A l’issue de la seconde séquence des Assises de l’eau qui s’est déroulée entre novembre 2018 et juin 2019, François de Rugy et Emmanuelle Wargon ont présenté le 1er juillet un pacte de 23 mesures. Objectif : faire émerger un changement de modèle pour faire face aux effets du changement climatique et promouvoir une gestion plus durable de la ressource. Ces mesures, non-contraignantes, reposent essentiellement sur l’incitation. Par ailleurs, la question de leur financement reste entière.
Les effets du changement climatique, déjà
perceptibles, renforcent les tensions sur les ressources en eau. A terme, ces
tensions affecteront l’ensemble des écosystèmes, des territoires et des
acteurs. L’augmentation des températures, la baisse des précipitations en été
et la diminution de l’enneigement pourraient réduire les débits moyens des
cours d’eau de 10 à 40% d’ici 50 ans. La recharge des eaux souterraines sera
également impactée. Satisfaire tous les usages avec une ressource réduite va
devenir plus aléatoire.
La seconde séquence des Assises de l’eau s’est donc
attachée à faire émerger une nouvelle vision de la gestion territoriale de
l’eau et des milieux aquatiques.
Pour ceci, trois objectifs prioritaires ont été
retenus.
Le premier concerne la protection des captages. Il
s’agit notamment de protéger les aires d’alimentation de captage des pollutions
diffuses. L’objectif fixé est que, d’ici 2022 et sur au moins 350 captages
prioritaires, les collectivités chargées de l’alimentation en eau potable aient
conclu des partenariats avec le monde agricole. Pour ceci, le champ des
compétences du bloc communal sera élargi à la protection des ressources
destinées à l’alimentation en eau potable. Un droit de préemption sera
également ouvert aux collectivités pour qu’elles puissent favoriser les
pratiques favorables à la préservation de la qualité de l’eau. Enfin, l’objectif
est que 1.000 captages prioritaires, contre 500 actuellement, disposent d’un
plan d’action d’ici fin 2021. Des paiements pour services environnementaux
seront expérimentés à compter de 2020 sur 20 territoires et notamment sur des
zones de captage, pour rémunérer les pratiques agricoles qui protègent les
ressources en eau. Les agences sont appelées à soutenir ces démarches à hauteur
de 150 M€.
Le second objectif concerne les économies d’eau. Il s'agit de faire baisser les prélèvements de 10% d’ici 2025 et de 25% en 15 ans. Tous les
usages sont concernés : domestiques, agricoles, industriels. Pour ceci, la
mise en place de tarifications incitatives sera élargie qu’il s’agisse d’une
tarification saisonnière ou de la création d’une catégorie d’usagers «
résidences secondaires ». Les impacts sur les ménages les plus modestes seront
limités via la mise en place d’une tarification sociale de l’eau. Le
gouvernement se fixe par ailleurs l’objectif de faire aboutir au moins 50
projets de territoire pour la gestion de l‘eau (PTGE) d’ici 2022 et 100 d’ici
2027. Il souhaite également, sans plus
de précision, tripler les volumes d’eaux non conventionnelles réutilisées d’ici
2025, en facilitant leurs usages.
Troisième volet du pacte, la protection des écosystèmes,
notamment des zones humides. Deux objectifs sont définis : la restauration
de 25.000 km de cours d’eau d’ici 2022 via à un plan national de revitalisation
des rivières et au soutien financier des agences, et un doublement de la
superficie des aires protégées contenant des milieux humides d’ici 2030.
Reste la délicate question des financements. Car pour
mettre en œuvre l’ensemble de ces actions, le gouvernement compte sur le
concours des agences qui doivent apporter un soutien financier à hauteur de 5,1
Md€ sur la période 2019–2024. C’est donc sur la facture d’eau qui repose actuellement à 86% sur les
consommateurs comme le rappelle l’UFC Que Choisir, que pèsera l’essentiel de
l’effort, même si un relèvement de la redevance pour pollution diffuse
est envisagé pour contribuer à la transition agroécologique. L’extension de l’Aquaprêt aux projets de restauration des cours d’eau et
milieux humides ne changera pas la donne.
Les professionnels de l’eau, s’ils saluent
globalement les mesures annoncées, s’inquiètent donc de leur financement. La
FP2E souhaite ainsi une application plus stricte du principe selon lequel «
l’eau paye l’eau », et appelle à « la création de ressources financières
affectées au grand cycle de l’eau, en particulier en renforçant la portée et
l’effectivité du principe pollueur/payeur ».
Quant aux acteurs de la Filière Française de l’Eau,
confédération rassemblant les acteurs publics et privés du secteur de l’eau,
ils alertent le gouvernement sur l’impasse économique vers laquelle le secteur
se dirige. « Le financement de cette ambitieuse politique de l’eau et de
la biodiversité ne pourra se résoudre par des réaffectations à iso-budget des
disponibilités actuelles des Agences de l’Eau, ni par de la dette
non-financée » expliquent-t-ils dans un communiqué.