Les sites du Raz Blanchard au large du Cotentin et de Sound of Islay en Écosse vont accueillir en 2016 des hydroliennes de 18 mètres de diamètre, d'une puissance de 1 MW, immergées à plus d'une trentaine de mètres de profondeur. Ces hydroliennes doivent fonctionner pendant près de deux ans sans intervention humaine dans un milieu marin hostile. Ce qui suppose un niveau de fiabilité très élevé et notamment du joint de palier, une pièce critique? Alstom Océan, SKF Economos et le Cetim ont travaillé de concert sur la qualification d'un joint d'hydrolienne à toute épreuve.
Une hydrolienne produit de l'électricité en utilisant l'énergie des courants marins, qui changent de sens toutes les six heures en fonction de la marée montante puis descendante, après une courte période d'étale. L?énergie produite est donc plus ou moins forte suivant le coefficient de marée, mais parfaitement prévisible, ce qui n?est pas le cas de la force du vent.
Par ailleurs, la densité de l'eau est 850 fois plus élevée que l'air d'où une force de propulsion plus importante. Enfin, et ce n?est pas le moindre des avantages, cette énergie est inépuisable et totalement non polluante, pas même visuellement.
En Europe, le potentiel hydrolien théoriquement exploitable atteint 15 GW, de quoi théoriquement répondre aux besoins d'un pays comme la Suisse qui compte 8 millions d'habitants. 60 % de ce potentiel se situe au Royaume-Uni et 20 % en France.
Dans l'Hexagone, un site retient l'attention : le Raz Blanchard. Là, entre la pointe ouest du cap de la Hague et l'île anglo-normande d'Aurigny, se trouve l'un des courants de marée les plus puissants d'Europe. Sa vitesse peut atteindre 5 à 6 mètres par seconde et son potentiel est estimé entre 2 à 3 gigawatts.
Un niveau de fiabilité très élevé
La nacelle, qui comprend les organes clés (générateur, convertisseur, réducteur, rotor et ses pales), est fixée sur une tour. L?ensemble repose sur des fondations au fond de la mer. La nacelle peut être déconnectée de la tour pour être récupérée en surface et tractée au port pour les opérations de maintenance.
L?énergie est envoyée à terre par câble sous-marin. Principale contrainte : la machine fonctionne dans un environnement marin très hostile. Elle doit résister à la corrosion, au sel, à la pression due à l'immersion, aux courants, à la houle, sans parler des tempêtes. Et ce, sans intervention humaine pendant un à deux ans. Ce qui nécessite un haut niveau de fiabilité.
« C?est justement la fiabilité que nous cherchons à améliorer pour concevoir des produits encore plus robustes et plus industriels. Des essais sont en cours sur un démonstrateur en Écosse au centre européen de l'énergie marine. Car, à l'avenir, ces machines pourraient être immergées plus profondément donc soumises à des pressions encore plus importantes », souligne Thomas Robic, Alstom Océan.
Parmi les pièces critiques testées, le joint de paliers d'un mètre de diamètre joue un rôle essentiel. C?est lui qui assure l'étanchéité entre l'arbre qui tourne et la structure fixe. En cas de rupture ou de fuite, la nacelle peut être inondée et le lubrifiant perdu. Non seulement la production est alors interrompue, mais il faut intervenir en mer, ce qui n?est jamais simple et toujours coûteux.
Pour les joints, Alstom Océan s'est tourné vers SKF Economos qui propose des joints de grande taille. Restait cependant à les qualifier. « Pour lever nos incertitudes sur la fiabilité de leurs joints, SKF Economos nous a orientés vers le Cetim », indique Thomas Robic.
Reproduire les variations de pression
Le Cetim et ces deux partenaires ont alors développé un banc d'essai capable de simuler un montage de joint de grand diamètre et de reproduire les conditions réelles d'exploitation, notamment les variations de pression liées à la houle, avec d'un côté de l'eau, de l'autre du lubrifiant.
« Deux de nos joints ont subi des essais d'endurance, de rotation inverse, de désalignement, de survitesse et de variation de pression », indique Pascal Mandou, Business Leader chez SKF Economos France. À l'analyse des données de couple et de vitesse de rotation, de pression du fluide appliquée sur le joint, de température et de consommation (pour contrôler les fuites) s'ajoute un contrôle visuel de l'état des joints pour vérifier leur usure ou relever des endommagements.
« Ces essais ont permis de vérifier la tenue des joints, dans les conditions les plus représentatives, sur un banc unique en France, note Antoine Cibron du Cetim. Ils ont par ailleurs inclus la validation du système de compensation de pression qui permet de maintenir un différentiel de pression entre la zone en huile et la zone en eau, critique pour le système en immersion. »
Unique en France, le banc d'essai du Cetim à Nantes permet de tester des joints de grande taille (1 mètre de diamètre) avec une instrumentation dédiée mise en ?uvre par les experts du Centre.