Le rapport sur l'état des rivières publié le 20 mars dernier par l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée et Corse livre une photographie intéressante et sans concession de la qualité des cours d'eau et des nappes souterraines sur le bassin.
Ce document, qui repose sur trois
millions d'analyses réalisées au cours de l'année 2011 au titre du Schéma
National de Données sur l'Eau (SNDE) pour la surveillance des milieux
aquatiques, livre plusieurs constats.
Le premier, assez attendu,
confirme que seule la moitié des cours d'eau présente un bon état écologique,
assez loin de l'objectif de 66% fixé à l'horizon 2015. Sans véritable surprise,
les états moyens à mauvais sont principalement situées sur les cours d'eau nord
alpins impactés par l'énergie hydraulique, dans les zones où l'agriculture
intensive domine (bassin de la Saône, vallée du Rhône) et dans les régions très
urbanisées, essentiellement le pourtour méditerranéen.
De là découlent tout
naturellement les principales atteintes qui pèsent sur la qualité des cours
d'eau.
La première concerne la mise à
mal du bon fonctionnement physique des rivières, garant des équilibres
dynamiques naturels qui concerne 60 % des cours d'eau en Rhône-Méditerranée et
20% en Corse avec trois points noirs : les modifications de débit,
essentiellement dus aux prélèvements, qui touchent le tiers des cours d'eau,
les ruptures de continuité écologique et sédimentaire (seuils, barrages) qui
concernent 50 % des rivières et les altérations morphologiques qui fragilisent
la moitié des rivières et compromettent la reprise de la vie aquatique après
une sécheresse ou une pollution.
Le second constat concerne les
pollutions par les micropolluants et plus particulièrement les pesticides qui
concernent 40% des rivières et 20% des nappes souterraines et dont le rapport
constate qu'ils ne reculent pas. Plus grave encore mais pas forcément plus
surprenant, 49 substances interdites depuis plusieurs années se retrouvent dans
les rivières et 20 dans les eaux souterraines. En cause, des « stocks »
toujours présents dans les sols et qui font l'objet de relargages réguliers
même après plusieurs années, mais aussi le constat que certains pesticides
continuent à être utilisés de façon illicite notamment dans le Beaujolais et le
Roussillon.
Autres sources de pollutions, les
HAPs qui touchent 99% des sites de surveillance et les PCB, toujours très
présents sur près de la moitié des sites surveillés avec une contamination
élevée sur les sédiments du Tillet et de la Leysse.
Le troisième constat concerne le
recul de la pollution organique dont le rapport de l'agence relève qu'elle a
été divisée par 10 en 20 ans. La mise aux normes des stations d'épuration
urbaines et industrielles a porté ses fruits : en 20 ans, l'ammonium, paramètre
indicateur du niveau de traitement des eaux usées, est passé d'une qualité
médiocre à bonne. « Par rapport à 1990, ce sont ainsi 30 tonnes d'ammonium par
jour qui transitent en moins à l'aval de Lyon » indique le rapport.
Ainsi donc, avec la dégradation
morphologique des cours d'eau et la pollution par les pesticides qui
apparaissent aujourd'hui comme les principales menaces qui pèsent sur les cours
d'eau et les nappes, ce sont des enjeux qualifiés il y a quelques années encore
d'émergents auquel se trouve confronté le bassin Rhône-Méditerranée et Corse.
L’amélioration de la qualité
physicochimique des rivières prouve que les politiques publiques sont efficaces
et permettent de faire face à des situations jugées parfois très complexes même
s'il faut du temps pour arriver à ce résultat. Du temps et de l'abnégation, il
en faudra plus encore pour venir à bout de la pollution par les pesticides et
régler le problème des PCB.
D’autant que les enjeux qui
émergent aujourd'hui - changements climatiques, pénuries d'eau - ne sont pas
moins lourds que les enjeux actuels.