Cinquante ans après l'adoption de la première grande loi française sur l'eau, la loi du 16 décembre 1964, quel bilan tirer de ce demi-siècle d'action publique ?
Rappelons d'abord que cette loi, très novatrice pour l'époque, a fixé un cadre original qui régit aujourd'hui encore l'ensemble de notre politique de l'eau.
Elle a organisé la gestion de l'eau autour des six grands bassins hydrographiques français, issus d'un découpage naturel selon les lignes de partage des eaux. Elle a promu, au sein de chaque bassin, la notion de "gestion globale de l'eau" dans l'intérêt de tous en créant un mécanisme d'incitation à deux volets : d'une part, la taxation des actions qui portent directement atteinte à la ressource et d'autre part, les aides au financement des travaux de dépollution.
Aujourd'hui encore, le couple agences et comités de bassin reste au centre de ce dispositif.
Ce texte, véritable acte de naissance de notre politique de l'eau, a par ailleurs permis à la France de jouer un rôle moteur à l'international dans le domaine de la gestion des ressources en eau. En essaimant dans le monde entier, il a notamment inspiré le contenu de la directive européenne 2000/60/CE établissant un cadre pour la politique communautaire.
Les acquis, notamment en termes de gouvernance et de gestion intégrée, sont donc nombreux.
En termes de résultats également.
Car globalement, même si de nombreux points noirs demeurent, notamment en matière de gestion quantitative ou de pollutions diffuses, même si les objectifs fixés par la DCE ne seront pas atteints en 2015, même si cela n?est pas tout à fait vrai dans tous les domaines, la qualité de l'eau en France a globalement progressé ces cinquante dernières années.
Ces résultats, nous les devons à la loi du 16 décembre 1964 qui a su mettre en place un cadre institutionnel cohérent et stable dont la principale faiblesse réside paradoxalement dans sa piètre capacité à se réformer pour répondre aux enjeux actuels.
Car aujourd'hui, de nombreuses réorientations s'imposent.
Une meilleure intégration entre les différentes politiques publiques devra prioritairement être trouvée pour que les politiques de l'eau gagnent en cohérence. C?est vrai en matière de biodiversité mais aussi d'aménagement du territoire, d'adaptation au changement climatique ou encore d'interface entre les hydrosphères marine et continentale.
Cette évolution vers des politiques plus intégrées pose la question de la gouvernance, notamment au niveau local dans un contexte mouvant de réforme territoriale.
Pour relever les défis liés à l'eau potable, à l'assainissement et à la gestion de la ressource, une nouvelle articulation et une meilleure complémentarité devront être trouvées entre les institutions transversales telles que les EPCI à fiscalité propre ou les régions, et les acteurs spécialisés dans une politique thématique comme les syndicats de rivières, les EPTB, les EPAGE, ou encore, à un niveau plus central, les instances de bassin.
Pour mener à bien ces politiques et répondre aux nouvelles priorités, la question des financements devra également être posée en conservant ce qui fait sa force : son caractère pluriannuel.
Mais il faudra modifier la structure du système et élargir sa capacité à drainer des financements : pour faire face à la baisse des volumes, pour faire repartir l'investissement, notamment dans le domaine des réseaux, et pour permettre aux services locaux de l'eau et de l'assainissement de faire face à l'élargissement de leurs missions.
Bien entendu, cet élargissement vers de nouveaux modes de financements et de rémunérations suppose que soit préalablement résolue l'épineuse question des redevables : qui paie et pour quoi ?
Autant de chantiers qui doivent être rapidement ouverts et qui montrent bien l'importance de réactiver le débat et la concertation pour combler les failles qui caractérisent aujourd'hui nos politiques publiques de l'eau.