Des constats, des ambitions, mais pas ou peu de moyens… Tel est le sentiment qui domine chez de nombreux professionnels de l’eau à l’issue de la deuxième séquence des Assises de l’eau, clôturées par l’annonce d’un pacte de 23 mesures destinées à faire face aux effets du changement climatique.
Les
constats, fruits de plusieurs mois de confrontations et de débats, et synthétisés
en conférence de presse par François de Rugy et Emmanuelle Wargon le 1er
juillet dernier, sont certes intéressants.
Le
problème, c’est qu’ils datent.
En
rappelant qu’un changement de modèle reposant sur une intégration de la
préservation de la ressource en eau dans toutes nos politiques publiques
s’impose, de même qu’une réduction de l’impact de nos activités sur les milieux
aquatiques, le ministre enfonce une porte ouverte depuis une bonne dizaine
d’années.
En
décrétant l’urgence climatique, il se fait l’écho de ce que soulignent les
agences elles-mêmes, notamment Adour-Garonne et Rhône-Méditerranée-Corse,
depuis plusieurs années également.
Il
en va de même pour beaucoup des mesures annoncées, même si leur intérêt n’est
pas contestable.
L’exécutif
souhaite ainsi relancer la protection des captages, une mesure déjà affirmée
lors du Grenelle de l’Environnement, en dotant 1.000 points de captage de plans
de protection d’ici fin 2021. Pour renforcer l’effectivité de la mesure, les
collectivités pourront préempter des terrains en vente sur ces aires
d’alimentation. Mais, et c’est sans doute le point faible de la plupart des
mesures annoncées, rien de contraignant.
Sur
les économies d’eau, l’objectif a été fixé de baisser les prélèvements de 10%
d’ici 2025 et de 25% en 15 ans. Pour ceci, un élargissement des tarifications
incitatives est prévu, de même que la mise en place d’une tarification sociale
de l’eau. Cette dernière mesure, inscrite dans le projet de loi
« engagement et proximité », sera sans doute chaudement discutée au Sénat
à l’automne.
La
valorisation des eaux non conventionnelles, c’est-à-dire la réutilisation des
eaux usées traitées et des eaux de pluie est également une problématique qui
préoccupe élus et professionnels depuis plus de 20 ans. Le gouvernement se fixe
pour objectif de tripler d’ici 2025 les volumes de ces eaux réutilisées en
introduisant des évolutions réglementaires. Très bien, mais 2025 c’est loin, et
ce triplement nous laissera très en deçà de ce qui se pratique dans bien
d’autres pays, y compris européens. Trop peu et trop tard...
L’exécutif souhaite enfin restaurer
25.000 km de cours d’eau et doubler la superficie des zones humides protégées
d’ici 2030. Parfait, mais comment financer ?
Car c’est
sur la question des moyens financiers que se concentrent les critiques, et plus
particulièrement sur l’absence de création de ressources financières spécifiques
et affectées au grand cycle de l’eau.
Pour
l’instant, le financement des mesures annoncées se limite à des redéploiements,
à budget constant, des disponibilités actuelles des agences, et par de la dette
via le mécanisme des aqua-prêts accordés par la Banque des
territoires et la Caisse des dépôts et consignations.
Rappelons que le financement de la politique de l’eau repose
actuellement à 85 % sur la facture d’eau des consommateurs. Or, la
simple mise en œuvre du principe pollueur/préleveur-payeur justifierait à elle
seule une augmentation significative des redevances prélèvements, de même que
la création de nouvelles redevances, par exemple sur les engrais azotés. Mais
rien sur le sujet, alors que les usages agricoles représentent 70 % de
la consommation d'eau en France, contre 20 % pour les industriels et 10 % pour les usages domestiques…
Enfin,
aucun engagement n’a été pris sur la suppression du « plafond
mordant » qui pèse lourdement sur le budget des agences, et dont tout le
monde s’accorde à dire qu’il va à l’encontre des ambitions affichées par le gouvernement.
L’équation financière du secteur de l’eau reste donc, à l’issue de ces Assises, inchangée.
Vincent Johanet