En analysant des données récoltées depuis plus de trente ans à l'échelle de la France, des chercheurs du laboratoire Evolution et Diversité Biologique (CNRS / Université Paul Sabatier / ENFA) apportent de nouvelles informations sur la capacité des poissons d'eau douce à répondre aux changements climatiques récents. Leurs travaux mettent en évidence des déplacements importants des aires de distribution des espèces, mais d'une ampleur toutefois insuffisante pour faire face aux changements en cours. Ces résultats sont publiés dans la revue Ecography.
En réponse aux changements climatiques récents, des déplacements vers les pôles ou de plus hautes altitudes sont observés chez de nombreux groupes taxonomiques et dans diverses régions du monde. A ce jour, une grande diversité de réponses ont été décrites, suggérant que toutes les espèces ne seraient pas en mesure d'ajuster leur aire de répartition pour suivre les modifications de leur environnent induites par les changements climatiques.
Particulièrement sensibles aux variations environnementales et à l'intégrité écologique de leur habitat, les poissons d'eau douce pourraient être particulièrement affectés par les changements climatiques. Pourtant, peu de travaux avaient jusqu'alors cherché à savoir si les poissons d'eau douce répondaient aux changements climatiques survenus ces dernières décennies par une modification de leur aire de distribution et si ces réponses étaient cohérentes avec l'ampleur des changements observés. C'est à ces questions qu'a permis de répondre une étude basée sur les données de l'Onema, qui décrit depuis plus de trente ans les assemblages de poissons des rivières françaises.
Les résultats de l'étude sont sans équivoque : les espèces de poissons d'eau douce remontent en altitude, mais à des vitesses largement inférieures à la magnitude des changements climatiques. Tandis que les isothermes montrent des remontées moyennes en altitude de 57 m par décade depuis les années 80, les 32 espèces de poissons étudiées ne sont remontées en moyenne que de 13,7 m par décade.
Ainsi, cette étude démontre pour la première fois que les poissons des rivières françaises répondent aux modifications climatiques récentes. Par comparaison avec les données publiées, cette réponse est plus forte que chez la plupart des organismes terrestres.
Cependant, les chercheurs soulignent que les déplacements observés sont en retard par rapport aux modifications climatiques décrites sur la période d'étude, suggérant que les espèces de poissons pourraient ne pas être capables de suivre leur niche climatique.
Même si ce résultat n'est pas surprenant au regard d'espèces dont les déplacements sont fortement contraints par la structure des réseaux hydrographiques, le retard accumulé par les poissons d'eau douce pourrait avoir d'importantes répercussions sur leur capacité à faire face aux changements climatiques attendus dans le futur, même si certaines espèces répondent à ces changements de façon imprévisible.