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Actualités France

Assainissement non collectif : la publication des nouveaux arrétés modifie le cadre réglementaire en profondeur

30 octobre 2009 Paru dans le N°325 ( mots)

Bien que leur contenu soit, dans les grandes lignes, connu depuis longtemps, la publication au J.O. du 9 octobre des arrêtés du 7 septembre 2009 dessine assez clairement les contours du nouveau cadre réglementaire pour l'assainissement non-collectif. Au menu : arrivée des micro-stations d'épuration mais aussi institution de contrôles obligatoires sur la conception et l'entretien des installations. Rencontre avec Hubert Willig, Président du Syndicat des Industriels Français de l'Assainissement Autonome (IFAA).

Revue L?Eau, L?Industrie, Les Nuisances : Quel regard portez-vous sur le contenu des nouveaux arrêtés qui viennent d'être publiés au journal officiel ? Hubert Willig : Ces arrêtés sont le fruit de plusieurs années d'âpres discussions. La gestation a été longue et difficile, ce qui s'explique par de nombreuses raisons, notamment par le fait que l'Assainissement Non Collectif n?est plus régit par un texte mais par trois, ce qui n?a pas facilité l'émergence d'un compromis. La phase de négociations délicates avec Bruxelles au sujet de la libre circulation des produits nous également coûté presque une année... Mais enfin ces textes sont publiés et j?en suis très satisfait. E.I.N. : Pensez-vous qu'ils soient de nature à stabiliser le cadre réglementaire de l'ANC ? H.W. : Ces textes ont l'immense mérite de clarifier les choses. Le marché Français de l'Assainissement Non Collectif, du fait de son potentiel, est très attractif, surtout en période de crise... Alors qu'il y a trois ans à peine, une vingtaine d'opérateurs se partageaient ce marché, on en compte aujourd'hui plus d'une cinquantaine. Il aiguise donc un certain nombre d'appétits ce qui a conduit certains acteurs à s'affranchir de certaines règles, parfois les plus élémentaires, à commencer par le respect de la règlementation en vigueur. Des excès ont été commis, notamment par ceux qui ont considéré, à tort, que la réglementation était devenue caduque du fait du marquage CE. Cette époque est révolue et l'arrivée de règles claires et incontestées ne peut qu'assainir le secteur de l'ANC, ce dont je ne peux que me réjouir. E.I.N. : L?arrêté prescriptions prévoit finalement deux procédures d'évaluation formalisées pour les microstations selon qu'elles ont, ou non, obtenu le marquage CE. Ce compromis vous satisfait-il ? H.W. : Je le trouve juste. Le marquage CE est une démarche volontaire. Il est parfaitement logique que ceux qui se sont engagé dans cette démarche, sur une base volontaire je le répète, ne soient pas contraints de faire procéder à une nouvelle évaluation de leurs systèmes. Il est tout aussi légitime que ceux qui souhaitent pénétrer ou même prospérer sur le marché Français mais qui n?ont pas entamé cette démarche fassent, tout comme leurs confrères, la preuve de la qualité et de la conformité des systèmes qu'ils commercialisent en se soumettant à une évaluation plus complète. Quant à la position Française qui a consisté dans ce dossier à opter pour plus de qualité et d'efficacité, je la trouve juste et légitime. Il est tout de même normal qu'un État membre comme la France, qui avec plus de 5 millions d'installations recensées, représente à elle seule plus de 50% du marché à côté de 27 autres pays, ait son mot à dire quant à la qualité des installations qu'elle accueille sur son sol. J?ajoute que l'ANC n?est pas une spécialité européenne mais Française et qu'il est sain que notre pays tire le marché vers le haut. E.I.N. : Tous les fabricants n?ont pas obtenu leur marquage CE sur la base de critères identiques. Comment régler cette difficulté ? H.W. : Certains fabricants ont effectivement entamé leur démarche à une époque ou les règles du jeu n?étaient pas encore ce qu'elles sont aujourd'hui. Je pense notamment à la règle des 150 mg/l de DBO5 passée récemment à 300 mg/l de DBO5. Cette particularité concerne d'ailleurs la plus grande partie des fabricants puisque ceux qui ont obtenu le marquage CE sur la base 300 mg/l se comptent sur les doigts d'une seule main. Là encore, l'équité prévaudra et ceux des fabricants qui sont titulaires d'un marquage CE sur la base des 150 mg/l devront se soumettre à des évaluations complémentaires. E.I.N. : N?y-a-t-il pas un risque, au moins théorique, que les fabricants de microstations marquées CE qui ne satisferaient pas à la procédure d'évaluation simplifiée n?invoquent une violation du droit communautaire ? H.W. : En théorie, le risque existe mais il me parait mineur. Je crois sincèrement qu'un fabricant qui a pour ambition de conquérir un marché a tout intérêt à s'inscrire dans une autre logique que celle de l'affrontement juridique. D?abord parce qu'il a intérêt à montrer qu'il à la capacité d'aboutir dans sa démarche en se soumettant aux mêmes évaluations que ses confrères. Ensuite parce que si l'un de ses produits ne satisfait pas à la procédure d'évaluation, ce ne sera certainement pas sur l'intégralité du dossier mais plutôt sur un ou plusieurs points bloquants qui ne seront sans doute pas insurmontables. Il faut, dans ce domaine comme dans bien d'autres, parier sur l'intelligence des acteurs même si des considérations d'ordre économique conduisent parfois à des débordements. E.I.N : La norme européenne doit entrer en révision en 2010. Quelles sont vos attentes concernant cette révision et quelle est votre stratégie ? H.W. : La suite logique des arrêtés, c'est effectivement la révision des normes notamment de la norme XP DTU 64-1 P1.1 et P1.2. Mais il faut également redéfinir le contexte de tout ce qui relevait de la norme EN 12 566-3, c'est à dire les microstations ou autres filières compactes qui ne figurent pas dans la XP DTU 64-1. Nous avons l'avantage avec la XP DTU 64-1 d'avoir en France une norme expérimentale, qui, contrairement à ce que l'on croit trop souvent, est tout a fait est applicable. Elle n?est expérimentale, que parce qu'on ne peut pas la transcrire en norme française du fait qu'il y a des travaux européens liés à la Directive Produits Construction (DPC). Le Fascicule de documentation - FD 12566-2: Systèmes d'infiltration dans le sol a un statut normatif inférieur à une norme ou à un DTU. Ainsi, la norme XP DTU 64-1 prévaut sur le fascicule FD 12566-2 en terme de règles de l'art peut être révisé. La révision de la norme XP DTU 64-1 prendra au moins 2 ans. Quant à la norme européenne, sa révision nécessitera au moins 5 ans. Je pense que on aura beaucoup de mal a trouver un consensus européen pour réviser ce document FD 12 566-2 ou alors il faut élargir le texte. Il y a en Europe un contexte géographique qui fait que l'on ne peut pas appliquer les mêmes règles en Scandinavie que celles que l'on appliqueraient en Espagne par exemple. E.I.N. : Le deuxième arrêté s'attache aux missions de contrôle que les communes doivent mener sur la totalité des installations d'ANC d'ici au 31 décembre 2012. Que pensez-vous du contenu de ces contrôles et pensez-vous que les communes aient les moyens de respecter cette échéance ? H.W. : L?arrêté me parait très clair dans sa rédaction et sa mise en ?uvre sera sans doute facilitée par la sortie d'une circulaire ou d'un plan d'action. Quant à l'échéance du 31 décembre 2012, elle me parait réaliste. Beaucoup de chemin a été parcouru ces dernières années. Toutes les enquêtes montrent que bon nombre de Spanc ont déjà programmé leurs plans de contrôle. Ceux qui ne l'ont pas encore fait ne pourront qu'être incités à se lancer sans tarder. Parallèlement à ce mouvement, des expériences vont être menées avec la création de services uniques de l'assainissement regroupant l'assainissement collectif et non collectif. Le feu vert a été donné il y a un mois pour entamer ces tests. Deux régions en France expérimentent déjà ce service unifié, dont le Bas-Rhin avec le SDEA qui gère aussi bien la distribution de l'eau que l'assainissement collectif et non collectif. Bien sûr, ceci ne signifie pas que la solution du service unifié soit universelle. Mais elle peut constituer une solution si elle est adaptée aux considérations locales en palliant au manque de temps et de moyens. E.I.N : La CLCV affirme déjà être saisie quotidiennement par un nombre croissant de particuliers qui se plaignent du déroulement des contrôles et de l'attitude de certains SPANC qui obligeraient à réaliser des travaux pouvant atteindre 10.000 ? alors qu'aucun risque sanitaire et/ou environnemental n?est avéré. L?évolution de la règlementation ne risque-t-elle pas de multiplier les litiges de ce genre ? H.W. : Le fait d'instaurer des obligations de contrôle et de réhabilitation augmente bien entendu le risque de voir se multiplier des litiges tels que ceux que vous décrivez. Peut-on pour autant imputer ce risque à la règlementation ? Je ne le crois pas. C?est plutôt du côté de sa mise en ?uvre qu'il faut regarder. Il existe aujourd'hui des distorsions importantes qui vont de 1 à 5, voire de 1 à 10, pour le coût d'un même service selon qu'un citoyen habite ici ou là, et parfois même au sein d'un même département. C?est inacceptable. La meilleure façon de limiter les litiges consiste à traiter tous les citoyens concernés par l'ANC de la même façon, quel que soit l'endroit ou ils se trouvent sur le territoire national. E.I.N : Comment faire pour y parvenir ? H.W. : J?ai engagé des démarches auprès de certains parlementaires pour les sensibiliser sur quelques points qui me paraissent importants. Le premier consiste à ce que soit créé à l'échelon du bassin, ou mieux encore à l'échelon national, un barème forfaitaire qui permette à chaque citoyen concerné par l'ANC de payer, à prestation égale, le même montant ou qu'il se trouve sur le territoire national. L?idée consiste à éliminer toute distorsion pour créer une égalité de traitement entre tous les citoyens. Dans le même esprit, j?ai également plaidé pour une révision des politiques des agences de l'eau dans le sens d'une uniformisation des aides, qui, comme vous le savez, ne sont pas actuellement les mêmes partout. J?ai également plaidé pour la création d'une aide systématique pour l'ANC qu'elle soit forfaitaire ou non. Pour quelles raisons ? Parce que c'est nécessaire et intelligent. C?est nécessaire parce que nous savons que nous allons devoir réhabiliter à court terme plus de 2 millions d'installations. En période de crise, à l'heure ou apparaissent des tensions en matière de pouvoir d'achat, ceci ne pourra pas se faire sans une incitation forte. C?est intelligent parce que ces réhabilitations doperont le marché et favoriseront la création de plusieurs milliers d'emplois. Au total, un rapide calcul montre que les recettes fiscales et sociales compenseraient largement les aides accordées. Si l'on parvient à créer une égalité de traitement, à supprimer les distorsions et à instaurer des aides, le secteur de l'Assainissement Non Collectif peut devenir une vitrine de ce que l'on peut faire en temps de crise. C?est aussi comme cela que l'on effacera le mot « crise » de la tête des gens et que l'on prouvera qu'en France on sait aussi être solidaire. E.I.N. : Qu'attendez-vous du plan national d'actions de l'ANC annoncé par le ministère de l'écologie ? H.W. : Ce plan national d'actions doit, à mon sens, à l'image d'une circulaire administrative, faciliter et fluidifier la mise en ?uvre des trois nouveaux arrêtés. Je souhaite que cette mise en ?uvre soit rapide. Un objectif plus ambitieux de ce plan pourrait être d'inciter les agences de l'eau à uniformiser leurs aides... Propos recueillis par Vincent Johanet