Les pressions de plus en plus fortes qui pèsent sur les ressources en eau souterraine semblent avoir atteint, dans de nombreuses régions du monde, un seuil critique. Plusieurs études, aux conclusions souvent alarmantes, en témoignent régulièrement et appellent à une gestion plus durable de ces ressources.
A commencer par les Nations Unies qui ont souligné au printemps dernier la nécessité de changer rapidement nos modes d'exploitation et de gestion de cette ressource qui n?est toujours pas gérée de manière durable. Le rejet incontrôlé de pesticides et de produits chimiques dans les cours d'eau, l'absence de traitement des eaux usées dans de nombreux pays en voie de développement, et surtout leur sur-utilisation font partie des menaces les plus immédiates.
Cet été, c'est l'American Geophysical Union qui indiquait que près d'un tiers des plus grandes réserves souterraines de la planète étaient sur-utilisées. En analysant les données collectées par les satellites sur les variations du champ gravitationnel terrestre, des scientifiques ont pu mesurer l'évolution de certains aquifères profonds. Résultats : sur les 37 aquifères les plus importants, 21 sont exploités de manière non-durable, c'est à dire que les volumes prélevés sont supérieurs à leurs capacités de rechargement.
Et sur ces 21 réserves, 8 sont directement menacées parmi lesquelles l'aquifère de l'Indus en Inde et celui de Murzuk-Djado dans le nord du Sahara, le plus menacé restant celui du Saq en Arabie Saoudite qui alimente 60 millions de personnes dans ce pays mais aussi en Irak, au Qatar et en Syrie et qui pourrait être asséché à 90 % d'ici cinquante ans.
Treize autres aquifères font l'objet d'une recharge régulière mais insuffisante pour faire face à leur sur-utilisation comme par exemple la nappe californienne, dont dépend l'approvisionnement d'une bonne partie de côte Ouest des Etats-Unis.
Même l'Ouest du Canada, connu pour ses forêts pluviales ainsi que ses nombreux lacs et rivières, serait menacé selon une toute récente étude qui s'est attachée, pour la première fois, à tenter d'évaluer le renouvellement des nappes souterraines dans le monde.
Pour évaluer la rapidité de renouvellement de ces nappes, les auteurs de l'étude ont analysé des milliers d'échantillons prélevés dans plus d'une cinquantaine de pays, et en ont mesuré la teneur en tritium, un isotope radioactif issu des essais nucléaires effectués dans les années soixante et présent dans de nombreuses nappes d'eau de moins de 50 ans. Résultat : seulement 6 % des eaux souterraines de la planète se sont renouvelées au cours des 50 dernières années. L'étude estime que le volume total des eaux souterraines est de 23 millions de kilomètres cubes dont 0,35 million est âgé de moins de 50 ans.
Selon ces scientifiques, la situation ne peut qu'empirer sous la double influence du réchauffement climatique et de la croissance démographique qui affecte les régions du monde où ces réserves sont sur-utilisées.
Ces états des lieux sur l'exploitation actuelle des eaux souterraines dans le monde sont évidemment nécessaires à l'analyse de la géographie des prélèvements et des différentes utilisations qui en sont faites. Ils permettent notamment de les comparer aux populations et aux autres sources d'approvisionnement en eau, puis aux ressources en eaux souterraines naturelles ou exploitables pour évaluer les pressions exercées sur celles-ci et en tirer des statistiques permettant de mieux gérer les ressources.
Ils contribuent également utilement à la prise de conscience et à la nécessité de mettre en place une gestion plus raisonnée de la ressource.
Mais ils ne constituent qu'une introduction à une analyse contextualisée, celle d'une infinie diversité de contextes régionaux, parfois même locaux, auxquels sont susceptibles de répondre une non moins grande diversité de particularités locales. C?est que les eaux souterraines font partie d'une catégorie de ressources difficiles à appréhender : elles semblent appartenir à tout le monde en même temps qu'elles n?appartiennent à personne.
http://unesdoc.unesco.org/images/0023/002318/231823E.pdf
http://www.nature.com/ngeo/journal/vaop/ncurrent/full/ngeo2590.html