On pourrait commencer par relire le rapport de Cour des comptes publié en juillet 2012 sur les enseignements des inondations de 2010 sur le littoral atlantique (Xynthia) et dans le Var.
Ou bien le rapport Collombat, publié peu après, sur les inondations dans le Var toujours, mais en 2011 cette fois-ci.
Ou encore l'un ou l'autre des dizaines de rapports régulièrement publiés sur le sujet ces cinquante dernières années, à commencer par l'excellent rapport Galley, publié en 2001 sur « les causes des inondations répétitives ou exceptionnelles et sur les conséquences des intempéries afin d'établir les responsabilités, d'évaluer les coûts ainsi que la pertinence des outils de prévention, d'alerte et d'indemnisation ».
Tous disent peu ou prou la même chose. La démographie et l'urbanisation de ces dernières décennies ont profondément modifié le contexte et l'impact des événements météorologiques exceptionnels. La pression démographique qui s'exerce fortement sur certaines régions, le développement du tourisme qui entraîne un afflux considérable de population sur des territoires aux capacités limitées provoquent dans ces régions une véritable soif de construire, mue par des enjeux économiques considérables.
Cette frénésie immobilière est entretenue par les propriétaires, c'est-à-dire nous tous, et relayée par les promoteurs. Mais elle est aussi parfois soutenue par les élus locaux et les politiques.
« Il faut qu'on s'interroge pour savoir comment en France, au 21ème siècle, des familles peuvent être surprises dans leur sommeil, mourir noyées dans leur maison [...] On ne peut pas transiger avec la sécurité. De mon point de vue, la sécurité est prioritaire », avait par exemple souligné Nicolas Sarkozy le 1er mars 2010, peu après Xynthia. Le même qui avait déclaré quelques mois plus tôt : « Quel est le problème ? C'est la réglementation. Il faut libérer l'offre. Pour le coup, il faut déréglementer. Il faut élever les coefficients d'occupation des sols [...] Il faut rendre constructibles les zones inondables, mais par des bâtiments adaptés à l'environnement et au risque ».
Une contradiction parmi d'autres, qui résume bien les errements de l'action publique, tiraillée entre différents enjeux par essence contradictoires.
Les inondations qui viennent de se produire dans le Var, comme les précédentes, ont entrainé, comme d'habitude pourrait-on dire, leur lot de déclarations selon un processus désormais bien rôdé. La première étape consiste à promettre un arrêté de « classement catastrophe naturelle » rapide.
Il faut bien secourir, puis indemniser et enfin reconstruire. Pour finalement retrouver le statu quo ante?
« Ce qui s'est produit n'est pas un phénomène climatique rare sur la côte méditerranéenne », a pourtant estimé dans l'indifférence générale le chef prévisionniste de Météo-France. Manière de suggérer que la catastrophe, bien réelle, dramatique, n?est peut être pas aussi naturelle qu'il y parait.
Alors que faire ?
Il faut bien sûr continuer à développer les dispositifs de vigilance, d'alerte et de secours. De nombreux progrès ont ailleurs été accomplis ces deux dernières décennies. Il faut aussi progresser en matière d'entretien des cours d'eau, rendre les stratégies de prévention plus cohérentes, notamment pour le bâti existant en zones de risques élevés.
Mais il faut aussi trouver le courage de dire que cela ne suffira pas, que cela ne suffira jamais. Et en finir avec la schizophrénie qui règne sur le sujet en empêchant les constructions dans des zones à risque fort non encore urbanisées.
Face à la volonté de construire des populations, relayée, parfois même encouragée par leurs élus et les promoteurs immobiliers, l'Etat, souvent trop faible, doit jouer son rôle et se montrer intraitable. Parce que 17 millions de français sont aujourd'hui exposés au risque d'inondation et pour qu'ils ne soient pas 25 millions en 2050.