L’Anses a dressé un état des lieux de la littérature scientifique concernant les risques liés à la consommation d’une eau amiantée. Sa recommandation consiste à surveiller l’état des canalisations en amiante-ciment.
Avant son interdiction en France en 1997 compte tenu
de sa dangerosité avérée pour l’Homme par voie respiratoire, l’amiante a été
utilisé dans divers secteurs, notamment le bâtiment. Ainsi, 4% du réseau public
français de distribution d’eaux destinées à la consommation humaine (EDCH) en
France est encore constitué d’amiante-ciment. « Les risques d’émission de
fibres d’amiante dans les eaux distribuées restent faibles lorsque les
canalisations sont installées dans des sols stables et non agressifs vis-à-vis
des canalisations et que l’eau transportée est calcifiante, le dépôt de tartre
protégeant la canalisation. Cependant, les risques de présence de l’amiante
dans l’eau destinée à la consommation humaine ne peuvent pas être écartés en
cas de canalisations très détériorées » indiquent les scientifiques de l’unité
Évaluation des risques liés à l’eau de l’Anses. La principale source
d’exposition à l’amiante étant l’air, les travaux sur les risques sanitaires
liés à l’amiante se sont, jusqu’à présent, principalement concentrés sur cette
source d’exposition. La dernière analyse de référence menée par le CIRC (Centre
international de recherche sur le cancer) en 2012 sur les liens entre l’amiante
et la survenue de cancers ne traitait ainsi pas explicitement des dangers
associés à la voie par ingestion.
À l’origine de l’expertise,
deux études alarmistes mais présentant des limites
Deux études d’une équipe de recherche italienne, parues en 2016 et 2017, avaient conclu que les risques sanitaires liés à l’ingestion d’amiante, notamment par le biais de la consommation quotidienne d’eau potable, seraient sous-estimés. Dans sa note d’analyse scientifique et technique parue en 2017, l’Anses observait que ces deux études n’étaient pas assez robustes : elles n’avaient pas évalué la qualité des publications sur lesquelles elles avaient basé leurs conclusions et elles ne prenaient pas en compte l’ensemble des publications scientifiques disponibles sur le sujet. L’Agence a dès lors été saisie pour caractériser le danger de l’amiante par ingestion, en mettant en œuvre une revue systématique de la littérature scientifique.
Des preuves
inadéquates pour se prononcer sur le lien de cause à effet
Pour étudier le danger de l’ingestion d’amiante pour la santé, en particulier sur le développement de cancers digestifs (œsophage, estomac, intestin grêle, foie, etc.), l’Agence a dressé un état des lieux complet des connaissances actuelles sur ce sujet. Parmi les 4 409 études chez l’Homme et les 1 107 études chez l’animal recensées sur l’effet de l’amiante, les experts ont identifié 17 études examinant l’ingestion d’amiante en population générale, 19 étudiants l’ingestion d’amiante chez l’animal et 41 examinant l’exposition professionnelle à l’amiante. Le groupe de travail a mené une évaluation standardisée de ces études pour déterminer les niveaux de preuves permettant de caractériser la plausibilité du lien entre l’exposition à l’amiante et survenue des cancers digestifs. Cette évaluation a amené les experts a conclure que les niveaux de preuves étaient « inadéquats », c’est-à-dire que les données publiées à ce jour ne permettent pas de se prononcer sur la possibilité ou l’absence d’une association entre ingestion d’amiante et cancers digestifs. « La plupart des études existantes sont anciennes ou comportent des limites méthodologiques ne permettant pas de démontrer le lien causal entre l’ingestion d’amiante et la survenue de ces cancers », expliquent les experts du groupe de travail.
Des signaux pour
certains cancers mais aucune certitude
Cependant, l’existence de signaux suggérant la possibilité d’une association entre l’ingestion d’amiante et trois cancers digestifs spécifiques a été soulignée. Il s’agit des cancers de l’œsophage, de l’estomac et du côlon. Cette possibilité est soutenue par les études épidémiologiques réalisées en milieux professionnels rapportant davantage de cas de ces cancers chez les travailleurs exposés à l’amiante que dans la population générale. Une fraction de l’amiante inhalée par les travailleurs peut en effet être déglutie et rejoindre directement le tube digestif. Cependant, les données ne permettent pas d’estimer de façon fiable l’importance de cette fraction par rapport à celle qui atteint ces organes par la voie respiratoire, en passant par les poumons et la circulation sanguine, et donc de pouvoir extrapoler ces résultats à une exposition par ingestion.
Des campagnes de
surveillance recommandées
Compte tenu des usages passés de l’amiante dans
certaines canalisations, l’Agence recommande de réaliser des campagnes ciblées
pour détecter la présence d’éventuelles fibres d’amiante dans les EDCH
susceptibles d’en contenir. Ces données pourront alimenter de futures études ou
des travaux de surveillance épidémiologique. Par ailleurs, l’Agence recommande
le suivi de l’état des canalisations en amiante-ciment, pour assurer la
réhabilitation ou le remplacement des canalisations en cas de dégradation.