en termes de coût de revient, sans percevoir son immense valeur, qu’aucun prix ne saurait traduire.

« Les effets dévastateurs de la pandémie de COVID-19 nous rappellent l’importance de l’accès aux services d’eau, d’assainissement et d’hygiène, et soulignent le fait qu’un trop grand nombre de personnes n’en disposent toujours pas. Nombre de nos problèmes tiennent au fait que nous n’accordons pas assez de valeur à l’eau ; trop souvent, cette valeur n’est pas même reconnue », a regretté le Président d’ONU-Eau et du Fonds international de développement agricole (FIDA), Gilbert Houngbo.

Sa valeur est en effet inestimable, infinie, puisque la vie n'existe pas sans elle et qu'il n'y a pas de substitut pour elle. L’enthousiasme généralisé à l’idée que l’on puisse en retrouver des traces sur Mars, ou le fait qu’on utilise l’eau et la vie comme des synonymes dès que l’on évoque les mondes extra-terrestres, en sont peut-être la meilleure illustration.

Le rapport insiste sur le fait qu’il est essentiel d’enrichir la notion de « valeur » de l’eau et que l’on ne peut confondre les notions de « prix », de « coût » et de « valeur ».

Si les deux premiers aspects sont potentiellement quantifiables, la notion de « valeur » est beaucoup plus large et inclut des dimensions sociales et culturelles.

L’eau n’est, en effet, pas une matière première qui peut être traitée comme un produit de consommation et négociée sur les places boursières. Le défi est d’attribuer une juste valeur à une ressource dont l’importance varie selon les domaines d’activité économique et selon les périodes, et qui prenne en compte ses dimensions sociale, environnementale et culturelle.

Les outils et les méthodologies pour déterminer la valeur de l’eau sont à la fois imparfaits et mal utilisés

Or, les outils dont on dispose aujourd’hui ont tendance à la réduire à son seul aspect économique.

Il ne s’agit évidemment pas de nier que l’eau puisse avoir une valeur économique : c’est une ressource dont l’exploitation est multiple : production de nourriture, d’électricité, usages industriels, etc.

Si la valorisation monétaire a donc l’avantage d’être d’un usage commode et aisément compréhensible pour ce qui concerne l’utilisation de l’eau dans l’agriculture et l’industrie, elle a toutefois l’inconvénient de sous-évaluer, voire d’ignorer d’autres aspects plus difficiles à traduire sous la forme d’un montant monétaire. Ainsi, comment quantifier ce que représentent 443 millions de journées d’école perdues tous les ans à cause des maladies liées à l’eau ?

Par ailleurs, certaines sociétés rejettent l’idée d’appliquer une grille de lecture économique à la nature et à ses bienfaits. Elles mettent en avant les droits de la « Terre Mère », quand ce ne sont pas des croyances religieuses qui rendent profondément insuffisantes les lectures strictement économiques de la valeur de l’eau. En Inde, par exemple, le Gange est vénéré par les hindous qui le considèrent comme une entité vivante dotée des mêmes droits que les êtres humains. De la même manière, en Nouvelle-Zélande, la loi Te Awa Tupua, adoptée en 2017, reconnaît la rivière Whanganui comme « une entité indivisible et vivante, des montagnes à la mer » et garantit la protection du fleuve par la population maorie locale. « Comme l’exprime l’adage de la tribu du fleuve Whanganui - Ko au te awa, ko te awa ko au - je suis le fleuve et le fleuve est moi -, les sorts de l’humanité et de l’eau sont inextricablement liés », note Audrey Azoulay.

Entre ces considérations et la manière dont les investisseurs envisagent l’eau comme ressource à valoriser, il parait difficile d’élaborer un système unifié pour mesurer la valeur de l’eau, dans ses différents aspects. Il est possible, en revanche, de mettre au point une approche intégrée qui permette d’envisager ensemble les différentes dimensions de l’eau, afin d’identifier les choix politiques pertinents. Un élément clé de cette approche est de s’assurer que l’ensemble des acteurs concernés, quels que soient leurs horizons ou leur genre, participent aux évaluations et à la prise de décision. Si l’on veut enrichir notre approche de l’eau et ne pas la réduire à la seule valeur monétaire, il faut donc s’enrichir de tous les regards, notamment ceux des premiers concernés.

Surmonter les divergences d’appréciation et parvenir aux compromis indispensables est l’un des grands défis de la gestion de l’eau. « Il est temps que les parties prenantes identifient, expriment et partagent leurs points de vue sur les valeurs de l’eau », souligne Gilbert Houngbo. Cela implique de mettre en place des mécanismes permettant aux parties prenantes non seulement de s’exprimer mais surtout d’être entendues.

Quand de grands projets d’infrastructures sont étudiés par exemple, il est ainsi indispensable d’envisager l’ensemble de ces différentes dimensions, au risque de sous-estimer leurs conséquences sociales, culturelles et environnementales. Une authentique approche coût-bénéfice ne peut ainsi pas faire l’économie d’envisager les différentes « valeurs » de l’eau.

De la même manière, on sait qu’assurer l’accès universel à l'eau potable et à l'assainissement dans 140 pays à faible et moyen revenu coûterait 114 milliards de dollars par an, pour des bénéfices multiples, à la fois sociaux et économiques, qu’il est en revanche difficile d’évaluer.

Ce sont précisément ces problématiques qui sont au cœur de l’édition de cette année.

Le rapport 2021 de l'ONU Eau est téléchargeable https://fr.unesco.org/themes/water-security/wwap/wwdr/2021