Spécialisée dans la conception, la fabrication et la commercialisation de produits liés au branchement et à l'environnement de comptage, Sainte-Lizaigne fait partie de ces rares entreprises capables d'associer les techniques traditionnelles aux innovations. Reconnue pour la qualité de ces produits, l'entreprise met à profit ses capacités d'adaptation et d'anticipation en développant de nombreuses innovations sur l'ensemble de ses gammes, mêmes les plus traditionnelles. Explications.
C’est dans la commune de Sainte-Lizaigne, au cœur de
la Champagne berrichonne et au centre d'un triangle reliant Vierzon, Bourges et
Châteauroux, que se trouve depuis plus de 150 ans le siège de l'entreprise
éponyme.
Sur un site choisi pour la présence d'une petite
rivière, alors seule source d'énergie disponible, l'entreprise conçoit,
fabrique et commercialise des solutions destinées au transport et à la
distribution de l'eau potable. Des robinets, des raccords, des colliers, des
équipements hydrauliques qui permettent de réaliser un branchement entre le
réseau principal et l'abonné et d'aménager l'environnement du comptage autour
du compteur et de la robinetterie associée.
Sur ce site historique, l'entreprise a su accumuler au
fil des décennies un vrai savoir faire en matière de fonderie avant de se
spécialiser, au début des années 1950, dans la fabrication de robinets,
raccords, compteurs et accessoires pour le réseau d'eau potable.
En 1973, Sainte-Lizaigne entre dans le Groupe
Compagnie Générale des Eaux. Elle y restera une quarantaine d'années avant que
Veolia ne décide, dans le cadre de sa stratégie globale, de céder l'entreprise.
La forte dissociation qui prévaut durant toute cette
période entre la relation d'actionnariat et la relation client permet à
l'entreprise de rester autonome dans son mode de fonctionnement ce qui lui
facilitera la tâche au moment de retrouver sa pleine indépendance. « La position de Sainte-Lizaigne au moment
de la sortie du groupe Veolia n’était pas celle d'une filiale de production vis
à vis d'un groupe, elle était celle d'un fournisseur en relation avec son
client », explique Damien Verhée, Président de Sainte-Lizaigne.
Si bien qu'aujourd'hui, Veolia reste le premier client
de l'entreprise conformément à la place qu'elle occupe sur le marché Français.
En 2011, après son rachat par Industries et Finances Partenaires, un fonds
d'investissement dont la stratégie repose sur un regroupement sectoriel de PME
dont les activités sont jugées complémentaires (Buy and Build), Sainte-Lizaigne
intègre le groupe Claire qui regroupe aujourd'hui 6 entités : Sainte-Lizaigne,
sa filiale VV Electronic et les sociétés du périmètre Hydromeca, HB Equipement, DLC et Mennesson. Avec 30 M€ de chiffre d'affaires et 120 employés,
Sainte-Lizaigne est aujourd'hui le navire amiral du groupe Claire (45 M€ de
chiffre d'affaires, 165 personnes).
C’est autour de ses activités que s'agrègent peu à peu
les savoir-faire et les technologies complémentaires aux clients de
l'entreprise. L’intégration de la société VV Electronic, en octobre 2014,
permet ainsi à Sainte-Lizaigne d'intégrer des compétences précieuses en
systèmes électroniques et motorisés, en conception comme en fabrication. De
même, le rachat en janvier 2015 des 4 sociétés qui faisaient partie du groupe
Hydromeca vient compléter l'activité de l'entreprise, à la fois en termes de
produits par un élargissement de la gamme vers l'univers des compteurs, la
recherche de fuites, les produits liés au réseau, mais aussi en termes de
débouchés, la typologie des clients propres à chaque société étant différente.
Cette complémentarité et les synergies qui en
découlent permettent aujourd'hui à Sainte-Lizaigne de se renforcer sur ces secteurs
traditionnels comme le branchement qui représente 40% de son chiffre
d'affaires, ou sur l'environnement de comptage et le raccordement qui génèrent
chacun 30% du chiffre d'affaires.
Elles permettent aussi de faire émerger des activités
bien plus récentes qui reposent sur des technologies différentes mais toujours
complémentaires, et qui découlent directement de la stratégie centrée sur
l'innovation engagée ces dernières années. Elles constituent enfin un gros
enjeu en termes de développement à côté des technologies traditionnelles qui
restent au c'ur d'une activité très diversifiée.
Les techniques
traditionnelles : au cœur d'une activité très diversifiée
Sur son site de 10.000 m² couverts, dont près de 6.000
m² sont exclusivement dédiés à la production, Sainte-Lizaigne s'attache à
concilier tradition et modernité. Une fonderie permet ainsi de couler chaque
année environ 500 tonnes de bronze, un alliage à 85% de cuivre, très prisé pour
sa résistance et sa longévité grâce à son insensibilité totale à la corrosion.
Les 300.000 pièces fondues chaque année en bronze, un alliage spécifique à très
faible teneur en plomb, sont ensuite intégralement usinées et assemblées sur le
site, tout comme les pièces en fonte, fondues à l'extérieur, qui représentent
environ 15% des volumes d'usinage.
Chaque pièce fait l'objet d'un premier contrôle visuel
avant d'être, selon les cas, ébarbée et usinée, puis assemblée avant de
recevoir, le cas échéant, un composant d'étanchéité ou une pièce nécessaire à
son bon fonctionnement. Les pièces telles que les robinets, par exemple, sont
ensuite testées une par une, via des essais d'étanchéité à l'air ou à l'eau. « Ces pièces se caractérisent par une
valeur unitaire modeste mais des coûts de mise en œuvre souvent importants, souligne Pascal
Charles, directeur de la production. Un dysfonctionnement peut avoir des conséquences
graves, on ne peut pas se permettre d'avoir un doute sur leur étanchéité ou sur
leur capacité à remplir leur fonction ». La qualité des produits est
donc au centre de toutes les attentions chez Sainte-Lizaigne.
Elle est prise en compte par le bureau d'études
interne à l'entreprise dès la phase de conception et de validation, bien avant
la phase d'industrialisation. « Nous testons chaque produit pour identifier ses limites
et garantir la durée de vie que l'on attend lorsque l'on enterre un produit, souligne David
Gotte, directeur commercial France chez Sainte-Lizaigne.
Tous les produits développés sont soumis à des tests
de vieillissement accélérés en laboratoire et sur bancs d'essais pour s'assurer
de leurs performances techniques et garantir des durées de vie conformes à
celles du réseau d'eau potable. L’un de ces tests consiste par exemple à les
soumettre à une variation de la pression de 0 à 30 bar sur 100.000 cycles. En
cours de production, des contrôles qualité à chaque étape des processus de
fabrication permettent d'assurer une durabilité au moins équivalente à celle du
réseau, donc supérieure à 50 ans. Ils sont un élément clé de la stratégie de
Sainte-Lizaigne en France mais aussi à l'export ou la différenciation, vis à
vis d'autres acteurs engagés sur des volumes, est jugée essentielle.
Soucieuse de maitriser l'impact environnemental de son
activité fonderie, Sainte-Lizaigne s'est engagée très tôt dans une démarche de
développement durable, ce qui lui permet d'être certifiée ISO 9001, ISO 14001
et maintenant OHSAS 18001. Les rejets dans l'eau ou l'air sont maitrisés et
l'ensemble des sous-produits générés par les process sont réutilisés ou
valorisés.
L’entreprise s'est d'ailleurs équipée d'une machine
permettant de retraiter les copeaux d'usinage pour les réintégrer de façon
permanente en fonderie. A côté de la fonderie, le secteur branchement bénéficie
quant à lui des dernières technologies en matière de supervision des zones de
production : outils numériques de suivi, organisation des lignes et
clarification des flux permettent un suivi très précis du bon déroulement des
processus.
Ces outils contribuent à sécuriser la production mais
aussi la logistique, une équation sensible chez Sainte-Lizaigne qui recense pas
moins de 4.000 références de produits actifs dont 85% sont expédiés sous deux
jours sur 3.000 points de livraison potentiels. « Notre carnet de commande France ne
représente que 3 jours de chiffre d'affaires, souligne David
Gotte, directeur commercial. Nous devons être capable de livrer sous deux jours,
sans autre outil prévisionnel que l'historique, censé refléter le niveau et les
orientations des commandes à venir ».
L’entreprise a su s'adapter à ce mode de
fonctionnement particulier, propre à ce secteur d'activité, en associant une
gestion quotidienne des stocks à une grande réactivité. « Sur demande, nous pouvons livrer le
lendemain avant 13 h », assure David Gotte. Cette capacité à répondre très
rapidement aux besoins du marché se décline également sur un autre enjeu
stratégique pour Sainte-Lizaigne : l'innovation.
L’innovation : un
enjeu stratégique
Nouveaux produits, nouveaux matériaux, intégration de
nouvelles fonctionnalités sur des produits existants, amélioration des
conditions de pose, l'innovation revêt de multiples formes chez
Sainte-Lizaigne. « Nous
évoluons sur des métiers au sein desquels les évolutions étaient relativement
lentes, souligne Damien Verhée. Mais les métiers évoluent. Les
entreprises de travaux comme les exploitants sont de plus en plus souvent
confrontés à de la sous-traitance ou à de la main d'œuvre moins qualifiée. Il
faut donc concevoir des produits simples à mettre en œuvre et sûrs ».
L’Alpha-Clic, premier collier de prise en charge à
intégrer un système de contrôle de serrage, répond à ce besoin. Polyvalent, il
s'adapte aux différents diamètres et à tous types de conduites. Et surtout, il
intègre un indicateur visuel et sonore indiquant que le serrage est optimal,
écartant ainsi tout risque d'erreur. Les conditions de pose s'en trouvent
simplifiées et l'opérateur peut être sûr que le produit a bien été posé.
L’innovation concerne également les marchés plus
traditionnels. La plateforme de raccordement U-Can, développée pour constituer
une solution universelle de raccordement, le démontre. « Elle se compose d'un corps de raccord à
une ou deux entrées, selon les utilisations, avec un filetage au pas du gaz
standard (selon la norme ISO 228), ce qui la rend compatible avec de nombreux
autres types de raccords, explique David Gotte. Elle offre une souplesse d'utilisation
permettant de multiples configurations et d'interchangeabilité et un choix
technico-économique modulable grâce à la combinaison de matériaux tels que le
laiton DZR ou le composite ».
Car tout en simplifiant le raccordement, U-Can
contribue à faciliter l'usage du composite, un matériau dont Sainte-Lizaigne
compte bien exploiter les qualités. « Nous sommes au moins aussi légitime qu'un acteur du
plastique pour proposer des solutions en composite car nous avons une parfaite
connaissance des besoins et des produits, estime Damien Verhée. Si nous proposons une solution en
composite, c'est qu'elle a été évaluée au regard des besoins et des contraintes
et non pas comme une simple proposition commerciale. De plus, il y a un
véritable intérêt à être acteur de ces solutions car cela nous permet d'être
dans un rôle de conseil plutôt que de promouvoir des produits pour la simple
raison que nous les commercialisons ». L’entreprise n’intègre pas
l'injection plastique sur son site mais est concepteur et propriétaire de ses
outillages qui sont placés chez un réseau de sous-traitants Français.
L’innovation consiste également à introduire de
l'intelligence dans des solutions plus traditionnelles. C’est le cas de
l'e-Valve, une vanne pilotée, connectée aux infrastructures de télérelève,
capable de gérer à distance l'ouverture, la fermeture ou la mise en position de
débit limité. Cette vanne motorisée, autonome en énergie sur une durée de 15
ans, est actuellement en cours de déploiement en Ile-de-France. Elle a été
développée par Sainte-Lizaigne avec et sa filiale VV Electronic suite à un
appel d'offre lancé par Veolia , et en partenariat avec Homerider .
Autre innovation en matière de suivi et de pilotage de
réseau, le branchement actif EAR, un système d'écoute permanent du réseau d'eau
potable permettant de pré-localiser les fuites, notamment sur les conduites en
plastique (Voir EIN n°376). Développé en partenariat avec SEBA KMT, le système, permet de surveiller un linéaire de plus de 250 mètres de
part et d'autre du point d'écoute. Il a été implanté dans plusieurs régions du
monde sujettes à des tensions hydriques ou des problématiques de fuites
difficiles comme par exemple aux iles Caraïbes ou à la Réunion, mais aussi en
métropole, notamment avec la Saur, très impliquée dans le déploiement de cette nouvelle solution (Région
Vosgienne, Bourgogne, Sud Ouest..).
De nombreux projets sont en cours d'étude. La borne de
gestion G-Cub, utilisant une technologie Hydrelis, permet quant à elle de configurer des profils de consommation et de
débits en fonction de paramètres préalablement définis. Préprogrammée en usine,
prête à poser, elle est un outil de gestion et de régulation que les distributeurs
d'eau peuvent proposer à leurs clients gros consommateurs.
Cette approche collaborative avec de nombreux acteurs
du cycle de l'eau permet à Sainte-Lizaigne d'innover et d'élargir son offre
avec des solutions de gestion sur mesure tout en capitalisant sur des sites
pilotes pour réaliser des études techniques poussées. Elle constitue aussi un
enjeu de développement important, notamment dans le domaine de la stratégie
commerciale de l'entreprise, axée sur la différenciation.
Une stratégie
commerciale axée sur la différenciation
Une évidence qui vaut tout de même d'être rappelée :
le propriétaire des réseaux reste toujours la collectivité, qu'elle soit en
régie directe ou en délégation. Mais les acteurs intervenant à divers titres
sur les réseaux d'eau potable sont nombreux : compagnies fermières, exploitants
privés, collectivités, entreprises de travaux publics, bureaux d'études
hydrauliques, voire distributeurs spécialisés via leurs prescriptions
techniques...
La difficulté, pour Sainte-Lizaigne, consiste à se
positionner au mieux vis à vis de chacun de ses acteurs. « Et même si la profondeur de sa gamme et
ses innovations constituent de réels atouts, ils ne sont rien sans une
prescription technique adaptée permettant d'accompagner les clients dans leurs
choix techniques avant mais aussi après vente via une assistance technique
adaptée », assure David Gotte.
L’entreprise, auparavant tournée principalement vers
les grands distributeurs privés, a aussi orienté sa stratégie commerciale
autour de la prescription technique et des réponses aux appels d'offres. Mais
elle a aussi mis en place un réseau de distributeurs spécialisés notamment
auprès des entreprises de travaux publics et des canalisateurs. Objectif :
faire connaitre et valoriser l'expertise ainsi que la diversité des solutions
proposées. Sur le marché français qui représente 85% des activités de
l'entreprise, mais aussi à l'export ou la différenciation est un point de
passage obligé pour faire face à la concurrence étrangère. « Cette différenciation passe par la
valorisation de nos innovations, de notre technicité et de notre savoir-faire, souligne Marc
Cormery, responsable export. Le fait de pouvoir déployer une vraie analyse
technique, prolongée par une prescription étayée et de pouvoir proposer des
solutions adaptées associées à des critères technologiques et qualitatifs, nous
permet de nous développer ».
Très présente au Maghreb et en Afrique, l'entreprise
compte renforcer cette présence et est en cours de recrutement sur cette zone.
Son système de collier à sangle et son robinet de prise en charge 3 voies ont
été de vrais atouts pour pénétrer des marchés tels que l'Algérie, le Maroc ou
la Roumanie. « Nous
sommes présents depuis plus de 10 ans en Algérie ou nous avons réalisé plus de
100.000 branchements, souligne Marc Cormery. La présence locale et l'accompagnement
sont essentiels. Nous venons de remporter, grâce au concours de notre agent
local, un nouveau marché qui va nous conduire à fournir 120.000 branchements
dans les deux ans à venir ».
Plusieurs sites pilotes doivent également être
prochainement équipés de systèmes d'écoute EAR. La conquête de nouveaux marchés
export conditionne largement le développement futur de Sainte-Lizaigne, même si
le marché français, encore atone, présente malgré tout des perspectives de
développement intéressantes. « En termes de renouvellement sur les réseaux d'eau
potable, on ne réalise, en France, qu'environ la moitié de ce qu'il
conviendrait de faire pour maintenir le réseau en bon état, souligne Damien
Verhée. Comme
il n’est pas imaginable que les financements doublent à court terme, l'une des
clés va sans doute consister à mieux cibler les travaux et faire en sorte
qu'ils soient réalisés plus rapidement et plus efficacement. Les innovations à
venir porteront notamment sur la capacité à travailler vite et simplement,
ainsi qu'à mieux cibler les travaux nécessaires. Nous allons donc travailler
l'environnement des produits pour réduire les coûts souvent importants
engendrés par leur mise en œuvre.
De quoi assurer l'avenir de Sainte-Lizaigne tout en
veillant à l'efficience de nos réseaux d'eau potable.
Vincent Johanet