C?est fait ! Les collectivités organisatrices des services d'eau et d'assainissement vont devoir se mettre à la gestion patrimoniale des réseaux.
Le décret du 27 janvier 2012, publié au journal officiel du 28, décrit les conditions dans lesquelles les collectivités devront mettre en place, d'ici la fin 2013, un inventaire détaillé de leurs réseaux. On en lira le détail dans ce numéro.
Les objectifs sont multiples : à court terme, il s'agit de limiter les pertes d'eau dans les réseaux de distribution, évaluées en France à 1,3 milliards de m3 sur les 6 milliards de m3 produits annuellement ce qui représenterait un manque à gagner de 2,4 milliards d'euros par an.
A plus long terme, sachant que la maîtrise opérationnelle des exploitants ne pourra pas compenser indéfiniment le vieillissement naturel des réseaux, il s'agit de mieux connaître le patrimoine enterré, préalable indispensable à toute démarche de gestion optimisée de la performance d'un réseau d'eau potable ou d'assainissement.
Mieux connaitre pour anticiper, optimiser et définir des priorités de façon à orienter plus efficacement les efforts que vont devoir consentir bon nombre de collectivités françaises dans les années à venir pour hiérarchiser au mieux les besoins, à l'aide de méthodes standardisées basées sur des critères objectifs.
Car de gros efforts vont devoir être consentis.
D?abord pour satisfaire à la réglementation et fournir avant la fin 2013 un descriptif détaillé des réseaux. Une gageure, tant la connaissance de ce patrimoine enterré semble embryonnaire. Le recensement systématique des canalisations posées et de leurs caractéristiques n?a été mis en place que depuis quelques dizaines d'années. Quant à la mise en ?uvre d'outils permettant d'assurer un suivi du réseau, elle n?a véritablement débuté qu'au milieu des années 1980. Si bien qu'aujourd'hui, seuls 10% des services d'eau et d'assainissement auraient une connaissance précise de leur patrimoine enterré selon la direction de l'eau et de la biodiversité.
A l'exception de quelques collectivités très en pointe sur le sujet, cette nouvelle obligation va donc constituer pour toutes les autres un véritable défi : elles devront se doter en quelques mois d'outils adaptés en matière de connaissance, d'aide à la décision et de communication. Puis former des personnels pour acquérir les connaissances nécessaires en vue de se lancer ensuite dans un méticuleux travail de recensement pour établir en moins de 20 mois le fameux rapport détaillé exigé par la réglementation?.
Et l'effort ne s'arrêtera pas là? Car lorsque les pertes d'eau dans les réseaux de distribution dépasseront 15%, un plan d'actions et de travaux devra être engagé pour éviter une majoration du taux de la redevance "alimentation en eau potable?.
Or toutes les études menées ces dernières années dressent un tableau catastrophique de l'état de nos réseaux. Selon l'étude Cador sur le patrimoine des canalisations d'eau potable, plus de 50% du réseau serait antérieur à 1972. Une grande partie du linéaire aurait été construit après la guerre, entre les années 50 et 70, et 20% des canalisations posées avant 1960 seraient en fonte grise ou en acier, des matériaux cassants ou corrodables sujets à la survenue de fuites. Quatre matériaux - l'acier, la fonte grise, le PVC et l'amiante lié - sont à l'origine de l'apparition de casses et de fuites et forment 60% de la valeur du patrimoine à remplacer, soit 51 milliards d'euros'
Plus globalement, les efforts de renouvellement des réseaux d'eau et d'assainissement ont été estimés à 2 milliards d'euros par an. Un coût non négligeable pour des collectivités locales désargentées qui, dans le contexte actuel, repose la question du financement.
La facture de l'eau peut-elle encore payer tous les services de l'eau ? Le principe « l'eau paie l'eau » a-t-il encore un avenir ? Les professionnels commencent à en douter. « Je suis convaincu que si l'on veut faire un saut qualitatif, il va falloir, à un moment donné, ici ou là, marier à la fois la participation du consommateur et la participation du contribuable » indiquait André Flajolet, Président du Comité national de l'eau, l'été dernier (voir E.I.N. n°344).
Bien qu'enterrés et invisibles, les réseaux d'eau et d'assainissement n?en constituent pas moins un patrimoine précieux, acquis de longue date, que l'on se doit de transmettre intact aux générations futures. Un enjeu majeur qui dépasse largement l'usager ou le consommateur et concerne directement l'ensemble des citoyens et donc des contribuables'.