À l'heure où la transposition française de la Directive Eaux Résiduaires Urbaines révisée (DERU2) cristallise les débats, François-Marie Didier, président du Syndicat Interdépartemental pour l'Assainissement de l'Agglomération Parisienne (SIAAP) depuis 2021, a défendu dans La Tribune, une approche systémique articulant innovation technologique et pragmatisme économique. Son analyse, nourrie par les retours d'expérience des stations franciliennes gérées par le SIAAP, met en lumière des priorités opérationnelles précises pour les techniciens et gestionnaires de réseau.
La Directive Eaux Résiduaires Urbaines (DERU), adoptée en 1991, a établi des obligations minimales concernant la collecte, le traitement et la surveillance des eaux usées urbaines. La révision récente de cette directive, désormais appelée DERU2, élargit son champ d'application aux agglomérations à partir de 1 000 habitants, contre 2 000 précédemment, renforçant ainsi les exigences de traitement pour une meilleure protection de la santé publique et de l'environnement.
Parmi les nouveautés, la DERU2 introduit des normes plus strictes pour l'élimination des nutriments et des micropolluants. Elle impose également aux stations d'épuration traitant une charge supérieure à 10 000 équivalents habitants d'atteindre la neutralité énergétique d'ici à 2045.
La transposition de cette directive en droit français représente un défi technique et financier majeur. Les infrastructures existantes devront être modernisées pour répondre aux nouvelles exigences, notamment en matière de traitement des micropolluants. Le financement de ces améliorations nécessitera une planification rigoureuse pour assurer leur soutenabilité.
François-Marie Didier, président du SIAAP, souligne l'importance d'une approche équilibrée : « Il est essentiel de poser les bonnes questions. Car cette ambition a un coût. Ces dépenses seront indispensables pour moderniser les infrastructures et améliorer la qualité des eaux rejetées, mais elles doivent être programmées avec discernement. »
Il est également crucial de considérer les disparités territoriales. Certaines collectivités accusent un retard dans le traitement de l'azote et du phosphore, tandis que d'autres ont déjà investi dans des technologies avancées. Une stratégie différenciée, tenant compte des réalités techniques et financières de chaque acteur, est donc indispensable.
L'échelonnement des investissements apparaît comme une solution pragmatique. Une trajectoire progressive permettrait aux petites collectivités de rattraper leur retard, tandis que les entités plus avancées pourraient intégrer les nouvelles exigences, notamment sur le traitement des micropolluants. Cette approche est d'autant plus pertinente que la pollution de l'eau, illustrée par les problématiques liées aux PFAS, est au cœur des préoccupations actuelles.
Pour financer ces évolutions, la directive applique le principe du pollueur-payeur, impliquant les industries pharmaceutiques et cosmétiques dans le financement des traitements avancés. Cependant, cette mesure ne suffira pas à couvrir l'ensemble des coûts. Il serait irréaliste de faire porter l'intégralité de l'effort sur la seule facture des usagers. L'État et les collectivités devront assumer leur part.
La réussite de la DERU2 repose sur une collaboration étroite entre tous les acteurs de l'assainissement. La performance des traitements dépend de la qualité de la collecte, de l'aménagement urbain et des choix énergétiques. Une conférence nationale sur l'eau, réunissant l'État, les collectivités, les industriels et les experts, pourrait être envisagée pour définir une stratégie collective équilibrée.
En conclusion, la transposition de la DERU2 en France nécessite une approche technique rigoureuse, une planification financière adaptée et une coopération entre tous les acteurs impliqués. L'ambition de cette directive est louable, mais sa mise en œuvre doit être menée avec pragmatisme et responsabilité.