On estime à 60.000 le nombre de postes de relevage actuellement en service sur le territoire national. La plupart de ces postes fonctionnent selon le principe bien connu de la bâche de rétention pompée à intervalles réguliers par un groupe de pompes submersibles. Un nouveau concept, basé sur un relevage en ligne des effluents à partir d'une conduite gravitaire sans mise en charge du réseau, pourrait peu à peu changer la physionomie de ces ouvrages. Explications.
Bien peu de réseaux d'assainissement ne pourraient se concevoir sans la présence de nombreux postes de relevage qui permettent, en assurant la collecte des eaux usées et la continuité de l'écoulement gravitaire, un acheminement correct des eaux usées vers la station d'épuration. Car pour acheminer les effluents d'un point à un autre, la canalisation doit s'enfoncer de plus en plus profondément sous terre.
Arrivée à une profondeur raisonnable, il devient nécessaire de relever les effluents pour pouvoir recommencer à les laisser s'écouler gravitairement vers un nouveau poste qui lui-même assurera la même fonction jusqu'à la destination finale de ceux-ci. Le rôle du poste de relevage, essentiel, consiste donc à collecter les eaux usées en un point bas du réseau, à piéger les déchets solides de trop grande taille et à « relever » au moyen d'une ou plusieurs pompes, ces effluents en un point haut d'un nouveau tronçon du réseau.
Cette tâche doit être assurée alors même que les débits d'arrivée au sein de ces postes sont très fluctuants en fonction du moment de la journée, des conditions climatiques ou plus simplement du taux d'occupation de la zone desservie par ces postes.
Le plus souvent, une station de pompage classique se compose d'une bâche de reprise des effluents, d'un système de dégrillage, d'un groupe motopompes, d'un ensemble de tuyauteries assurant la continuité hydraulique, éventuellement d'une chambre de vannes séparée et d'un ensemble de contrôle commande composé de capteurs de niveau, d'un coffret de commande et dans de nombreux cas d'un module de télésurveillance et de télégestion.
Tout ceci permet de réguler la charge du réseau et de faciliter le pompage des effluents stockés au sein de la bâche jusqu'au déclenchement des pompes. Ainsi conçu et à la condition expresse qu'il réponde à des règles de dimensionnement très précises notamment quant au volume des effluents stockés et à leur temps de séjour, le poste de relevage pourra remplir sa fonction de manière satisfaisante. Mais pas question pour autant de négliger son exploitation ni son entretien qui devra faire l'objet d'une attention régulière et notamment d'une maintenance préventive seule capable de garantir la continuité de la fonction pompage.
La station de pompage est donc un maillon essentiel du réseau puisque en cas de défaillance, c'est tout le fonctionnement de ce dernier qui s'en trouve interrompu. Mais elle en constitue également le point critique. Car l'existence d'une bâche de reprise dans laquelle séjournent les effluents créée un environnement hostile et corrosif pour les équipements qui séjournent au sein même du poste et pour les pompes au sein même de l'effluent, comme pour les techniciens chargés de son entretien.
Les risques liés à cet environnement et notamment à la présence éventuelle d'H2S, les problèmes liés aux nuisances olfactives, la nécessité de curer régulièrement ces ouvrages ont conduit la société Side Industrie à élaborer un nouveau concept de pompage applicable aux stations de relevage en neuf comme en rénovation. Ce concept est basé sur un relevage en ligne des effluents à partir d'une conduite gravitaire sans mise en charge du réseau. Objectif : s'affranchir de l'ensemble des inconvénients liés à la présence d'une bâche de reprise des effluents.
S?affranchir des inconvénients liés à la présence d'une bâche de reprise des effluents
Stéphane Dumonceaux est Directeur Général de Side Industrie, société spécialisée dans la fabrication d'équipements chaudronnés pour les systèmes de pompages d'eaux claires ou d'effluents chargés. Il explique : « Un poste de relevage, du fait de la présence d'une bâche de stockage plus ou moins importante, c'est aussi un décanteur, un dessableur, un ouvrage de gestion de l'eau à part entière qui nécessite un entretien régulier très important si l'on veut garantir un fonctionnement correct. C?est un milieu hostile pour les équipements et potentiellement dangereux pour les personnels chargés de leur entretien ».
Depuis 1992, cette société s'est spécialisée dans la rénovation des stations de pompage, une activité très technique puisqu'elle pose le délicat problème de la continuité du service durant toute la période de rénovation quelle que soit la configuration du poste, le débit entrant ou encore la HMT. « Pour rénover les postes dans un laps de temps le plus court possible en garantissant la continuité du service, nous avons axé nos efforts sur une préparation très en amont de notre intervention en déployant des moyens très importants, explique Stéphane Dumonceaux.
La première étape a consisté à rechercher un système capable de capter les effluents dès leur arrivée pour mettre en sécurité l'espace de travail tout en assurant le maintien du service. « Un système capable de faire face à l'ensemble des contraintes liées à la rénovation de ce type d'ouvrage, c'est-à-dire capable de fonctionner sans risque et durant toute la durée de la rénovation dans tous les postes existants quelle que soit leur configuration, capable de fonctionner à sec, de faire face à des variations de charge et des HMT très fluctuantes » précise Stéphane Dumonceaux.
La recherche d'une solution susceptible de bypasser les postes à rénover chez les différents constructeurs de systèmes de pompage s'étant avérée vaine, Side Industrie s'est décidée en 2000 à concevoir son propre système. « La solution la plus simple aurait été de reconstituer une bâche de stockage équipées de pompes dimensionnées pour les débits de pointe et d'enclencher ces pompes selon des cycles précis, c'est-à-dire en fait doubler l'installation par un poste neuf pour refaire la première » explique Stéphane Dumonceaux. Mais ce n?était pas forcément la solution la plus rationnelle ni la moins couteuse. Nous avons donc choisi de nous orienter vers une solution plus originale qui remet en cause la plupart des fondements qui président à la réalisation d'une station de pompage ».
Cette solution, fruit de 15 années de gestation, c'est le système DIP, acronyme de « Direct In-line Pump », un procédé de relevage en ligne directe avec l'arrivée d'effluent.
Le système DIP : un procédé de relevage en ligne directe avec l'arrivée d'effluent
Le système DIP repose sur un corps hydraulique chaudronné en acier inoxydable AISI 304 L sur lequel un groupe de pompage à deux moteurs relève les effluents dès leur sortie de la canalisation gravitaire, c'est-à-dire sans passer par une fosse de collecte. Un système de contrôle commande basé sur la variation de vitesse permet d'effectuer un pompage continu et régulé en fonction du débit entrant.
Une vanne d'entrée et une armoire de commande pré-équipée complètent l'ensemble, disponible dans une gamme de puissances permettant de faire face à une grande variété de configurations. « Le principal avantage du procédé est qu'il repose sur l'absence de bâche de rétention, souligne Stéphane Dumonceaux, car outre le fait qu'il réponde à un cahier des charges déjà très ambitieux, il permet en plus de s'affranchir de nombreuses nuisances telles que les problèmes d'odeurs, la présence d'H2S et les problèmes de bouchage dans la mesure où le système a une capacité à passer des objets au fil de l'eau beaucoup plus importante que lorsqu'ils sont puisés en bâche ». Le système est équipé de roues Vortex coniques en acier inoxydable AISI 304 L à section de passage intégrale.
La spécificité des impulseurs à pales alternées permet à la plupart des corps solides et fibreux tels que des serpillières, pansements, collants, bouteilles en plastiques et même canettes en aluminium de passer sans bouchage. Le cône central redresse le vortex en fonctionnement air/eau. Il évite le colmatage et favorise un réamorçage rapide.
Quasiment imbouchable, le système permet également de refouler un mélange air/eau (jusqu'à 10% d'air) ce qui permet d'aérer l'effluent et de lutter contre la formation d'H2S en aval.
Du coup, le système qui capte l'effluent au droit de la canalisation d'arrivée rend complètement inutile le volume de marnage qui se trouve traditionnellement en fond de poste. Pour du neuf, en terme de génie civil, c'est un gain de profondeur important. Autre avantage, l'absence d'effluent séjournant en bâche modifie complètement l'environnement de d'ouvrage qui ressemble plus à un simple local technique qu'à un poste de relevage.
Pour le technicien qui peut intervenir au sec sans interrompre le fonctionnement du poste, c'est plus de sécurité et plus de convivialité dans l'exploitation. Pour le voisinage, c'est la fin des nuisances liées aux problèmes d'odeurs, de bruit et d'interventions régulières liées aux curages. Enfin, pour les équipements qui travaillent au sec, dans un environnement nettement moins agressif et corrosif, c'est une durée de vie plus longue.
Si bien qu'initialement dédié aux interventions ponctuelles, le système DIP a peu à peu acquis ces lettres de noblesse pour devenir une alternative à part entière vis-à-vis des dispositifs de pompage traditionnels. En 2002, un brevet sur le relevage en ligne sur conduite gravitaire est déposé en même temps que se noue une collaboration avec le groupe Vacon sur la variation de fréquence, élément essentiel du dispositif.
La variation de fréquence, un élément essentiel du dispositif
Le système DIP qui fonctionne en continu s'apparente à un circulateur d'eaux chargées. Il doit donc s'adapter en permanence aux débits entrants qui peuvent être très fluctuants. Ainsi, un système DIP situé en aval d'un ou plusieurs postes fonctionnant par bâchées devra pouvoir faire face à des flux ponctuellement très importants alors que le même système situé à l'aval de postes fonctionnant en régulation les uns derrière les autres bénéficiera d'un fonctionnement beaucoup plus régulier.
Conséquence, la variation de vitesse qui permet de réguler le travail de la pompe en fonction du débit entrant est un élément clé du dispositif.
Conscient de l'importance du rôle que joue la partie régulation et contrôle-commande sur son système, Side Industrie s'est mis très tôt à la recherche d'un partenaire capable de développer une interface sûre et conviviale.
C?est finalement la filiale française du groupe Vacon qui a été choisie. « Dans le secteur des convertisseurs de fréquence, Vacon est un acteur monoproduit, un « pure player » très pointu dans le domaine du contrôle de mouvement avec une gamme de puissance extrêmement large qui démarre en dessous du kilowatt pour aller jusqu'à 5 mégawatts, souligne Stéphane Dumonceaux. C?est aussi un constructeur qui a su développer un langage et des solutions orientées métier avec un service très développé : Vacon a ainsi mis en place un service capable d'assister l'exploitant 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, sans supplément de prix ».
La collaboration s'engage sur la base d'un applicatif métier qui sera développé puis optimisé sur 3 ans. Patrice Viaud est ingénieur Application et Service chez Vacon France. Il explique : « Nous avons du adapter tout ce que nous savions de la surpression à un système de pompage complètement différent, basé sur un effluent arrivant directement dans une conduite non pleine ». Pour parvenir à réguler le pompage dans un environnement hydrauliquement aussi perturbé, de nombreux développements seront nécessaires et c'est finalement un applicatif propriétaire qui sera spécialement développé pour le système DIP.
Avec deux impératifs : sécurité et convivialité. « Sécurité, car le bon fonctionnement d'un poste de relèvement conditionne celui du réseau », souligne Stéphane Dumonceaux. L?applicatif développé a donc systématisé l'existence de solutions de replis et de marches « coûte que coûte » pour que la continuité du service soit assurée dans tous les cas de figures. La convivialité, étroitement liée à l'aspect sécurité, a également fait l'objet d'une attention particulière. « L?intégralité du dialogue homme/machine passe par la platine de commande, souligne Patrice Viaud. Nous avons donc conçu une interface conviviale basée sur un langage métier qui apparaît en clair à l'écran ». Un simple regard de l'exploitant sur l'interface permet d'appréhender les paramètres essentiels du fonctionnement de l'installation : fréquence, courant, puissance moteur, temps d'accélération et de décélération de la pompe, etc.
Côté fonctionnalités, et outre la fonction principale qui consiste à assurer un pompage régulier en ne délivrant que la puissance nécessaire au travail à effectuer, l'applicatif propose toutes les fonctionnalités traditionnellement associées aux systèmes de pompages : cycles de nettoyage des pompes, permutation en vue d'équilibrer les temps de fonctionnement, marche simultanée des deux pompes pour dépasser les débits nominaux en cas de besoin, inversion de rotation, marche forcée dans certaines configurations pour maintenir la continuité du service.
Avec, toujours pour privilégier l'aspect sécurité, des fonctions d'autoprotection et dans plusieurs cas de figures, la capacité pour le système de gérer certains réarmement automatiques en vue d'assurer le maintien du service. Une version ouverte au télécontrôle est également prévue pour des applications communicantes. Le dialogue distant est alors assuré directement par un automate de télégestion qui permet des réglages, des alarmes et des interrogations à distance, y compris des fonctions avancées tel que le débouchage automatique par rotation inverse/accélération.
Tout ceci appuyés par 7 points de vente nationaux dont un en Outre-mer permet à 160 systèmes DIP actuellement en service de fonctionner convenablement en s'affranchissant de la plupart des inconvénients liés à l'existence d'une bâche de stockage et en facilitant la maintenance et l'exploitation. A ces avantages non négligeables, il faut y ajouter un bilan économique global plutôt flatteur, une donnée essentielle à l'heure où les exploitants cherchent à optimiser les coûts.
Un bilan économique intéressant
Comment se situe le bilan énergétique du système DIP par rapport aux systèmes de pompages traditionnels ? Pour Stéphane Dumonceaux, ce bilan est toujours dépendant du bon dimensionnement par rapport au principe traditionnel : « Dans la majorité des cas, sur le marché du renouvellement et à puissance installée identique, le système DIP absorbe 15 à 50% de puissance en moins en s'adaptant au débit instantané entrant ».
Le dimensionnement de la bâche de rétention et des groupes de pompage à remplacer sont autant d'éléments qui influent directement sur le bilan énergétique et qui expliquent des disparités relativement importantes.
Dans certains cas, lorsque le poste d'origine exploite une capacité de rétention très importante, celui-ci peut même être négatif. Mais pour Stéphane Dumonceaux, « Si le bilan énergétique d'un tel ouvrage doit faire l'objet d'un examen attentif, ce n?est pas le seul critère à prendre en compte. Il faut examiner de près l'ensemble des coûts liés à l'exploitation de l'ouvrage et notamment les interventions, qu'elles soient ponctuelles pour un bouchage par exemple, ou régulières pour le curage du poste. A la longue, ces interventions humaines pèsent lourdement sur les coûts d'exploitation».
Le système de pompage en ligne permet également de gagner sur le dimensionnement des pompes, en raisonnant sur le débit de pointe à faire circuler (Débit instantané) plutôt que sur un débit de pointe en vidange (Débit de bâchée) « jusqu'à deux tailles de machine, ce qui, financièrement, est loin d'être négligeable. Une comparaison sur une centaine de postes réhabilités à puissance installée égale, a démontré un surdimensionnement dans 97% des cas étudiés » selon Stéphane Dumonceaux.
Dans le cas des postes neufs, il faut ajouter les économies liées au génie civil. La construction d'un local technique sec permet d'inclure les équipements annexes (robinetterie, mesure de débit, anti-bélier, compresseurs) sans ajouter de chambres accolées, et avec une profondeur moindre grâce à la suppression du volume de marnage.
Reste à savoir comment sera accueilli un système qui remet en cause des fondements hydrauliques que l'on pensait solidement établis. « Nous en remercions d'autant plus les clients qui ont su le faire, et pour qui un poste n?est plus vraiment un poste » précise Stéphane Dumonceaux.
Actuellement 150 postes, dont 25 sont des postes neufs, fonctionnent sans problème particulier, et une dizaine de postes spéciaux ont été implantés dès 2004 pour résoudre des points noirs sur des réseaux particulièrement difficiles.