Le but de cet article n'est pas de promouvoir telle ou telle technique de désinfection mais plutôt de tenter d'analyser et de comprendre pourquoi les traiteurs d'eau s'orientent vers l'une ou l'autre de ces technologies pour leur permettre de remplir leur mission en distribuant une eau désinfectée conforme à la réglementation.
Comment ne pas être interpellé par la question de la désinfection des eaux destinées à la potabilisation quand on sait que chaque jour dans le monde, près de onze millions de personnes sont malades de boire une eau impropre à la consommation et que quarante huit personnes meurent chaque minute d'une maladie apportée par l'eau ?
Au fil des ans, le traiteur d'eau a vu la qualité de ses ressources se dégrader tant sur le plan chimique que microbiologique. Parallèlement, la sensibilité des outils analytiques associée à une meilleure compréhension des réactions chimiques ont permis de mettre en évidence d'une part des microorganismes non décelés il y a quelques décennies et d'autre part des sous-produits de réaction dangereux pour la santé des consommateurs.
Pour faire face à cette situation, le traiteur d'eau a mis en place des traitements de plus en plus sophistiqués, chacun dédié à un but précis.
Si un traitement physico-chimique peu efficace ou mal adapté présente des risques, ceux-ci apparaitront à moyen ou à long terme. Par contre, vis-à-vis de la désinfection, le traiteur d'eau redoute toujours un éventuel dysfonctionnement dont les répercutions sur la santé du consommateur seront immédiates.
Le but de cet article n'est pas de vanter tel ou tel produit de désinfection mais plutôt d'analyser et de comprendre pourquoi les traiteurs d'eau s'orientent vers telle ou telle technologie leur permettant de distribuer une eau désinfectée conforme à la réglementation.
Si la désinfection de l'eau destinée à la potabilisation consiste à la rendre exempte de bactéries, de virus et de parasites pathogènes, elle n'en demeure pas moins une étape d'oxydation.
En effet, c'est par une oxydation de certains constituants de la membrane cellulaire qu'on atteint le but recherché à savoir la mortalité du microorganisme donc la désinfection de l'eau. Ne soyons donc pas surpris de constater que tous les produits autorisés pour la désinfection des eaux destinées à la consommation humaine sont des oxydants/désinfectants.
Trois technologies s'imposent : la chloration, l'ozonation, les ultraviolets
Trois techniques avec pour chacune des avantages et des inconvénients
Chacune présente ses avantages et ses inconvénients mais pourquoi avons-nous progressivement remis en cause ce qui était considéré comme acquis il y a cinquante ans à savoir que la chloration était le produit oxydant-désinfectant à utiliser systématiquement ?
Simplement parce que nos connaissances dans la chimie de l'eau et dans la microbiologie nous ont permis de mettre en évidence l'existence d'entités chimiques toxiques générées par tel ou tel "oxydant-désinfectant" et l'existence de microorganismes insensibles à tel ou tel autre "oxydant-désinfectant"
Alors comment faire pour séparer ce qui n'est pas séparable à savoir le pouvoir oxydant du pouvoir désinfectant de ces 3 produits ?
En fait, c'est par nos connaissances en perpétuelle évolution que nous avons été amenés à reconsidérer le lieu d'introduction de tel ou tel "oxydant-désinfectant" dans la filière de traitement.
Aujourd'hui, pour appréhender la puissance d'un désinfectant, on utilise la notion de CT qui est égale au produit de la concentration résiduelle dissoute dans l'eau du désinfectant considéré par le temps de contact entre ce désinfectant et les microorganismes.
On peut s'apercevoir que quel que soit le microorganisme considéré, le CT de l'ozone est le plus faible en comparaison des autres produits chlorés. Cela signifie que la capacité "oxydante-désinfectante" de l'ozone est systématiquement plus puissante.
Alors, pourquoi l'ozone n'est-il pas couramment utilisé comme désinfectant final ? Tout simplement parce que ce n'est pas sa meilleure place. En effet, nous avons appris au cours des vingt dernières années que l'ozone oxyde puissamment la matière organique en la rendant bioassimilable et qu'il est préférable de faire suivre un traitement d'ozonation à taux maitrisé par une filtration sur charbon actif qui apportera à l'eau ainsi traitée une qualité voisine de nos anciennes "filtrations lentes" sans générer d'éventuels bromates en présence de bromures.
Après cette double étape d'oxydation/filtration sur CAG, l'eau pourra être désinfectée efficacement par le chlore ou par les UV.
Qu'en est-il des UV ?
Leur pouvoir oxydant est très faible voire nul pour les doses pratiquées. Par contre, leur pouvoir bactéricide, virulicide, amibicide ainsi que leur formidable efficacité vis-à-vis des protozoaires comme Giardia et Cryptosporidium en font le seul vrai produit désinfectant.
Cependant, il présente deux inconvénients : il n'assure pas de rémanence après le réacteur de contact et ne peut être utilisé que sur des eaux très claires.
Ce procédé qui est utilisé depuis plus d'un siècle, principalement sur les eaux de montagne et les eaux souterraines voit aujourd'hui les traiteurs d'eau le reconsidérer avec un grand intérêt car il représente véritablement la seule barrière à la majorité des microorganismes connus sans générer de sous produits toxiques.
De par leurs qualités, les UV deviennent aujourd'hui de plus en plus incontournables comme étape de désinfection finale.
Et le chlore dans tout ça ?
Et bien progressivement, il a trouvé enfin sa vraie place. Non pas directement injecté dans l'eau brute car s'il réagit positivement avec l'ammoniaque, il réagira négativement avec certaines matières organiques pour former des composés halogénés (AOX) et des THM (TriHaloMéthanes) qui sont cancérigènes mais plutôt en fin de traitement juste avant le refoulement de l'eau traitée dans le réseau de distribution, afin d'assurer, grâce à sa grande rémanence, un pouvoir bactériostatique jusqu'au robinet du consommateur.
Alors en conclusion laissons nos traiteurs d'eau utiliser les bons produits aux bons endroits.
Rien n'est figé, rien n'est définitif, rien ne peut s'imposer par la théorie seule.
C'est sur le terrain, en fonction de la qualité de sa ressource, de ses niveaux de production et de son réseau que le traiteur d'eau utilisera tel ou tel produit désinfectant.
Aujourd'hui, ses connaissances l'ont amené à élaborer une filière de traitement "multi-barrières" ; chaque étape étant dédiée à une spécificité de traitement à savoir :
- L'ozone ou éventuellement le bioxyde de chlore en pré oxydation,
- L'ozone s'il est couplé à du charbon actif pour réduire la teneur en matières organiques de l'eau sortant d'une filtration sur sable,
- Les rayons ultraviolets pour ce que j'appellerai la seule vraie désinfection
- La chloration finale pour la protection bactériostatique de l'eau distribuée.
A cette panoplie viendra progressivement s'ajouter le traitement membranaire qui lui aussi, en fonction du type de membranes pourra être considéré comme une étape physique de désinfection.
Jean-Yves Perrot
Wedeco France