Le défi des pollutions diffuses Quel regard porter sur le 4ème rapport officiel sur l'état de l'environnement en France présenté par Nelly Olin le 17 octobre dernier ? L?édition 2006 de ce document établi par l'Institut français de l'environnement tous les quatre ans, laisse apparaître dans le domaine de l'eau des progrès significatifs qui coexistent avec des échecs patents. Le progrès le plus important enregistré ces dernières années est sans aucun doute le découplage avéré entre production et pressions sur l'environnement. En clair, les pressions sur l'environnement croissent aujourd'hui moins vite que l'activité. Les efforts considérables engagés notamment par les industriels ces trente dernières années, sous la pression de politiques publiques coercitives, ont porté leurs fruits. Les industriels prélèvent et consomment de moins en moins d'eau. De plus en plus de process intègrent des dispositifs d'économies ainsi que des techniques de réutilisation des eaux usées. Résultat, tous secteurs confondus, l'industrie ne consomme plus en eau que 7 % des volumes consommés et 12 % des volumes prélevés. Dans le même temps, la situation s'est améliorée du côté des flux de polluants émis. Sur la période 1978-2001, les rejets industriels dans l'eau ont diminué en moyenne de 4,3 % par an pour les matières en suspension, de 3,6 % par an pour les matières organiques et de 6,2 % par an pour les matières inhibitrices. Dans l'industrie papetière, par exemple, le volume de la pollution rejetée, exprimée en matières oxydables, a été divisé par 15. La quasi-totalité des industries polluantes sont désormais équipées de stations d'épuration permettant un abattement voisin de 70 à 80 % sur les matières oxydables et de 80 à 90 % sur les toxiques. Ces résultats ont été obtenus grâce à des règlementations contraignantes. Ils sont la preuve que le volontarisme politique, lorsqu'il existe, paie. Lorsqu'il n?existe pas, la situation ne s'améliore pas. C?est le cas de la lutte contre les pollutions diffuses qui n?a enregistré ces dernières années dans le domaine de l'eau aucun progrès significatif, bien au contraire. Même si les experts de l'Ifen relèvent que « pour la première fois après trente ans de dégradation, les nitrates semblent globalement en voie de stabilisation dans les cours d'eau », on ne peut que constater que cette stabilisation intervient à un niveau très élevé et qu'elle est encore loin de s'être répercutée dans les eaux souterraines. Quant aux pesticides, dont les effets négatifs sur la santé humaine sont de moins en moins controversés, ils restent massivement présents dans la plupart des cours d'eau et durablement installés dans un nombre toujours plus important de nappes souterraines. C?est dire que dans le domaine de l'eau, les pollutions diffuses représentent l'enjeu majeur de ces prochaines années si l'on veut, sans même parler de reconquête, simplement stopper la dégradation des milieux aquatiques. Comment y parvenir ? En renonçant à la recherche du consensus à tout prix, aux mesures homéopathiques, insuffisamment incitatives, trop souvent mises en avant dans les programmes et autres plans dont l'inefficacité n?a d'égal que leur nombre et la vitesse à laquelle ils se succèdent. Dans ce domaine comme dans bien d'autres, si nous voulons obtenir des résultats, nous devrons faire montre d'une vraie ambition, traduite dans les faits par la mise en place d'une politique volontariste mais aussi coercitive, basée sur le renforcement d'un principe pollueur-payeur qui a largement fait ses preuves. A cet égard, les dispositions contenues sur le sujet dans le projet de loi sur l'eau qui sera discuté fin novembre à l'Assemblée nationale n?incitent pas à l'optimisme?