Le 3 septembre, l’information est tombée. Le plan France Relance est un plan historique, en particulier sur son volet verdissement.
« Il est inédit, sans précédent et constitue un pas de géant pour
la transition énergétique », a expliqué Jacques Azoulay, directeur de
cabinet d’Emmanuelle Wargon et directeur adjoint du cabinet de la ministre de
la transition énergétique lors d'une conférence de presse le 4 septembre. Plus de 30 milliards d’euros seront injectés sur
la période 2020-2022 pour permettre à la France de miser sur les secteurs qui
ont un impact maximal sur les gaz à effet de serre, et 35 milliards d’euros
pour créer de l’activité dans les territoires.
Et l’eau dans tout ça ? La faiblesse de la dotation - 220 millions d’euros aux agences pour l’eau potable, l’assainissement et les eaux pluviales - a créé une certaine perplexité. Alors que la pandémie de Covid-19 a révélé la vulnérabilité de la filière assainissement et les conséquences du retard de la mise en place des plans d’investissement, le coup d’accélérateur de 30 millions d’euros du plan se situe bien en deçà des enjeux auxquels doivent faire face les collectivités, notamment pour la mise aux normes des petites stations d’épuration. En façade pourtant, les Assises de l’eau avaient laissé apparaître un volontarisme politique… Avec à la clé, un investissement de 2 à 3 milliards d’euros par an dans les infrastructures et équipements.
Dans le même temps, la Commission européenne a publié jeudi 10 septembre le 10ème rapport concernant la mise en œuvre de la directive relative au traitement des eaux résiduaires urbaines. Si la tendance reste positive, la directive n'est toutefois pas encore pleinement respectée souligne le rapport : le financement et la planification restant les principaux défis que doit relever le secteur des services liés à l'eau. Le commissaire à l'environnement, aux océans et à la pêche, M. Virginijus Sinkevičius, a déclaré à cet égard : « Ce rapport confirme que la collecte et le traitement des eaux résiduaires s'améliorent dans toute l'UE. [….] Toutefois, les progrès n'ont pas été réalisés de manière homogène et, dans certains États membres de l'UE, les infrastructures de traitement des eaux résiduaires nécessitent une meilleure planification et des financements plus importants. Nous allons à présent faire tout ce qui est en notre pouvoir pour stimuler l'innovation et la réalisation de nouveaux investissements dans les infrastructures environnementales partout en Europe ».
De quoi rappeler
à la France que si nous voulons des résultats,
nous devons faire montre d’une vraie ambition. De nombreux polluants, présents
en petites quantités dans les eaux usées, ne sont pas traités par les filières
classiques. Les techniques sont là, le changement entamé, mais il pourrait être
bien plus rapide sans certains freins réglementaires propres à la France.
De même, les fortes tensions qui ont pesé sur la ressource à l’occasion des épisodes de sécheresse ces deux dernières années et les nombreux arrêtés de restriction ou d’interdiction relatifs aux prélèvements et aux usages témoignent de l’importance de mobiliser de nouvelles ressources, par exemple en intégrant la réutilisation des eaux usées traitées parmi les grands standards de la gestion des eaux.
De l’ambition ? C’est pourtant le maitre mot qui ressort des argumentaires détaillés que Veolia et Suez produisent successivement pour convaincre ou remettre en cause la construction d’un super champion mondial français de la transformation écologique. Les deux majors tiendraient dans leurs mains des réponses innovantes pour accompagner les élus, plus spécifiquement en faveur de l’investissement, pour mettre en œuvre la feuille de route des Assises de l’eau, pour permettre d’accélérer l’excellence de la filière française de l’eau à l’international.
La bataille que se livrent Veolia et Suez depuis un mois est une source
d’enseignements.
Elle atteste, s’il fallait encore s’en convaincre, que l’eau est un domaine stratégique qui abrite
en son sein les entreprises les plus pointues du secteur.
Le plan France relance n’est, à l’évidence,
dans le secteur de l’eau, pas à la hauteur des enjeux. Cela n’empêche pas,
comme le démontrent mois après mois les dossiers et les colonnes de la revue,
les chercheurs, techniciens
ou exploitants, qu’ils soient collectivités ou industriels, de s’investir de
manière fructueuse et prometteuse pour assurer la continuité d'une activité
économique essentielle.