L'Agence régionale pour l'environnement (ARPE) vient de publier une étude sur le suivi de 13 stations d'épuration de Provence-Alpes-Côte d'Azur équipées de bioréacteurs à membranes. L?évaluation de ce procédé s'appuie sur des visites de sites, des échanges avec les différents acteurs compétents et l'analyse des résultats d'autosurveillance.
Gain de place, élimination des bactéries, qualité des rejets' En eaux usées, les techniques membranaires bénéficient d'une bonne image auprès des maîtres d'ouvrage comme du public car elles permettent d'éliminer efficacement la pollution dissoute et non dissoute ainsi que la majorité des virus et bactéries. L?eau traitée peut, par ailleurs, être directement réutilisée, par exemple, en irrigation.
Mais quels sont les atouts et contraintes liées à l'exploitation d'un BRM ? Les résultats de l'évaluation publiée par l'ARPE, qui accompagne depuis 35 ans les collectivités en matière d'assainissement dans le cadre de sa mission "évaluation des techniques innovantes", font état d'un certain nombre de contraintes d'exploitation.
L?étude souligne en premier lieu l'impact énergétique du procédé qui représente plus de 30 % de son coût d'exploitation. Elle relève des consommations moyennes deux fois supérieures à un système d'épuration classique fonctionnant à charge équivalente. Ces surconsommations sont notamment dues à la nécessité d'aérer en permanence les membranes pour éviter qu'elles ne se colmatent trop rapidement.
Car la perméabilité membranaire diminue au fur et à mesure qu'elle filtre la boue activée. Pour éviter un colmatage irréversible, la seule solution est de procéder à des lavages chimiques. Mais ces lavages sont à l'origine d'une usure des membranes. L?étude de l'ARPE précise que l'exploitation des membranes, en région Provence-Alpes-Côte d'Azur, nécessite en moyenne 4 à 6 lavages complets par an, ce qui implique une consommation non négligeable de réactifs chimiques.
Autre incertitude abordée dans l'étude, la durée de vie des membranes sensibles à certains polluants tels que l'acétone, le benzène, l'alcool ou l'huile de silicone. Elles ont une durée de vie théorique comprise entre 7 et 10 ans, mais les constructeurs ne les garantissent que pour 4 à 5 ans. Il sera donc nécessaire de les renouveler au moins deux fois sur la durée de vie de la station (environ 30 ans). L?étude indique que ce surcoût représente de 25 à 30 % du coût d'exploitation. C'est le deuxième poste de dépenses, après la consommation énergétique.
L?exploitation d'un BRM implique par ailleurs certaines contraintes d'exploitation : plus la pollution est stable, mieux le bioréacteur fonctionnera. « Il faut que les flux soient parfaitement maîtrisés, qu'on n'ait pas de variation de température, peu de variation de charge, c'est comme cela que les bioréacteurs à membranes donnent d'excellents résultats », soulignent les auteurs.
L?intérêt de cette technologie réside dans l'élimination de produits médicamenteux et de micropolluants. L'efficacité des bioréacteurs à membranes vis-à?vis de leur élimination est en cours d'évaluation. Actuellement en test au CHU de Toulouse, les membranes offrent d'ores et déjà des perspectives de traitement des eaux efficaces : après évaluation et mesure des effets toxiques de la présence de molécules utilisées dans le traitement des cancers, l'étude montre qu'une grande partie des résidus médicamenteux comme les perturbateurs endocriniens ou les traitements contre le cancer est bien retenue par les membranes.
« L'efficacité épuratoire de la filtration membranaire a un coût économique et environnemental, souligne Gilles Malamaire, chargé de mission "évaluation de techniques innovantes", ARPE PACA. Mais ce surcoût peut se justifier dans certains cas. Aujourd'hui, nous conseillerions de limiter la mise en ?uvre de bioréacteurs à membranes, à partir du moment où l'on aurait à la fois une contrainte de place importante, un niveau de rejet exigeant sur le carbone, les matières en suspension ainsi que la bactériologie et lorsqu'on envisage de réutiliser les eaux usées traitées. Dans tous les cas, nous recommandons de ne pas fermer la porte à la mise en ?uvre d'une filière classique complétée d'un traitement tertiaire moins gourmand en énergie ».