Une accumulation de missions mal assurées, des déficiences graves dans l'organisation et la gestion, des lacunes dans la gestion comptable et financière, c'est un réquisitoire au vitriol que la Cour des comptes a dressé à l'encontre de l'Onema à l'occasion de la publication de son rapport annuel 2012. Devant l'ampleur des déficiences constatées, la Cour a décidé de saisir la Cour de discipline budgétaire et financière.
Y-a-t-il un scandale de l'Onema ? A lire le réquisitoire dressé par les magistrats de la rue Cambon suite au contrôle exercé sur les exercices 2007 à 2011, cela ne fait aucun doute. Tout y passe ou presque à commencer par l'organisation même de l'établissement dont les missions « mal assurées » sont caractérisées par « des déficiences dans de nombreux domaines ».
Ainsi du service d'information sur l'eau, outil que l'Onema était chargé de mettre en place pour permettre à la France de rendre compte à la Commission européenne de l'application des nombreuses directives sur l'eau et pour lequel « il est apparu rapidement que l'établissement public ne disposait ni des effectifs ni des compétences nécessaires à la coordination des projets informatiques liés au service d'information sur l'eau (SIE) et de ses propres projets ».
Plus grave encore, la Cour dénonce de nombreuses anomalies dans la passation et l'exécution des marchés informatiques, « l'Onema s'affranchissant souvent des règles du code des marchés publics ». La Cour pointe également des « contrôles insuffisants pour les nitrates », alors que la France risque de fortes amendes pour ne pas avoir pris des mesures suffisantes contre la pollution des eaux.
Au-delà de ses missions, la Cour relève également de graves déficiences dans l'organisation et la gestion de l'établissement : « le fait que la présidence soit assurée par la direction de l'eau et de la biodiversité du ministère chargé de l'environnement, qui exerce dans le même temps la tutelle de cet organisme, est une anomalie » soulignent les magistrats qui dénoncent également « une organisation territoriale inadaptée aux missions » et une « inadéquation des moyens alloués aux fonctions support (?) souvent dans l'impossibilité de traiter des sujets de fond, de consacrer suffisamment de temps à l'analyse de problématiques, de concevoir et de mettre en place des procédures ou encore de veiller à la qualité juridique des décisions prises au sein de l'établissement ».
La gestion de l'établissement n?échappe pas non plus aux critiques des magistrats de la haute juridiction financière. « Des comptes peu fiables », une « absence de procédure d'engagement de la dépense » une « gestion irrégulière et coûteuse du personnel » des « irrégularités » de compléments de rémunération ou de primes' Pour la Cour, la qualité de gestion de l'Onema a été insuffisante (?), au moment où elle était pourtant essentielle pour conduire de manière économe et efficace la politique de l'eau qui engage la France vis-à-vis de l'Union européenne ».
Dans sa réponse publiée à la fin du rapport, la ministre de l'Écologie Delphine Batho fait valoir que l'Onema a dû rapidement faire face à une multiplication des missions qui lui ont été dévolues et que l'État n'a pas été en mesure de donner à l'établissement les possibilités de recruter ou de conserver des personnels en nombre et au niveau de compétence adapté. « L'action de l'Onema directement liée aux exigences de la DCE a contribué au fait qu'aujourd'hui la France soit un des rares pays de l'Union européenne envers lequel aucune procédure contentieuse DCE n'a été engagée » souligne également la ministre.
L?Onema survivra-t-il à ce déluge de critiques et au scandale provoqué par la saisine de la Cour de discipline budgétaire et financière ?
Elisabeth Dupont Kerlan, Directrice générale, avait assuré, avant la publication du rapport, que les recommandations de la Cour seraient prises en compte dans le contrat d'objectifs 2013-2018 de l'Onema. Peu de chances que cela suffise pour restaurer la crédibilité gravement entamée de l'établissement public.
Pour « répondre à l'urgence de la situation », la ministre de l'écologie a annoncé une évaluation de la politique de l'eau dans le cadre du chantier de modernisation de l'action publique dont les scénarios d'évolution, présentés en septembre 2013, seront suivies en octobre d'un plan d'action de modernisation. « Toutes les conséquences et conclusions du rapport de la Cour des Comptes seront tirées et mises en ?uvre » précise cependant le communiqué.
Christophe Bouchet
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