Estimé entre 360 et 430 milliards d’euros, le patrimoine de l’eau, en France, se compose, selon la FNTP, d’un million de kilomètres de réseaux d’eau potable, de 380.000 kilomètres de réseaux d’assainissement, et de quelque 21.000 usines de traitement, sans parler des ouvrages de stockage ou de pompage qui parsèment ces infrastructures tentaculaires.
Même si, faute de données précises, l’état de ce
patrimoine reste mal connu, on sait que l’entretien des réseaux reste
problématique. Alors que la durée de vie théorique d’une canalisation est
comprise entre 50 et 80 ans, il faudrait, au rythme actuel du taux de
renouvellement des réseaux d’eau potable, 172 ans pour les renouveler
entièrement, et 233 ans pour les réseaux d’assainissement...
A
l’occasion des Assises de l’eau, en août 2018, le Premier ministre avait annoncé
différentes mesures, et notamment de diviser par deux la durée du cycle de
renouvellement des réseaux en augmentant de 13 % les investissements en
infrastructures sur les 6 prochaines années pour les porter de 36 à 41
milliards sur la période 2019-2024 (Voir EIN n°414). Pour faciliter l’accès aux financements, Edouard
Philippe avait annoncé que la Caisse des Dépôts et les agences pourraient se
coordonner pour proposer aux collectivités des offres financières combinant
prêts à maturité longue et subventions pour améliorer les conditions d’emprunts
des collectivités locales dans le secteur de l’eau.
Ces annonces
viennent de trouver leurs premières traductions concrètes.
La Caisse des dépôts et la Banque des Territoires déploient
ainsi depuis le mois de janvier une offre baptisée « Aqua Prêt » qui
permettra, via une enveloppe de 2 Md€ de prêts sur fonds d’épargne de la Caisse
des Dépôts, de réaliser des travaux portant sur les infrastructures d’eau
potable, d’assainissement, ou d’eaux pluviales.
Déployée en coordination avec les agences de l’eau,
cette offre est cependant conditionnée à certaines bonnes pratiques en matière de
gestion patrimoniale, synonymes d’économies pour les collectivités locales. Les
projets doivent par exemple s’inscrire dans le cadre d’un plan pluriannuel
d’investissement, et reposer sur un diagnostic des réseaux existants datant de
moins de 5 ans et incluant la recherche de fuites sur les canalisations et les
branchements. Les données recueillies doivent être reversées dans la base de
données nationale SISPEA. Enfin, les projets doivent se référer explicitement
aux préconisations des chartes qualité des réseaux établies par l’ASTEE.
Compatible avec les subventions des agences de l’eau,
« Aqua Prêt » s’adresse à toutes les collectivités territoriales, qu’elles
agissent en maîtrise d’ouvrage directe ou déléguée.
L’offre peut couvrir jusqu’à 100 % des besoins
d’emprunt pour les projets éligibles jusqu’à 5M€, et 50% pour les projets dépassant
les 5 millions d’euros. Elle est octroyée au taux du Livret A + 0,75%, sur
une durée d’amortissement pouvant aller jusqu’à 60 ans.
Ces premières traductions concrètes interviennent
au moment où les Assises franchissent une nouvelle étape avec l’installation de
quatre groupes de travail dédiés au grand cycle de l’eau.
Il s’agit d’aider les territoires à être plus
résilients au changement climatique, en traitant notamment des aspects
qualitatifs et quantitatifs des ressources en eau.
Ces groupes de travail sont censés s’appuyer sur
les 400 contributions remontées sur la plateforme dédiée, ainsi que sur les
ateliers mis en place au niveau des bassins. A l’occasion de ce comité de pilotage,
le ministre de la transition écologique, a invité les participants « à
identifier des actions pragmatiques car la réussite de la politique de l’eau
passe par la territorialisation des démarches. Il faut offrir des palettes
d’outils qui marchent localement ».