La loi sur l'eau à l'épreuve du débat parlementaire Après le Sénat au mois d'avril 2005, l'Assemblée nationale a adopté en première lecture le 19 mai dernier le projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques. Si ce n?était le contexte politique incertain qui pourrait remettre en cause le parcours parlementaire du texte et le calendrier très serré du projet ? nombre de proches du dossier considèrent que son adoption avant la trêve estivale est aléatoire ? on pourrait presque dire que, cette fois, le projet de loi a de bonnes chances d'aboutir ! Reste à savoir quelle sera la physionomie définitive du texte. Il est encore trop tôt pour rentrer dans le détail. Les députés ont déjà substantiellement modifié le texte voté par les sénateurs l'an dernier (voir page 6) et tant que son parcours parlementaire ne sera pas achevé, le projet sera susceptible d'évoluer à nouveau. Et pourtant, avant même son adoption définitive, les faiblesses de ce texte apparaissent clairement. De l'aveu même de la ministre de l'écologie et du développement durable, il s'agit « d'une loi certes imparfaite, mais qu'il est plus que temps de faire voter». Après 8 années de débats, tergiversations, abandons, relance et consultations, après plusieurs dizaines de moutures différentes, on aurait pu s'attendre à autre chose qu'une « loi imparfaite » et l'on ne peut s'empêcher de se demander combien d'années, de ministres, de gouvernements et de consultations supplémentaires auraient été nécessaires pour aboutir au texte ambitieux dont la France a tant besoin? Car le débat actuel - texte de compromis pour les uns, de consensus pour les autres - ne doit pas cacher cette réalité peu glorieuse : ce texte est avant tout le plus petit dénominateur commun qu'il était possible de trouver sur les grands enjeux auxquels la France est confrontée. Est-il à même de permettre d'atteindre « le bon état écologique des eaux » d'ici 2015 ? On ne peut qu'en douter. Faute d'avoir voulu traiter le problème des pollutions d'origine agricole et conforté le principe pollueur-payeur en incitant réellement le monde agricole à prendre en compte la dimension environnementale de ses activités comme on l'avait fait en son temps pour les industriels avec les succès que l'on sait. Et contrairement à ce que laissent entendre nombre de parlementaires soucieux de ne pas s'aliéner des suffrages dont ils auront prochainement grand besoin, il ne s'agit ni de stigmatiser ni d'alimenter un quelconque clivage catégoriel mais plus simplement de prendre en compte une réalité ? celle de la contamination généralisée de nos eaux par les nitrates et les pesticides ? et sortir enfin d'un déni qui risque de coûter cher au pays. Ce renoncement - et quelques autres - sont bien entendu infiniment regrettables. Certes, ce n?est pas parce que le projet de loi sur l'eau ne règle pas tout qu'il ne règle rien. Sur bien des sujets tels que l'assainissement non collectif, l'épandage des boues, le fonctionnement des services publics de l'eau et de l'assainissement et, si elle est rétablie en seconde lecture, la taxe sur les eaux pluviales, ce texte est utile et même nécessaire. Il permettra d'adapter nos outils et de procéder aux toilettages indispensables pour répondre à certaines exigences des directives européennes. Mais voilà, l'essentiel, c'est à dire les tensions qualitatives et quantitatives qui pèsent sur nos ressources en eau n?ont pas suffit à faire émerger une volonté politique forte, semblable aux grands desseins qui avaient porté les textes fondateurs de 1964 et 1992, ceux-là même qui avaient donné aux pouvoirs publics les moyens de planifier, de réguler et de financer les investissements nécessaires à l'aménagement des ressources et à la lutte contre leur pollution. A l'évidence, la nouvelle loi sur l'eau, sans doute millésimée 2006, ne se situe pas, tant s'en faut, dans la lignée de ces textes.