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Actualités France

ICPE et INB : les nouvelles règles de REUT dessinent un cadre technique exigeant pour la sobriété hydrique

19 mars 2025 Paru dans le N°480 ( mots)

Le décret n° 2025-239 du 14 mars 2025 et son arrêté d’application définissent les conditions d’utilisation des eaux non conventionnelles dans les installations industrielles et nucléaires. Un pas réglementaire clé pour concilier impératifs sanitaires, préservation de la ressource et adaptation au stress hydrique.

Avec la publication au Journal officiel du 15 mars 2025 du décret n° 2025-239 et de l’arrêté associé, les exploitants d’ICPE et d’INB disposent désormais d’un cadre normatif précis pour substituer l’eau potable par des eaux impropres à la consommation humaine. Ce texte, pris en application des articles L.1322-14 du code de la santé publique et L.211-9 du code de l’environnement, autorise la réutilisation d’eaux usées traitées (REUT) et d’eaux de pluie pour six usages domestiques précis : lavage du linge, nettoyage des sols intérieurs, évacuation des excreta, alimentation de fontaines décoratives, nettoyage des surfaces extérieures, et arrosage des jardins potagers ou espaces verts.

L’arrêté technique impose un double verrouillage : des critères de qualité microbiologique et physico-chimique (dont les seuils restent alignés sur la norme ISO 20670:2018 pour les eaux de catégorie A), et des conditions d’exploitation strictes. Les points de soutirage doivent être isolés des réseaux d’eau potable, avec un marquage spécifique et un plan de gestion des risques intégrant des contrôles inopinés. « La surveillance en continu du taux de chlorure et de la conductivité devient obligatoire pour les REUT issues de stations d’épuration industrielles », précise le §II.3 de l’arrêté.

Ce dispositif s’inscrit dans le sillage du Plan Eau gouvernemental, qui vise à tripler le volume d’eaux non conventionnelles utilisées dans l’industrie d’ici 2030. Un enjeu de taille alors que la France ne recycle aujourd’hui que 1 % de ses eaux usées traitées, contre 14 % en Espagne ou 80 % en Israël selon les données du Cerema. Pour Oriane Marignier, responsable chez AXELERA, « à l’horizon 2025, un tiers de la population mondiale sera concerné par le stress hydrique. La REUT n’est plus une option, mais une nécessité géostratégique ».

Les professionnels devront néanmoins composer avec des contraintes opérationnelles. Les eaux d’exhaure – pourtant citées dans les motifs du décret – ne figurent pas explicitement dans la liste des ressources autorisées, une omission qui pourrait générer des contentieux. Autre point d’attention : les exploitants devront réaliser une analyse de sol tous les dix ans pour les projets d’arrosage, en plus des contrôles trimestriels sur les paramètres E. coli et entérocoques intestinaux.

La prochaine étape réglementaire se profile déjà avec la transposition attendue d’ici fin 2025 de la directive européenne sur les eaux résiduaires urbaines. Celle-ci pourrait étendre la REUT à des usages industriels non domestiques, comme le refroidissement des réacteurs nucléaires ou le lavage de pièces mécaniques. Un webinaire organisé le 17 septembre 2024 par la DGPR et le pôle AXELERA apportera des éclairages techniques sur ces évolutions.

Ces avancées juridiques posent les bases d’une gestion circulaire de l’eau, mais appellent des investissements conséquents en filtration tertiaire et monitoring digital. Le défi technique reste entier : garantir une qualité sanitaire irréprochable sans rendre prohibitif le coût du m³ recyclé – aujourd’hui estimé entre 0,30 € et 1,20 € selon la complexité du prétraitement