Si rien ne change, la planète devra faire face à un déficit global en eau de 40% d'ici 2030.
Le rapport, intitulé « L'eau pour un monde durable » , publié le 20 mars dernier insiste sur l'urgence qu'il y a à changer nos modes d'utilisation et de gestion de cette ressource à la veille de l'adoption par les Nations Unies des nouveaux Objectifs de développement durable. Car quoique indispensable à la croissance économique et la lutte contre la pauvreté, l'eau est directement affectée par le développement économique.
Pour résoudre cette équation, il faut tendre vers un équilibre entre la demande et l'approvisionnement en eau. Or, nous en sommes loin. Malgré les progrès réalisés au cours des dernières années, 748 millions de personnes sont toujours privées d'accès à une source d'eau améliorée. Premiers concernés : les pauvres, les populations marginalisées et les femmes.
Une pression croissanteDans le même temps, la planète n'a jamais eu aussi soif. Pour répondre aux besoins d'une population toujours plus nombreuse, les secteurs agricole et énergétique doivent produire toujours davantage. D'ici 2050, l'agriculture, le secteur le plus gourmand en eau, devra produire 60% de nourriture supplémentaire au niveau mondial, 100% dans les pays en développement. La demande en biens manufacturés est elle aussi orientée à la hausse, ce qui accroît encore la pression sur les ressources en eau. Entre 2000 et 2050, il est prévu que la demande mondiale en eau de l'industrie augmente de 400%.
Mais alors que la demande s'envole ? elle devrait augmenter de 55% d'ici 2050- et que 20% des eaux souterraines dans le monde sont déjà surexploitées, l'eau continue de ne pas être gérée de manière durable. L'irrigation intensive des cultures, le rejet incontrôlé de pesticides et de produits chimiques dans les cours d'eau ou l'absence de traitement des eaux usées qui caractérise 90% des eaux usées des pays en développement- en témoignent. Le coût environnemental de ces pratiques est lourd.
Il se traduit notamment par une pollution des eaux à grande échelle. Dans la Plaine du nord de la Chine, l'irrigation intensive a provoqué une baisse de plus 40 mètres de la nappe phréatique. Le coût environnemental se mesure également à la dégradation, parfois irréversible, de nombreux écosystèmes, notamment les zones humides ou les écosystèmes côtiers. Le changement climatique devrait encore accentuer cette pression croissante sur les ressources en eau ce qui risque de se traduire, d'après les auteurs du rapport, par une compétition de plus en plus forte entre les secteurs mais aussi entre les régions et les pays. Il faut donc changer la façon dont nous évaluons, gérons et utilisons cette ressource, insiste le rapport qui pointe les défaillances dans la gouvernance de l'eau.
Payée bien souvent à un prix inférieur à sa valeur réelle, l'eau est aussi rarement prise en compte dans les décisions relatives à l'énergie ou l'industrie. D'une manière générale, les décisions qui déterminent en grande partie l'utilisation de l'eau sont le plus souvent entre les mains d'un nombre limité d'acteurs publics, parapublics et privés et obéissent à une logique déterminée par le court terme plus que par les considérations environnementales.
Intégrer les considérations environnementales dans la prise de décisionLe rapport insiste sur le rôle des pouvoirs publics pour peser sur les choix stratégiques déterminants pour la pérennité des ressources en eau. Il préconise notamment de limiter la construction et l'utilisation des centrales thermiques qui assurent aujourd'hui 80% de la production d'électricité et sont très gourmandes en eau. La transition vers des modèles de production plus durables a un coût mais le rapport souligne le cercle vertueux de tels investissements.
Les efforts déployés par certains pays montrent par ailleurs qu'une meilleure gouvernance et une utilisation plus scrupuleuse de l'eau sont possibles, y compris dans les pays en développement. L?Autorité d'approvisionnement en eau de Phnom Penh, au Cambodge, en offre une illustration éclairante. Cet organisme au bord de la faillite et corrompu est devenu en l'espace d'une vingtaine d'années l'un des services d'approvisionnement parmi les plus performants au monde. Il a réduit les déperditions d'eau de 60% en 1998 à 6% en 2008, soit un niveau comparable aux services d'approvisionnement de Singapour.
Alors que les Nations Unies s'apprêtent à adopter les futurs Objectifs du développement durable à l'horizon 2030, le rapport insiste sur la nécessité de consacrer un objectif à part entière à l'eau. Il plaide aussi pour que l'accent ne soit pas mis seulement sur l'accès à l'eau et l'assainissement, comme c'était le cas des Objectifs du millénaire pour le développement mais prennent aussi en compte les questions de gouvernance, de qualité de l'eau, de gestion des eaux usées et de prévention des catastrophes naturelles. L?ONU-Eau a formulé une proposition en ce sens. Les Objectifs du développement durable seront adoptés à l'automne 2015 lors de l'Assemblée générale des Nations Unies.
Le rapport est accessible à l'adresse : http://www.unesco.org/new/en/natural-sciences/environment/water/wwap/for-the-media/