On le savait : l'essentiel des effets des changements climatiques entrainent une modification des cycles hydrologiques et passent donc nécessairement par l'eau : sécheresses, crues, inondations' La plupart des dérèglements climatiques trouvent donc une traduction directe sur le grand comme sur le petit cycle de l'eau.
Ce que l'on savait moins, en revanche, c'est à quel point le régime de nos grands fleuves européens, parmi lesquels le Rhône, le Rhin, le Danube, l'Ebre, le Pô et bien d'autres encore, est en train de se modifier.
Depuis la tenue des Etats généraux de l'eau en montagne qui se sont déroulés en septembre dernier à Megève simultanément avec la 8ème conférence du groupe « EURO-RIOB » des Organismes de Bassin européens pour l'application de la Directive-Cadre sur l'Eau (voir à ce sujet page 10), on ne peut plus l'ignorer : du fait de la conjonction de plusieurs phénomènes, dont la diminution de l'enneigement et la fonte des glaciers, les régimes hydrauliques de tous les grands fleuves européens venant des montagnes sont en train de se modifier et à un rythme rapide.
Ainsi, si les phénomènes observés aujourd'hui se poursuivaient à ce rythme (donc sans s'accélérer ce que suggèrent pourtant certains modèles), on observerait d'ici 2100, en plaine, une augmentation de 20% des débits en hiver, mais une réduction de 17% au printemps et de 55% des débits en été avec, comme conséquences, une augmentation de la fréquence et de l'intensité des inondations en automne, en hiver et au printemps, des sécheresses en été, avec l'apparition de phénomènes tels que de fortes érosions, des glissements de terrains, de gros charriages de sédiments, une dégradation de la qualité des rivières, une augmentation de la température de l'eau ?etc.
Car les montagnes apportent aujourd'hui une contribution essentielle aux débits des grands fleuves européens : 34% du débit annuel total du Rhin, 41% de celui du Rhône et 53% du débit du Pô. Elles sont les châteaux d'eau de l'Europe comme partout ailleurs dans le monde.
Mais ces châteaux d'eau sont directement menacés car les effets des changements climatiques sont amplifiés en montagne. Un seul exemple : la température moyenne des Alpes a augmenté en un siècle de plus du double du réchauffement terrestre global, soit de + 1,5°C à 2°C alors que celle de la Terre s'est élevée en moyenne de +0,74 à + 0, 81 °C et celle de l'Europe de +1,2°C.
Les conséquences de cet état de fait sont prévisibles : la production hydroélectrique pourrait diminuer, le refroidissement des centrales thermiques et nucléaires en plaine sera plus difficile, la navigation fluviale devra s'adapter à des tirants d'eau moindres et d'une manière plus générale la compétition entre les usages de l'eau se fera bien plus vive.
D?où l'importance d'identifier rapidement les conséquences de ces changements pour mettre en place dès maintenant les programmes d'actions indispensables pour les anticiper et s'y adapter.
Certains Etats membres et l'Union européenne elle-même y travaillent. Mais l'urgence est là et sur le terrain, l'heure n?est plus à l'attentisme : il faut rapidement redéfinir les contours d'une gestion de l'eau en montagne en prenant en compte tous les besoins (populations, agriculture, industries, tourisme) des piémonts comme des plaines en aval pour arriver à une vision globale de l'ensemble des usages. Puis, et ce ne sera pas forcément le plus simple, définir les bases de nouveaux équilibres fondés sur l'équité et les principes de solidarité amont-aval'