Une information officielle déficiente, des évaluations et des données inquiétantes : le dispositif français d'analyse de la qualité des eaux superficielles et souterraines ne serait pas pertinent et ne reflèterait pas l'état réel des eaux brutes en France selon le WWF.
« L?état des eaux : derrière une information officielle déficiente, des évaluations et des données inquiétantes » est la synthèse de 36 pages d'une enquête commanditée par le WWF France sur l'état réel des eaux et des données sur l'eau en France.
Une première partie, assez brève, met en cause la pertinence du dispositif français d'analyse de la qualité des eaux en pointant trois anomalies : l'insuffisance du nombre de substances toxiques recherchées, des protocoles de mesure inadaptés notamment pour les micropolluants chimiques et des méthodes d'analyse des données impropres à décrire l'état réel des eaux superficielles et souterraines.
Pour le WWF, la France a privilégié une approche minimaliste de ses obligations réglementaires au dépend d'une approche patrimoniale qui seule permettrait de connaître l'état réel de la ressource.
Un exemple ? « La Directive Cadre sur l'Eau laisse la liberté aux Etats membres de choisir la liste des substances dangereuses surveillées. Sur ce point, la France a constamment minoré le nombre des substances recherchées tels les pesticides, indique le WWF. Or la pertinence d'une évaluation de la qualité des eaux se mesure à sa capacité à refléter la réalité ».
Selon cette étude, le dispositif français n?est pas en mesure de décrire l'état chimique et la toxicité réels des eaux et des sédiments. « Quand on évacue la prise en compte de la majorité des substances toxiques, en particulier les micropolluants émergents, quand on néglige l'impact des faibles doses de substances dangereuses sur le long terme, quand on évacue la prise en compte des cocktails de substances, quand on se contente de moyennes avec de surcroît trop peu de mesures, quand on mesure avec des limites de quantification trop élevées, etc., on biaise systématiquement les évaluations » souligne Cyrille Deshayes, responsable du pôle eaux douces du WWF France.
Les protocoles de mesure de la qualité de l'eau, entachés de nombreux biais, conduiraient donc à sous estimer l'ampleur de la pollution des rivières et des nappes souterraines.
Pour Hélène Roche, présidente du Comité Scientifique du WWF France, spécialiste au CNRS de l'évaluation des effets des substances chimiques dans les écosystèmes aquatiques, « on va ainsi pouvoir officiellement déclarer que certaines rivières sont « en bon état chimique » alors qu'elles sont contaminées par des substances dont les protocoles de mesures sont mal codifiés ou par des molécules qui ne sont tout simplement pas prises en compte ? les PCB par exemple. Les rivières seraient donc officiellement en bon état alors qu'une contamination importante menace les espèces aquatiques et la biodiversité ».
Sur la base d'une exploitation des données publiques de 2007 et en établissant des cartes de contamination, le WWF France fait apparaitre sur un site internet rassemblant données, analyses et cartes (http://www.eau-evolution.fr) un état fortement dégradé et généralisé des cours d'eau et des nappes souterraines « ce qui est d'autant plus inquiétant puisque les données analysées sont elles-mêmes en deçà de la réalité » selon le WWF.
Face aux interrogations que soulève cette enquête, le WWF demande donc la révision des protocoles de surveillance des eaux et appelle à la création d'un Observatoire indépendant de la qualité de l'eau sur le modèle du CNIID dans le domaine des déchets ou de la CRIIRAD dans le nucléaire.
Le rapport du WWF est téléchargeable à l'adresse : http://wwf.fr/media/documents/l-etat-des-eaux-derriere-une-information-officielle-deficiente-des-evaluations-et-des-donnees-inquietantes