Évaluées entre 8 et 10 millions de km3, les eaux souterraines représentent environ 98 % des réserves terrestres en eau douce. Mais parce qu’elles ne sont pas toujours mobilisables, elles ne concernent, dans le monde, que 50% de l’approvisionnement en eau. 67% des prélèvements effectués sont destinés à l’irrigation agricole, 22% à l’alimentation en eau potable et 11% aux industries. Des chiffres évidemment très variables selon les différentes régions du monde.
L’énormité
de ces volumes ne doit cependant pas faire illusion.
D’abord
parce que les eaux souterraines constituent une ressource fragile, que bien peu
de pays se sont attachés à protéger en initiant une gestion durable et
raisonnée.
Pire,
de nombreuses nappes souterraines sont surexploitées. Les prélèvements dans les
nappes profondes ont triplé au niveau mondial au cours des 50 dernières années,
au gré des innovations technologiques et d’une croissance démographique
soutenue.
Nombre
de nappes souterraines, qui datent des âges géologiques, non renouvelables à
l’échelle humaine, font l’objet d’une exploitation dont l’horizon ne dépasse
pas quelques décennies...
Les
ressources renouvelables connaissent quant à elles des problèmes de pollution,
en plus de leur surexploitation. Les mesures satellitaires montrent que leur
niveau est devenu extrêmement préoccupant dans certaines parties du globe,
comme en Inde, en Chine, dans la péninsule Arabique, ainsi que dans l'ouest des
Etats-Unis.
A
moins de reconsidérer entièrement notre manière de gérer cette ressource, les impacts
sanitaires, économiques, environnementaux et sociaux seront, à brève échéance, considérables. Aujourd’hui, 3,6 milliards de personnes
vivent dans des zones où l'eau manque au moins un mois par an. Ce nombre
devrait atteindre 5,7 milliards en 2050.
D’autant
que les effets du réchauffement climatique et la multiplication de phénomènes
météorologiques extrêmes constituent une menace grandissante, comme vient de le
confirmer une étude publiée ce mois-ci dans la revue Nature Climate Change.
Les épisodes de sécheresses, de même que les
pluies violentes découlant du réchauffement climatique, vont avoir un impact certain
et important sur le réapprovisionnement des nappes. Les auteurs
estiment que d'ici 100 ans, seule une petite moitié des réserves d'eaux
souterraines dont dépendent aujourd’hui 2 milliards de personnes, pourrait simplement
se rééquilibrer faute de pouvoir se recharger totalement.
Les effets à latence longue de ces
changements ne seront pas immédiatement apparents : ils ne feront sentir pleinement
leurs conséquences que plus tard, lorsqu’il sera trop tard, et que l’absence de
reflux vers les rivières et zones humides sera constatée. L’étude note d’ailleurs
qu’aujourd’hui encore, certaines nappes souterraines au Sahara réagissent encore
au changement climatique d'il y a 10.000 ans, lorsque la région était humide...
Mais comment conjurer le péril d’un tarissement
annoncé de ces ressources invisibles qui semblent appartenir
à tout le monde en même temps qu'elles n’appartiennent à personne ?
La
durabilité des eaux souterraines est étroitement liée à des micro et
macro-politiques locales qui influent directement sur la gestion de l’eau. À ce
titre, elle représente l’un des plus grands défis mondiaux en matière de
gestion des ressources naturelles. Leur protection reste cependant indispensable si l’on veut pouvoir continuer
à les exploiter durablement. Elle passe par une approche coordonnée,
transfrontalière, reposant sur une communauté d’intérêts, seule à même de
permettre une gestion cohérente et durable. Pas de quoi être très optimiste en
ces temps troublés ou prévaut partout dans le monde la poursuite d’intérêts particuliers
étroits, au détriment d’efforts coordonnés, concertés et contraignants, seuls
susceptibles de garantir la pérennité de ces ressources communes.