La mesure des polluants dans l’eau, et notamment celle du mercure, exige de faire appel à des laboratoires spécialisés pour les prélèvements et les analyses. L’Institut de Recherche pour le Développement (IRD), qui développe des solutions alternatives à bas coût pour le monitoring environnemental, a cherché à développer un outil capable de faciliter l’échantillonnage, simple à mettre en œuvre et utilisable par des non-spécialistes, en utilisant des technologies à bas coût.
En
collaboration avec des ONG et des chercheurs, l’IRD développe des solutions
alternatives à bas coût pour le monitoring environnemental. Ces solutions
doivent être basées sur des techniques « low-cost » permettant de
fabriquer de nouveaux prototypes de capteurs avec des outils disponibles dans
le commerce, simples et rapides à mettre en œuvre.
La
mesure des polluants dans l’eau, et notamment celle du mercure, est très
compliquée : les concentrations sont extrêmement faibles, il est
nécessaire de faire appel à des laboratoires spécialisés pour les prélèvements
et les analyses.
L’objectif
de l’IRD était de développer un outil capable de faciliter l’échantillonnage,
simple à mettre en œuvre et utilisable par des non-spécialistes. Cet outil
permettrait de passer d’une observation « experte » à une observation
participative impliquant les riverains, soit un véritable réseau d’observation
citoyen.
L’équipe
en charge de ce projet, composée de David Point, chercheur de l’IRD expert du
cycle du mercure, et d’Anthony Gautier, ingénieur consultant en systèmes
embarqués, a eu l’idée d’une sonde électronique encapsulée dans une coque
étanche.
« Un
système de capteurs électroniques isole et concentre le mercure présent dans
l’eau sur de petites plaques jetables qui sont ensuite envoyées à un
laboratoire d’analyse pour être mesurées. Ces éléments électroniques sont
protégés de l’eau par une infrastructure mécanique, le tout étant conçu par
Anthony » explique David Point.
Pour réaliser cette infrastructure mécanique, Anthony Gautier a d’abord fait appel à une imprimante FDM. Mais ces premiers essais n’ont pas donné satisfaction. « Nous avons rencontré pas mal de problèmes de fiabilité, les trois quarts des pièces ne marchaient pas. Notre sonde doit pouvoir résister à la pression de l’eau jusqu’à 200 mètres de profondeur. Or, avec la technologie FDM, on rencontre des micro-vacuoles. Sous l’effet de la pression, ces micro-vacuoles se remplissent d’eau ; l’étanchéité n’était donc pas assurée » se rappelle Anthony Gautier.
Une
technologie d’impression 3D capable de répondre à l’ensemble des contraintes
Face
à ce constat, l’équipe de l’IRD a alors recherché une autre technologie
d’impression 3D à même de répondre à cette contrainte. Après étude des
différentes solutions disponibles sur le marché, David et Anthony ont porté
leur choix sur un équipement Formlabs.
« A
l’époque, nous étions tous deux en Bolivie et nous ne pouvions pas nous
permettre d’investir dans du matériel sans être certains d’obtenir des pièces
fiables, précises et reproductibles en sortie, explique David Point. Le
rapport efficacité / fiabilité / coût des imprimantes Formlabs a donc été un
facteur déterminant dans notre choix ».
« Avant
de nous lancer, nous avons fait fabriquer un échantillon, comme cela est
proposé sur le site web de Formlabs. Nous avons donc pu vérifier la qualité du
matériau : il paraissait bien isotrope, bien étanche » ajoute
Anthony Gautier.
David
et Anthony se sont donc équipés d’une imprimante 3D stéréolithographique Form 2
ainsi que d’un système de post-traitement composé de la Form Wash et de la Form
Cure de Formlabs. « A ma connaissance, il n’y a à l’heure actuelle peu
d’autres imprimantes sur le marché qui présentent la fiabilité et la
reproductibilité des machines Formlabs » indique Anthony.
Ils
ont ensuite réalisé de nombreux tests en laboratoires sur différents types de
résines proposés par Formlabs (résines Standard, Durable, Flexible…) pour
vérifier leur comportement sur des supports agressifs (acide ou autres), puis
sur des eaux synthétiques, des eaux de mer, des eaux naturelles.
« Les matériaux se sont très bien comportés au cours des premiers tests, souligne David Point. Nous avons finalement décidé d’utiliser plusieurs types de résines : pour le moment, notre choix s’est porté sur la résine Durable pour le boîtier principal, qui doit résister aux chocs ; pour les sous-boîtiers, nous envisageons des résines classiques offrant des résolutions supérieures. Ces choix seront confirmés en fonction des résultats des test suivants » complète Anthony Gautier.
Un
prototype qui répond à toutes les exigences du cahier des charges
Grâce
à leur imprimante Form 2, David Point et Anthony Gautier ont pu mettre au point
un prototype répondant à l’ensemble de leur cahier des
charges : une sonde étanche intégrant à la fois un capteur chimique,
des composants électroniques, un module Bluetooth et les batteries nécessaires
à leur alimentation. « La longueur totale de cette sonde a été définie
en fonction de la taille maximale autorisée par la Form 2. Tous les composants
rentrent au millimètre près. Enfin le matériau est quasiment isotrope »
résume Anthony Gautier.
La
réalisation de la sonde, impression 3D et post-traitement, prend environ une
vingtaine d’heures. « Par
rapport aux résultats obtenus à l’origine avec notre imprimante FDM, nous avons
gagné en qualité de la pièce finie. Cela permet d’envisager potentiellement une
commercialisation directe, au moins à petite échelle, contrairement à une pièce
fabriquée par FDM, qui a un aspect beaucoup plus grossier. A cela s’ajoute bien
sûr les qualités mécaniques particulières des résines SLA (densité,
isotropie…), indispensables pour ce projet » rappelle Anthony.
Côté
financier, l’expérience a également été positive : « Sans notre Form 2,
nous aurions dû faire appel à des sous-traitants d’impression 3D proposant des
technologies SLA, mais le coût de revient se serait compté en centaines d’euros
par sonde. Alors qu’en adoptant les solutions Formlabs, le coût de la résine et
des consommables doit tourner autour de 50 à 100 euros par sonde »
estime Anthony.
Ce
prototype de sonde a permis à l’IRD de remporter l’appel à projets « Agir
pour la Ressource en Eau » organisé par Suez afin de soutenir des
solutions innovantes pour protéger la ressource en eau.
L’équipe travaille aujourd’hui à la
production d’une quinzaine d’exemplaires de la sonde qui seront mis à la
disposition d’utilisateurs pour réaliser des tests en milieu naturel, ce qui va
permettre à la fois d’accroître le volume de données collectées et de vérifier
la maniabilité de l’appareil. En parallèle, ils projettent de
développer une nouvelle version plus compacte, donc plus petite, plus facile à
manier pour les bêta-testeurs, à l’horizon 2020.
Enfin,
ils vont mettre en place des tests visant à éprouver la capacité des résines à
limiter le biofouling. « Un capteur plongé dans l’eau finit toujours
par être colonisé par des micro-organismes sur le moyen et long terme qui peuvent
fausser les mesures, explique David Point. Nous allons donc tester
la résistance des résines à ce phénomène, face notamment au PVC utilisé
actuellement pour ce genre de sonde ».
Anthony
Gautier continue d’investiguer les nouvelles solutions proposées par Formlabs.
La Form 3L, notamment, lui permettrait d’imprimer plus de pièces d’un coup
et de simplifier les processus de post-traitement ; et les nouvelles
résines élastiques, dont les propriétés se rapprochent du silicone, pourraient
être à même de contribuer à la réduction des vibrations.