L?eau : l'affaire de tous ? A défaut d'engager la lutte contre les nitrates, le ministre de l'écologie et du développement durable a choisi de partir en guerre contre les phosphates. Serge Lepeltier a annoncé le 21 mars dernier, veille de la journée mondiale de l'eau, le retrait total des phosphates encore contenus dans les lessives utilisées par les particuliers pour le 1er janvier 2007. Les phosphates, qui ont la propriété de neutraliser l'action du calcaire, sont ajoutés aux détergents pour adoucir l'eau et rendre le lavage plus efficace. Mais ils sont, avec les nitrates, directement à l'origine des phénomènes d'eutrophisation et, par exemple, des fameuses marées vertes qui polluent désormais une bonne partie du littoral breton. On se félicitera donc de cette mesure, bien que son impact environnemental soit des plus limités : le volume des phosphates contenus dans les lessives domestiques ne constituent qu'une petite partie des quantités totales rejetées dans les eaux usées. Selon l'Association française des industriels de la détergence, seuls 4% des lessives utilisées par le grand public, soit 10.000 tonnes par an, contiennent encore des phosphates. Bien peu de chose donc, comparé au 720.000 tonnes d'engrais phosphatés épandus chaque année, sans que le projet de loi sur l'eau ne prévoit autre chose que quelques mesures d'ordre cosmétique, comme la mise en place de bandes enherbées le long des cours d'eau. Pour autant, et quel que soit l'impact réel de ce type de mesures sur l'environnement, il ne faut pas négliger leur importance. Car elles présentent l'intérêt de sensibiliser, d'associer et d'impliquer le grand public dans une démarche de préservation puis de reconquête de la qualité de l'eau. Ce n?est d'ailleurs pas un hasard si le ministre de l'écologie a annoncé le même jour, le lancement d'une consultation nationale sur les grands enjeux de l'eau. Cette consultation, qui doit se dérouler sur 6 mois, de mai à novembre 2005, doit permettre de définir les actions concrètes qui seront mises en ?uvre pour atteindre les objectifs de gestion de l'eau dans chaque bassin. Des questionnaires, prévus à cet effet, seront disponibles dans les préfectures et sous-préfectures, ainsi que dans les agences de l'eau et sur leurs sites Internet. Le bassin Rhin-Meuse bénéficiera à titre expérimental d'un régime plus favorable, puisque chaque foyer recevra par courrier sa plaquette d'information et son questionnaire. Expressément prévue par la directive cadre sur l'eau qui voit dans l'implication du public un gage de réussite pour atteindre le bon état écologique des eaux, cette consultation sera précédée d'une campagne nationale de sensibilisation à la télévision et sur Internet. Les moyens engagés - 2 millions d'euros au total - sont-ils suffisants pour mobiliser le public et l'inciter à se procurer puis remplir le fameux questionnaire ? Il est permis d'en douter. Et de regretter que des moyens plus en rapport avec les formidables enjeux liés à la gestion de l'eau n?aient pas été débloqués. Pour que l'eau soit vraiment l'affaire de tous.