Le risque inondation est, en France, le premier risque naturel.
Cet aléa concerne directement une commune métropolitaine sur trois, de 5 à 7 millions d'habitants et environ 400.000 entreprises, sans oublier des nombreuses infrastructures qui y sont exposées comme les réseaux électriques, routiers ou ferroviaires situés en zone inondable.
Dans la seule région parisienne, près de 4 millions de personnes seraient impactées par une nouvelle crue centennale dont la probabilité est loin d'être nulle. Selon l'EPTB Seine Grands Lacs, une crue comparable à celle de janvier 1910 provoquerait a minima 17 milliards d'euros de dommages aux habitations et aux entreprises.
Le métro, le RER, les routes, les équipements scolaires et hospitaliers, les banques, les assurances, l'approvisionnement en hydrocarbures et les centres commerciaux seraient fortement perturbés durant plusieurs semaines. De nombreux secteurs, même éloignés des zones inondées, seraient impactés. Certaines communes comme Alfortville ou Gennevilliers seraient à 98 % inondées 5 semaines durant avec, localement, des hauteurs d'eau supérieures à 2 mètres !
Les crues exceptionnelles survenues entre Loire et Seine à la fin du mois de mai dernier ont donné une idée de l'ampleur de la menace. Elles ont aussi permis de dresser plusieurs constats.
Le premier concerne les limites inhérentes aux mesures de protection hydrauliques mises en ?uvre ces dernières décennies. A la différence des crues historiques de 1910, 1955 ou 1982, la crue de 2016 s'est produite au printemps. Ces cumuls inhabituels sont arrivés à un moment ou, à l'amont de Paris, sur le bassin-versant de la Seine, les quatre grands ouvrages de stockage de crue, qui ont aussi pour vocation de soutenir les étiages en été, étaient remplis à 90 %. Ils n?ont donc que très peu joué leur rôle.
Or, si l'on en croit les travaux publiés début juin par une équipe de chercheurs dans la revue Hydrology and Earth System Sciences, le risque de voir au printemps des pluies intenses s'abattre sur les bassins de la Seine et de la Loire, s'est fortement accru à cause du réchauffement climatique1. La probabilité que ce type d'évènement se reproduise est donc élevée?
Deuxième constat, ces crues ont rappelé l'importance de la connaissance en matière d'écoulements, d'infiltration, de ruissellement mais aussi de références pour pouvoir alimenter les outils de prévision. De même pour la métrologie : il est apparu essentiel de disposer du plus grand nombre de mesures possible sans lesquelles les meilleurs outils du monde ne servent à rien.
L?indigence des équipements ayant conduits à sous-estimer la crue de la Seine pendant 48 heures à cause de deux malheureux capteurs à l'origine de mesures erronées, les seuls à mesurer la hauteur de la Seine à Paris, a frappé les esprits...
Troisième enseignement, l'émergence, enfin, de la résilience dans la sphère de l'aménagement urbain. Ce concept peut se définir comme la capacité d'un écosystème à s'adapter à des évènements extérieurs dramatiques, et à se réorganiser, tout en conservant la même structure et les mêmes capacités de réaction. Favorisée par la prise de conscience de la vulnérabilité et de l'aléa, la résilience gagne du terrain par rapport au concept de résistance qui prévalait encore il y a peu.
En matière de gestion des risques, trop de politiques locales restent encore centrées sur la seule protection hydraulique contre les crues. Mais la résilience, qui réinterroge la façon de penser le système urbain et ses perturbations, apparait de plus en plus souvent comme une alternative prometteuse.
Il s'agit de préparer la ville à l'inondation, puisqu'on ne peut l'éviter, et de développer ses capacités d'adaptation pour qu'elle conserve ses fonctionnalités essentielles au moment de la réalisation du risque. Et pour ceci, favoriser une gestion positive du risque en mettant en place des plans de continuité pour minimiser les coûts directs et indirects, pour limiter les pertes d'exploitation, préserver l'attractivité et la compétitivité du territoire, et créer finalement les conditions d'un développement vraiment durable.
1 : http://www.climatecentral.org/news/recent-deluge-in-france-boosted-by-warming-20426