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Edito

Eau d’hier, eau d’aujourd’hui

02 juin 2023 Paru dans le N°462 à la page 3 ( mots)
© Saint-Nom-la-Bretêche

Le premier rapport du GIEC (Groupe Intergouvernemental d'Experts sur l'évolution du Climat) présenté en 1990 à Paris avait conclu avec quasi-certitude que le réchauffement climatique était bien provoqué par les activités humaines. Les suivants s’efforçaient de décrire les impacts et les conséquences d’un réchauffement avéré des températures moyennes compris entre 1,1°C à 6,4°C d’ici 2100.

Au-delà des conséquences désormais établies de ce réchauffement, c’est maintenant la question de la vulnérabilité de la France, qui a priori été moins grande à l’époque et ses capacités d’adaptations plus importantes que d’autres régions du monde, qui est devenue une certitude : le Conseil National de la Transition Ecologique (CNTE) – qui regroupe représentants de collectivités territoriales, ONG, syndicats, patronat et des parlementaires – indique dans son avis du 4 mai qu’il faut retenir l’hypothèse générale d’un réchauffement de 4°C d’ici la fin du siècle pour la métropole. Replaçant donc au centre des débats la question de la sobriété pour l’eau qui aura des conséquences considérables sur la plupart des secteurs de l’économie : agriculture, énergie, industrie, bâtiment public, habitat… 

L’association Amorce ne s’y trompe pas. Comme un nombre croissant d’observateurs, elle s’accorde à penser que ce n’est plus seulement à des difficultés météorologiques ponctuelles donnant lieu à des décisions de restriction d’eau qu’il faut faire face et que le thème de l’eau n’a pas fait l’objet d’un traitement satisfaisant dans le plan Eau présenté par le président de la République, eu égard aux vagues de sécheresse auxquelles notre pays devra faire face. « Comment atteindre moins 10%, comment allez plus vite ? interroge Nicolas Garnier, délégué général d’Amorce, lors de la 2ème édition du colloque Eau de l’association. On voit des nappes qui sont très faibles, des cours d’eau à moins 40 %, mais on fixe des objectifs de réduction de 10% des prélèvements à horizon 2030. Il y a donc quelque chose à inventer sur la déclinaison » assure-t-il.

Il faut changer notre rapport à l’eau, dit Amorce en un mot. Et on lira avec beaucoup d’intérêt sa contribution à la planification écologique de la gestion de l’eau réalisée avec 70 collectivités membres, qui tire les leçons de la sécheresse 2022 et fait ressortir 10 mesures à préconiser immédiatement et à moyen terme pour économiser l’eau sur l’ensemble des usages et anticiper les conséquences des sécheresses annoncées. 

Des exemples ? Une réduction des consommations d’eau par une fine connaissance des consommateurs et préleveurs principaux, le déploiement des compteurs intelligents dotés de télérelève pour promouvoir une tarification environnementale de l’eau, l’extension des usages liés à la récupération des eaux pluviales, l’intensification en matière de réutilisation des eaux usées sur du multi-usage ….

Mais ces mesures ne suffiront pas, loin de là. Doivent être pris à bras le corps et avec beaucoup plus de volontarisme les usages énergétiques, industriels et surtout agricoles qui ont un impact bien plus important sur l’environnement ainsi que la planification de l’eau à l’échelle des bassins versant via les CLE et les SAGE : « Personne ne voit que la redevance qui donne accès au m3 est 50 fois moins chère pour une centrale nucléaire et de 10 à 20 fois moins chère pour un agriculteur que pour un particulier, fustige Nicolas Garnier. Il y a quelque chose qui cloche. L’accès à la ressource devrait être identique. Si l’on aligne les niveaux de redevance de la filière nucléaire sur les niveaux domestiques, on génère 1 milliard d’euros, ce qui n’est pas de trop vus les enjeux d’accompagnement du monde agricole ».

A + 4°, les particuliers devront revoir leur rapport à l’eau et consommer impérativement moins. Mais d’autres devront se redéfinir complétement, c’est le cas notamment des industriels fortement consommateurs d’eau et plus encore des agriculteurs irrigants que des bassines impossibles à remplir ne sauveront pas. Le modèle espagnol est à cet égard tout à fait éclairant. 

Aussi, pour prendre l'exacte mesure des enjeux de la ressource, il est urgent d’appeler à une nouvelle loi sur l’eau, assure l’association qui rappelle sa vocation à jouer un rôle aux côtés des collectivités dans les initiatives réglementaires. Mais il faudra aller bien au-delà pour faire face aux conséquences, encore à peine imaginables aujourd’hui, qu’une telle hausse des températures provoquerait sur l’eau, son statut, sa rareté, et finalement sa valeur. 

Pascale Meeschaert