Les élus de la communauté urbaine de Bordeaux, Lyonnaise des Eaux comme les consommateurs se réjouissent tous du protocole d'accord intervenu en novembre pour le nouvel avenant au contrat de distribution d'eau. D?autres agglomérations pourraient suivre cet exemple.
« Enfin la communauté urbaine de Bordeaux reconnaît les anomalies et erreurs dans le contrat de l'eau que nous dénoncions depuis 10 ans ». Pour l'association Trans'Cub, qui pousse depuis dix ans la communauté girondine à mieux encadrer la gestion du délégataire du service de l'eau, Lyonnaise des Eaux, le protocole d'accord survenu le 17 novembre dernier entre la Cub et LDE est une « victoire ». Ses actions juridiques pour annuler l'avenant au contrat de l'eau du 19 décembre 1997, dont l'une est toujours pendante, y sont, selon elle, pour quelque chose.
Trans'Cub avait dénoncé la concession accordée à la Lyonnaise des Eaux depuis le 1er janvier 1992 et ses conséquences : « un prix de l'eau trop élevé et un contrat inadapté à une gestion économe de nos ressources en eau qui s'épuisent en quantité et en qualité. Cette action a abouti en décembre 1997 à une baisse du prix de l'eau de 0,30 F/m3 (0,05 ?) ». Ce résultat était insuffisant pour Trans'Cub qui a poursuivi ses actions auprès du tribunal administratif. Pour l'association de consommateurs, le nouveau protocole constitue une avancée mais qui pourrait être encore améliorée, notamment par une baisse de 10 % du prix de l'eau.
L?accord Cub/LDE de novembre constitue la base d'un nouvel avenant qui devait être soumis à l'approbation du conseil de communauté en décembre. Il aboutit, pour la période 2006 - 2021, à un engagement supplémentaire de 233,7 M? de Lyonnaise des Eaux, par rapport au précédent avenant.
Pour Alain Rousset, qui a remplacé Alain Juppé à la tête de la communauté urbaine, cette victoire résulte de sa volonté de maîtrise du dossier. Elle s'est matérialisée par un audit externe, confié à Finance Consult, ainsi que par une enquête de l'inspection générale des services de la Cub confiée à un ex-magistrat au tribunal administratif. Ces analyses avaient mis à jour une surrémunération de plusieurs dizaines de millions d'euros.
L?accord signé entre les deux parties renforce « la position de la Cub, qui dispose désormais de ressources pour négocier, et peut s'appuyer sur un contrat mieux encadré, plus équilibré ». L?inspection générale de la Cub a pu accéder ainsi à la totalité de la comptabilité d'établissement du centre régional de Bordeaux de LDE pour « affiner sa connaissance de la réalité économique du contrat et mener la négociation sur des points particuliers. »
« Une négociation exemplaire »
Un accord a également été conclu « sur la méthode de calcul du besoin en fonds de roulement qui met un terme aux analyses contradictoires entre Cub et LDE : appliqué à l'ensemble de la durée du contrat, il induit une augmentation des engagements de Lyonnaise des Eaux. Un taux est désormais contractualisé pour valoriser les investissements (TMO +1,3 soit 5,3 % à ce jour) ; l'assiette sur laquelle il s'applique est également réduite ».
De même, 61 engagements précis du délégataire deviennent « le référent constant de la qualité du service ». Les plus importants d'entre eux sont assortis d'un « système de bonus/malus ». Un système de « limitation du profit qu'engendreraient des consommations d'eau supérieures aux prévisions » est instauré.
Enfin, grande innovation, un fonds de performance est créé, dispositif « emblématique » d'un changement dans les principes de gestion du service de l'eau : l'utilisation du solde créditeur de ce fonds sera convenue entre les parties à l'occasion de chaque révision quinquennale (modification du prix de l'eau, travaux supplémentaires'). Et les compteurs d'eau et les récepteurs transmetteurs du télé-relevé, propriétés de la Lyonnaise, seront restitués en fin de contrat à la Cub, sans aucune compensation financière.
Quatre principes avaient guidé la communauté urbaine de Bordeaux :
- environnemental : gestion plus durable de la ressource en eau et l'incitation à la maîtrise des consommations ;
- social : baisse du prix de l'eau de 10 % sur les 50 premiers m³ consommés (coût de la mesure : 20,3 M?) ;
- technique : doublement des investissements pour améliorer les performances du réseau, remplacer les branchements en plomb (65 000 unités) ;
- méthodologique : nouvel encadrement du contrat permettant un contrôle renforcé de la délégation, un suivi rigoureux et une meilleure transparence de son exécution.
Pour Bernard Guirkinger, P-DG de Lyonnaise des Eaux, la signature de ce protocole n?est en rien une reconnaissance d'anomalies dans le contrat : « C?est la fin d'une négociation exemplaire avec la Communauté urbaine de Bordeaux. Elle permet de consolider le partenariat avec la Cub et illustre notre conception du métier de délégataire de service public avec un partage clair des responsabilités de chacun » (voir interview).
Lyonnaise des Eaux va ainsi réaliser dans les 15 prochaines années des investissements importants de l'ordre de 20 M?/an, soit près de 300 M? sur la durée restante du contrat.
Le financement de ces investissements, précise un communiqué du groupe, est assuré par « l'augmentation des volumes vendus sur la période 1997-2021 et par les gains de productivité prévus sur cette même période. Un montage financier avec Dexia permet de compléter le plan de financement de ces investissements.
Ces investissements s'ajoutent aux 224 M? déjà investis par Lyonnaise des Eaux depuis 1992 dans le cadre du précédent avenant pour l'amélioration du service de l'eau. Enfin, ils vont créer entre 150 et 200 emplois dans les entreprises locales ».
D?autres agglomérations sur les rangs
Les révisions de contrat, dont la périodicité est précisée dans les textes, sont l'occasion pour les élus d'exprimer ou de préciser leurs exigences. D?autres agglomérations regardent avec attention ce qui vient de se passer à Bordeaux.
La communauté urbaine de Lyon a récemment indiqué à l'AFP qu'elle évaluait à 94 M? la somme collectée par la Générale des Eaux (Veolia) auprès des usagers en prévision de travaux qui n?ont pas été faits. Elle a souhaité que cette somme soit investie dans les 5 ans à venir dans le réseau d'eau. L?utilisation de cette ?cagnotte?, qui représentent 4 à 5 fois le montant des investissements annuels dans le réseau d'eau, sera « un des sujets majeurs » de la renégociation du contrat d'affermage en 2007, a souligné Denis Hodeau, directeur de l'eau du Grand Lyon.
Les distributeurs, a-t-il indiqué, justifiaient son existence par le besoin de constituer un fonds de garantie en cas de désastre majeur.
Jean-Louis Linossier, porte parole de la Cace (Coordination nationale des associations de consommateurs d'eau), s'interroge sur les travaux qui pourraient ainsi décidés : « Dans le prix de l'eau, une partie sert déjà à financer des travaux. Veolia doit tout simplement rendre cet argent aux consommateurs. En outre, si, à la fin des négociations entre le Grand Lyon et Veolia, le prix de l'eau ne baisse pas de 0,226 ?/m3, cela voudrait dire que le fermier aura repris d'une main ce qu'il aura donné de l'autre : 94 M? sur 5 ans, cela fait 18,8 M?/an pour 83 Mm3, soit 0,226 ?/m3. »
La communauté urbaine de Lille, de son côté, a contesté les allégations de l'association Eau Secours LMCU qui l'avait intimée ? par huissier ! ? de réclamer 140 M? auprès de la Société des eaux du Nord (SEN) à laquelle elle est liée par un contrat jusqu'en 2016.
L?association accuse en effet la SEN d'avoir empoché indûment d'importantes provisions pour travaux d'un montant très supérieur à ceux effectivement réalisés. Après une démarche contentieuse au tribunal administratif et l'adoption de deux avenants, la SEN s'était engagée sur un volume de travaux de 369 M? d'ici à 2015, sur lequel 160 M? ont déjà été engagés. Lille Métropole indique qu'un programme de 200 M? environ reste à mettre en ?uvre d'ici 2015. Et rappelle que le solde de l'enveloppe lui sera restitué si les travaux n?étaient pas réalisés à la fin du contrat.
Ces discussions autour des délégations du service de l'eau sont souvent l'occasion pour les associations de consommateurs, de réclamer un retour en régie, supposée être moins coûteuse et tout aussi efficace. Mais, dans la réalité, le ratio régie/délégation varie très peu.