Le 88ème congrès de l'ASTEE (Association Scientifique et Technique pour l'Eau et l'Environnement) se déroulera du 10 au 12 juin 2009. Plusieurs centaines de congressistes sont attendus au Centre universitaire méditerranéen de Nice pour échanger et faire le point sur les enjeux et problématiques liées à l'eau, à l'assainissement et aux déchets. Rencontre avec Jean-Paul Chirouze, Président de l'ASTEE.
L?Eau, L?Industrie, Les Nuisances : Vous avez été élu à la présidence de l'ASTEE à l'occasion du dernier congrès. Quel bilan tirez-vous des neufs premiers mois de votre mandat ?
Jean-Paul Chirouze : J?ai souhaité en premier lieu que s'engage une réflexion en profondeur sur le positionnement de l'association, sa vocation et ses modes de fonctionnement. Car comme vous le savez, l'ASTEE est une honorable association qui a maintenant plus de cent ans d'âge. Comme toute association d'utilité publique, elle n?a de sens que si elle répond à une utilité sociale en général et aux demandes de ses membres en particulier.
Il est donc apparu naturel de redéfinir le rôle de l'association au regard de ce que l'on appelle aujourd'hui les services publics locaux de l'environnement et également de clarifier son positionnement vis-à-vis des thèmes plus traditionnels que sont l'eau et les déchets.
E.I.N. : Comment cette réflexion a-t-elle été menée ?
J-P.C. : Ces questions ont fait l'objet de consultations, d'échanges et de discussions au cours du conseil d'administration qui s'est tenu au mois de décembre dernier. Comme vous le savez, les services publics locaux de l'environnement se retrouvent de plus en plus souvent en première ligne vis-à-vis de nos concitoyens. C?est vrai en matière de responsabilité ou encore d'organisation du service.
Pourquoi ? Parce qu'au delà des traditionnelles problématiques techniques en matière d'eau ou de déchets apparaissent des sujets qui sont techniquement aussi complexes mais qui présentent la particularité d'être transversaux en mettant par exemple en jeu des questions de développement durable telles que les bilans énergétiques ou encore les bilans carbone. Sur ces problématiques émergentes, les collectivités se trouvent en première ligne parce qu'elles sont obligées de définir et de présenter une politique en la matière. Nous avons souhaité nous assurer que l'ASTEE répondait sur ce plan là convenablement à leurs attentes.
E.I.N. : Résultat ?
J-P.C. : La réponse n?est pas univoque. En tout cas, l'apport de l'association peut être largement amélioré. Le Conseil d'administration a donc choisi de travailler sur ces questions en réfléchissant sur les différentes manières d'améliorer la qualité des réponses apportées aux collectivités en la matière. Une reconfiguration des groupes de travail et une redéfinition des questions traitées font partie des pistes les plus évidentes. De la même façon, il est apparu nécessaire de mobiliser les forces vives de l'ASTEE sur ce que j?appellerai les questions socio-techniques, c'est-à-dire celles qui associent à des savoir-faire techniques des enjeux sociétaux incluant bien souvent une dimension politique.
Prenons un exemple : quand des collectivités doivent se réorganiser dans le cadre de l'intercommunalité, elles se trouvent bien souvent investies du rôle d'autorité organisatrice de service, ce qui les rends directement responsables de la qualité du service rendu, des relations vis-à-vis des populations et des actions de communications engagées. Autant de questions qui nécessitent la mobilisation de nombreux savoir-faire de natures très différentes qui émanent aussi bien de la sphère des élus que de celle des techniciens. Compte tenu des besoins, nous avons considéré qu'il fallait que l'ASTEE se mobilise sur ces sujets en prenant soin, bien entendu, de conserver un angle technique et scientifique. Il ne s'agit pas de supplanter les associations d'élus, par exemple, qui ont toute leur légitimité.
E.I.N. : La nécessité d'intégrer ces nouvelles thématiques est-elle compatible avec le mode de fonctionnement de l'ASTEE ?
J-P.C. : Oui dès lors que l'association, consciente de cette nécessité, évolue ce qui est le cas. La composition du Conseil d'administration a ainsi notablement évolué pour faire une place plus importante aux collectivités de province, précédemment sous-représentées. Des collègues de l'agglomération Nantaise, qui ont beaucoup travaillé sur ces sujets vont, par exemple, entrer au Conseil d'administration très prochainement.
Autre évolution d'importance, nous allons, d'ici l'été prochain, réadapter le mode de fonctionnement de nos commissions techniques. Les commissions actuelles seront bien entendues conservées mais leur mode de fonctionnement sera adapté pour fonctionner de façon plus transversale et mieux prendre en compte les sujets insuffisamment traités actuellement.
L?ASTEE s'attachera également à mieux valoriser le formidable atout que constituent ses réseaux régionaux. De quelle façon ? En incitant les présidents de sections régionales à nouer des partenariats au niveau local avec, selon les cas, des associations régionales spécialisées, les agences de l'eau, des délégations régionales de l'Ademe ou encore des collectivités territoriales. Nous travaillons aussi dans le sens d'une meilleure programmation des journées régionales pour mieux les valoriser aux niveaux régional et national. Pour que les savoir-faire techniques qui se trouvent au sein des collectivités profitent au plus grand nombre, il faut favoriser les échanges entre les techniciens. Si l'ASTEE a une utilité, c'est bien celle-ci. Il faut donc se rapprocher du terrain.
E.I.N. : Vous évoquiez tout à l'heure la nécessité de clarifier le positionnement de l'ASTEE sur les thèmes plus traditionnels de l'eau et des déchets. De quoi s'agit-il exactement ?
J-P.C. : Lorsque l'AGHTM est devenue l'ASTEE il y a maintenant une dizaine d'années, il s'agissait principalement d'intégrer dans les préoccupations de l'association la question de l'eau dans sa globalité, notamment la gestion par bassins versants et les milieux aquatiques. Une décennie plus tard, il n?était pas inopportun de s'assurer que l'ASTEE rassemble bien tous les acteurs concernés par ces questions.
Dans le même temps, la direction de l'eau et de la biodiversité du MEEDDAT a plaidé pour une coordination plus importante entre les associations techniques nationales. Nous avons donc initié à l'automne dernier une coopération avec les grandes associations à vocation scientifique ou technique que sont l'Académie de l'eau, la SHF et l'AFEID. Cette coopération s'est traduite par des participations croisées au niveau des Conseils d'administration puis par la définition de cinq thèmes sur lesquels un travail de recherche a été engagé. Des groupes de travail mixtes regroupant des membres des quatre associations sont en cours de constitution. L?objectif n?est pas de se faire plaisir intellectuellement mais bien de répondre à des besoins exprimés par des acteurs tels que la direction de l'eau et de la biodiversité, l'Onema ou encore des agences.
Le congrès de Nice, qui se tiendra au mois de juin, sera aussi l'occasion de faire un premier point sur cette collaboration.
E.I.N. : De quelle manière ?
J-P.C. : Les présidents de chacune des quatre associations interviendront le 10 juin en fin de journée pour présenter cette initiative commune ainsi que les cinq axes de travail identifiés. C?est une bonne occasion de poser un premier jalon et de faire le point ensemble sur l'état d'avancement des travaux engagés. Ces interventions seront suivies d'une table ronde associant des représentants des associations mais aussi du Meeddat, de l'Onema et de l'agence de l'eau RM&C.
E.I.N. : Quelles sont les nouveautés et les grands axes de ce 88ème congrès ?
J-P.C. : Le format du congrès a été réduit d'une journée pour s'adapter aux contraintes et à la demande des congressistes. Le temps est devenu rare et bien peu d'entre-nous sont en mesure de consacrer plusieurs jours à un évènement aussi intéressant soit-il.
Sur le fond, la journée du 10 juin sera consacrée aux rapports qui lient les services publics locaux de l'environnement et l'Europe. De quoi s'agit-il ? Les collectivités et leur bras armé, les services locaux, ont traditionnellement tendance à subir plutôt qu'à participer à l'élaboration des politiques européennes alors qu'elles sont concernées au premier chef. A Bruxelles, l'État est en première ligne pour défendre ces propres intérêts. Les opérateurs privés, tout comme les ONG, disposent eux aussi d'un savoir-faire particulier pour se faire entendre, ce qui n?est pas le cas de collectivités. Comment faire pour associer plus étroitement les services publics locaux aux processus compliqués d'élaboration des politiques européennes : lobbying ? Participation à des programmes de recherches ou à des projets de coopération inter-étatiques de type Interreg ? C?est tout l'enjeu de cette journée?
Les thèmes abordés lors des deux journées suivantes reflètent davantage les travaux menés par les différentes commissions de l'ASTEE. Ces thèmes sont donc, en apparence, plus hétérogènes. Ils ont cependant le mérite de répondre à la plupart des préoccupations actuelles des techniciens. Ceux qui souhaitent préparer leur visite pourront utilement se référer au site internet de l'ASTEE (www.astee.org) pour en connaître le détail.
Propos recueillis par Vincent Johanet