La problématique d'épandage agricole des boues de stations d’épuration est aujourd’hui sous les feux de l'actualité dans le cadre de la gestion de la pandémie du Covid-19. La société d’ingénierie de l’environnement EPO a réalisé avec son partenaire italien la société Scolari plusieurs unités de séchage des boues et des digestats de méthanisation. Le séchage thermique fait partie des techniques confirmées pour l’hygiénisation des boues. Il peut également engendrer d'autres potentialités en matière de valorisation. Eclairage de son dirigeant, Hervé Polino.
Avec
le Covid-19, la problématique d’épandage de boues de stations d’épuration prend
aujourd’hui une toute autre dimension. L’ANSES, l’Agence nationale de sécurité
sanitaire, a émis le 2 avril dernier, un avis sur l’obligation de stopper
les épandages de boues d’épuration « brutes », non hygiénisées,
produites au cours de la période épidémique de Covid-19. Sans pouvoir définir
avec précision le niveau de contamination des boues non traitées, l’ANSES
considère faible à négligeable le risque pour les boues ayant subi un
traitement par hygiénisation conforme à la réglementation.
Les
boues d'épuration, provenant des stations de traitement des eaux usées, doivent
donc être obligatoirement, et sans aucune exception, hygiénisées avant leur
épandage sur des terres agricoles. Le coronavirus pourrait en effet se
retrouver dans les selles, et donc en bout de chaine, dans les boues, le
principal rejet de la station d'épuration.
Les
stations des grandes agglomérations traitent généralement leurs boues par des
procédés d’hygiénisation physiques ou chimiques. Mais ce n’est pas souvent le
cas des stations des intercommunalités ou collectivités de moindre taille.
L’utilisation
agricole des boues de stations d’épuration est encadrée par l’arrêté du 8
janvier 1998 qui fixe précisément les exigences à respecter pour qu’une boue
soit considérée comme hygiénisée. Les techniques utilisées, qui doivent être
parfaitement encadrées, sont le compostage, le séchage thermique, la digestion
anaérobie thermophile et le chaulage.
Il faut savoir que les boues issues de station de traitement des eaux usées sont utilisées à plus de 70 % pour les épandages agricoles. Ces boues apportent aux sols de la matière organique et des éléments fertilisants comme de l’azote et du phosphore. Les épandages de ces boues ont généralement lieu entre juillet et septembre, avant les semis d’hiver. Les épandages de printemps sont généralement réalisés avant le 15 mars 2020, donc avec des boues produites bien avant l’apparition du Covid-19.
Systématiser
l’hygiénisation
Il
va falloir hygiéniser la totalité des boues avant de pouvoir les épandre, c’est
aujourd’hui une obligation incontournable.
L’arrêté
du 8 janvier 1998 précise que lors de la mise en service de l'unité de
traitement, les analyses initiales et en sortie de la filière de traitement
devront démontrer son caractère hygiénisant.
Le
décret du 30 avril 2020 précise quant à lui les conditions d’une surveillance
et des contrôles complémentaires des opérations d’hygiénisation.
La
difficulté pour les collectivités est de s’adapter dans l’urgence avec
nécessairement une problématique de moyens. La circulaire ministérielle prévoit
la possibilité de faire circuler les boues « brutes » et de les
transférer vers des stations d’épuration qui sont, elles, équipées d’une
installation d’hygiénisation.
Les
conditions d’application demeurent complexes du fait de la capacité de
traitement et du cadre réglementaire des installations d’hygiénisation.
Par
ailleurs, la technique d’hygiénisation sera différente s’il s’agit de produits
liquides ou de produits solides. L’extension des capacités de traitement risque
d’être complexe.
La
construction d’une unité de méthanisation « hygiénisation anaérobique »
est soumise à des délais relativement longs de deux à trois ans. Le compostage
« hygiénisation aérobique » impose, lui, un accroissement des volumes de
déchets verts.
Le
chaulage contrôlé des boues apparaît être une solution plus réactive même si
elle nécessite des extensions d’infrastructures.
Quant
au séchage ou « hygiénisation thermique », il apparaît également être une
solution réactive et fiable en termes d’homogénéité de l’hygiénisation et de
traçabilité.
Tenir
compte de l’exemple italien
L’institut
supérieur de la santé italien (ISS) a publié « des impositions
provisoires » relatives à la gestion des boues provenant des stations de
traitement des eaux usées. En effet, de la même manière que l’ANSES en France,
l’ISS a publié le 27 avril 2020 un rapport qui précise les « impositions
provisoires » pour la gestion des boues d’épuration et la prévention de la
propagation du Covid-19, ce document rappelle les principes incontournables
d’hygiénisation qui sont identiques à ceux mis en œuvre en France.
Sans
véritablement réglementer la question, ce document est destiné aux exploitants
opérant sur le territoire national précisant les différents contingentements et
modes opératoires pour la gestion des boues dans le contexte Covid-19.
La
gestion des boues en Italie est régie par une autorité centrale, avec en plus
des autorités régionales à même de réglementer la gestion des boues. On a pu
ainsi voir la production de différents arrêtés régionaux de réglementation de
l’épandage des boues urbaines principalement en Lombardie mais également dans
d’autres régions telles que la Toscane.
En
Lombardie, par arrêtés régionaux successifs pour les campagnes agricoles 2018-2019
et 2019-2020, l’épandage des boues de station urbaine a été interdit sur 170
communes soit 22 % de la superficie agricole utile. L’objectif était
d’optimiser la redistribution des déchets animaux très importants dans cette
région, avec un équilibre en apports en matière organique. Il faut noter que
ces choix ont été accompagnés d’une demande à la communauté européenne de
dépassement du plafond d’épandage nitrate.
Ces
décrets régionaux ont généré dès 2018 un besoin urgent de trouver d’autres
filières de valorisation pour les boues de stations d’épuration, notamment la
recherche d’une diminution pondérale des boues par procédé de séchage, en vue
d’une amélioration du bilan économique pour une élimination des boues par
enfouissement. La faible humidité résiduelle a aussi ouvert la voie d’une
valorisation énergétique des boues par combustion après séchage.
Les
décisions des autorités régionales de Lombardie et de Toscane ont réduit la
capacité de valorisation agronomique par épandage et ont ainsi généré la
construction d’installation de séchage.
L’hygiénisation par séchage
L’hygiénisation
est réalisée par une montée en température du produit sur une durée
prédéterminée, elle est similaire, avec néanmoins des paramètres différents, à
toutes les techniques d’hygiénisation : séchage, chaulage, méthanisation,
compostage. Concernant la méthanisation, il faut préciser que l’épandage des
digestat pourrait être soumis à une hygiénisation conformément à l’arrêté du 24
avril 2018.
Face
aux manques de connaissance du nouveau virus Covid-19, il apparaît
indispensable et urgent que les conditions d’hygiénisation des boues de
stations d’épuration, notamment l’adéquation « température et durée » soient
parfaitement clarifiées pour garantir l’élimination du virus.
L’opération
de séchage associe l’application contrôlée d’une énergie thermique et d’une
durée d’exposition ; elle est nécessairement hygiénisante, dès lors que le
couple « températures /durée » est parfaitement connu et maîtrisé. Le séchage
offre l’intérêt d’une parfaite traçabilité en contrôle continu de l’opération
d’hygiénisation, et donc une garantie d’efficacité.
Pour
ses conceptions d’installations, EPO privilégie des dispositifs de séchage « en
flux continu au fil de l’eau des installations de traitement en amont ». Ce
concept d’installation, entièrement automatisé avec une exploitation autonome
sans intervention humaine, est particulièrement adapté à la problématique
actuelle Covid-19. Le dimensionnement du sécheur est conditionné par le taux
d'humidité à abattre ou le temps d'exposition dans le cadre d’une garantie
d’hygiénisation.
L'énergie
thermique peut provenir de la valorisation d'énergies fatales, d'énergies
fossiles ou de dispositifs associant des énergies de plusieurs origines. La
température appliquée est comprise entre 70 °C et 170 °C en fonction de
l’énergie thermique utilisée. Le fonctionnement du sécheur est entièrement
automatisé pour une exploitation autonome continue 24/24.
En
Italie, le bilan économique de séchage peut justifier l'utilisation du gaz
naturel en absence d'énergies fatales valorisables disponibles.
La problématique de lutte contre le Covid-19 est commune à tous les pays d’Europe sans aucune exception. Depuis le début de l’épidémie, les dirigeants de EPO, ont intensifié les ouvertures et notamment les échanges avec leurs partenaires italiens. La mise en œuvre de synergies élargies des savoir-faire et des expériences permet d’apporter des réponses technologiques concrètes et pérennes sur le territoire français.
Hervé
Polino
EPO