Depuis octobre dernier, le Syndicat d'Eau Potable et d'Assainissement collectif du Sud de l'Eure (SEPASE) est en train d'interconnecter deux réseaux d'eau potable distants de près de 14 kilomètres. Objectifs : renforcer l'approvisionnement du secteur de Damville et le sécuriser en cas de mise hors service de ses deux forages. Pour y parvenir, le Syndicat a choisi des canalisations en Polyester Renforcé de fibre de Verre (PRV) centrifugé de la société HOBAS. La fin des travaux est prévue pour septembre 2015.
Située au sud d'Evreux, la Communauté de Communes du Pays de Damville compte environ 5.000 abonnés au réseau d'eau potable. Ce dernier est aujourd'hui alimenté par deux forages pouvant fournir une capacité de production de 2400 m3 par jour maximum... soit la consommation quotidienne des habitants du secteur en été. "En période estivale, nous sommes donc vraiment en flux tendu sur ce secteur", explique Benoît Concedieu, Directeur d'Exploitation au SEPASE.
En outre, cette unique ressource est chargée en nitrates, ce qui a nécessité la création d'une usine de dénitratation - la plus petite d'Europe selon son constructeur - pour un coût de deux millions d'euros. "Il nous fallait donc des ressources supplémentaires capables de renforcer les deux forages et même de s'y substituer totalement au cas où ils se retrouveraient hors d'usage", explique le Directeur d'exploitation. A l'heure actuelle, il n'y a en effet aucune solution de recours.
Voilà pourquoi les dirigeants du SEPASE ont décidé d'interconnecter le réseau en étoile de Damville et celui en boucle de Breteuil-sur-Iton (au sud-ouest) qui lui dispose de six forages en surproduction par rapport à la consommation sur la zone desservie. "Cette interconnexion était la toute dernière qu'il nous restait à faire sur l'ensemble des 35 communes couvertes par le SEPASE qui dessert 23 365 habitants pour 11 619 abonnés", précise Pierre Hospital, le président du Syndicat. Couvrant une distance d'environ 13,7 kilomètres sous pression forte (10 à 13 bar), cette nouvelle interconnexion fournira au moins 780 à 800 m3 par jour au secteur de Damville correspondant au renouvellement sanitaire, et jusqu'à 2500 m3 par jour maximum pour palier un éventuel arrêt de ses deux forages. Elle pourra aussi fonctionner dans les deux sens. Coût total du chantier (fourniture et pose) : près de 1,3 millions d'euros HT.
Le PRV associe résistance mécanique et légèreté
Pour le choix des canalisations de ce chantier engagé en octobre 2014, le SEPASE a opté pour des tuyaux et raccords en Polyester Renforcé de fibre de Verre (PRV) centrifugé de la société HOBAS. Le PRV est un matériau composite constitué d'un liant à base de polyester, d'une armature en fibres de verre, et d'additifs (sable de quartz, pigments). "Outre un prix avantageux, plusieurs arguments techniques ont motivé notre choix pour ces tuyaux en PRV par rapport aux canalisations traditionnelles en fonte : une résistance mécanique éprouvée sur le long terme, une insensibilité à la corrosion, la quasi-absence d'aspérités réduisant le risque d'abrasion et donc de pertes de charges, et la capacité à répondre à une densification de la demande, explique Benoît Concedieu. "Bien connu dans le domaine de l'assainissement où ils ont de très bons retours en termes de qualité et de pose, ce type de tuyaux est encore peu utilisé pour l'eau potable", ajoute le responsable d'exploitation. "Couramment utilisés pour l'eau potable dans d'autres pays, les tuyaux HOBAS n'ont en effet récupéré l'attestation de conformité sanitaire (ACS) qu'en 2011 en France pour des raisons administratives, complète Gilles Gassine, l'Ingénieur d'Affaires d'HOBAS qui suit ce chantier.
Autre atout important de ces tuyaux : leur faible poids, seulement 11 kg par mètre. "Cette légèreté facilite la cadence de pose : on gagne environ dix mètres par jour avec une cadence moyenne de pose de 150 mètres linéaires par jour soit 1,5 km par mois", indique Gaël Le Clech chez Travaux Publics Le Clech (TPL), l'entreprise exécutrice des travaux. "Toutes les pièces de fontainerie en fonte se montent sur les tuyaux HOBAS sans besoin de pièces particulières pour d'éventuelles réparations : c'est aussi un point déterminant qui a joué dans le choix de notre Syndicat", complète Pierre Hospital qui précise aussi qu'HOBAS est venue dispenser une formation d'une journée entière à la société TPL.
Fabriqués dans son usine en Allemagne, ces tuyaux en PRV centrifugé font 6 mètres de long, pour 9 mm d'épaisseur et un diamètre nominal (DN) de 250 mm. Dotés d'une rigidité nominale (SN) de 10 000 N/m², ils peuvent supporter une pression de service nominale (PN) de 16 bar (PEA - Pression d'Epreuve Admissible - sur chantier de 24 bar).
Des contraintes techniques et environnementales
"La fibre de verre, la résine et les matières minérales empêchent toute corrosion interne mais aussi externe par courants vagabonds, sols pollués ou agressifs", explique Gilles Gassine. Schématiquement, la structure de ces tuyaux empile différentes couches à la composition variée. Composée de résine et de matières minérales, la couche extérieure est protectrice, notamment contre les ultra-violets (UV). En dessous, on trouve une concentration plus importante de fibre de verre assurant une bonne résistance mécanique à l'écrasement.
Principalement chargé de matières minérales nobles (sable, carbonate de calcium...), le corps central permet une bonne résistance longitudinale. On retrouve de la fibre de verre dans la quatrième couche pour résister à la pression intérieure. "Enfin, au contact de l'eau potable, on trouve une couche interne de finition (liner) en résine pure à base d'époxy (titulaire de l'attestation de conformité sanitaire), avec une surface extrêmement lisse et un coefficient hydraulique de 0,01 » précise Gilles Gassine. L'assemblage se fait avec des manchons FWC.
Au total, « seulement soixante coudes seront nécessaires pour les changements de direction sur l'ensemble du tracé. En effet, une fois emboités, il est possible de prendre 3° de déviation angulaire sur le manchon, ce qui permet de prendre maintes courbes sans recourir à ces pièces spéciales. Ainsi la capacité hydraulique de la canalisation se voit améliorée, les coudes générant d'importantes pertes de charges néfastes au bon fonctionnement », précise de représentant de HOBAS. Et Benoit Concedieu de compléter : "c'est aussi plus intéressant à la pose car cela réduit le besoin de butées en béton."
Le long du tracé qui traverse plusieurs communes, la nouvelle canalisation en tuyaux et raccord HOBAS rencontre trois routes départementales et un cours d'eau. Ces divers obstacles ont nécessité des forages dirigés (sans tranchée) pour introduire des fourreaux en acier (diamètre 420) destinés à recevoir les canalisations en PRV posées à 1,20 mètre (en PE sous la rivière). "Cette technique réduit les nuisances sonores et les vibrations, elle ne perturbe pas les axes de circulation et n'endommage pas le réseau existant, explique Gaël Le Clech.
Elle limite aussi les risques de pollution accidentelle de masses d'eau et évite tout risque de modification du régime hydraulique du cours d'eau. Mais le chantier doit gérer d'autres contraintes. Au niveau technique tout d'abord, avec un dénivelé important sur une partie du tracé. Au niveau environnemental ensuite, car il a fallu veiller à la préservation du milieu aquatique, le système hydrologique du cours d'eau à franchir étant particulièrement sensible du fait du caractère karstique de la vallée et de la position perchée par rapport à la vallée.
De plus, le tracé intercepte sur 500 mètres la Forêt d'Evreux, une zone naturelle à enjeux faunistique et floristique de type II. Enfin, l'entreprise exécutrice des travaux ne doit pas aggraver le caractère inondable de la zone, et tenir compte de vestiges archéologiques. Cependant, ces contraintes n'ont pas retardé les travaux qui devraient être achevés pour septembre 2015, comme prévu.
Jean-Philippe Braly