Comap vient de réaliser ses premières analyses pour valider son procédé d'oxydation avancée dans le traitement des micropolluants en station d'épuration. Ce dernier est testé actuellement à la station de Vercia, dans le Jura. C?est bien la première fois en France que cette solution est mise en place sur une station de cette taille. Les premiers résultats sont plus que prometteurs. Grâce à sa mise en ?uvre facile et un coût global faible (moins de 20 euros par an et par habitant), la technologie pourrait intéresser les stations d'épuration de petites et moyennes tailles. Elle pourrait aussi s'appliquer à d'autres secteurs, tels que le traitement des effluents industriels, les rejets des hôpitaux et maisons de retraite, et peut-être même le recyclage des eaux usées.
Les micropolluants sont des substances organiques ou minérales qui peuvent êtres néfastes pour les organismes vivants et l'environnement à des concentrations infimes en raison de leur toxicité, leur persistance et leur bioaccumulation. Ces substances, qui comprennent entre autres les biocides, produits pharmaceutiques, produits industriels ou résidus d'hormones, se retrouvent dans les eaux usées traitées par les stations d'épuration.
Or ces dernières n?ont pas été conçues pour les traiter, et à l'heure actuelle, la règlementation ne leur impose pas.
Cette situation est susceptible de changer à l'avenir et des réflexions sont en cours sur le sujet au niveau européen. La liste des substances prioritaires dans le domaine de l'eau, qui comportait initialement seulement 10 polluants à surveiller s'est désormais enrichie et comporte à ce jour 45 substances, donc 21 identifiées comme « substances dangereuses ». 10 autres substances sont placées sur une liste de vigilance dont 3 hormones (E1, E2 et EE2) et un anti-inflammatoire (le diclofénac).
La directive cadre sur l'eau (DCE) impose la réduction progressive des rejets de ces substances, allant jusqu'à leur suppression d'ici 2021.
Différentes technologies existent qui permettent de traiter ces micropolluants : la nano-filtration et l'osmose inverse, l'adsorption sur charbon actif, et certains procédés d'oxydation avancée. La DCE a également fixé comme objectif un « bon état » écologique et chimique des masses d'eau, même s'il existe à ce jour qu'une simple prescription de surveillance des rejets (circulaire du Ministère de l'écologie du 29 septembre 2010).
Un procédé d'oxydation avancée : UVc + H2O2
Comap Water Treatment (WT) a développé un important dispositif de recherche basé sur un procédé d'oxydation avancée : UVc + peroxyde d'hydrogène (UV/H202), qui combine un traitement par rayons ultraviolets (pour la désinfection) et le peroxyde d'hydrogène (ou eau oxygénée). Le traitement par UVc, aujourd'hui très répandu en désinfection des eaux, est une technologie qui a fait ses preuves. Des radiations UVc détruisent les micro-organismes présents dans l'eau, sans pour autant modifier ses propriétés physico-chimiques. Au contact des UV, le H2O2 produit des radicaux hydroxyles OH très réactifs qui oxydent les polluants organiques de façon non spécifique. L?H2O2 non activé pendant le procédé se décompose naturellement en eau et oxygène ce qui ne génère aucun produit toxique pour l'environnent. Par ailleurs, le procédé n?exige pas de surveillance quotidienne ni de maintenance onéreuse.
Cette solution concerne spécifiquement les stations d'épuration de petites ou moyennes tailles (moins de 10 000 EH). Elle est d'autant plus intéressante que peu de technologies sont adaptées à des stations d'épuration de ces tailles, qui représentent toute de même 90% des installations en France. Dans le cadre de ce projet, COMAP WT s'est notamment focalisé sur les perturbateurs endocriniens, des molécules particulièrement problématiques pour l'homme et l'environnement.
Ce projet est mené par Bruno Cedat, doctorant à l'Institut National des Sciences Applique (INSA) à Lyon, en partenariat avec SCIRPE, une société qui conçoit et réalise des unités de traitement des eaux usées en zone rurale. Le Laboratoire Déchets Eaux Environnement Pollutions (DEEP) est également partie prenante au projet.
Le projet a commencé par le développement d'un pilote UV/H2O2 en laboratoire pour tester l'efficacité du procédé sur les molécules oestrogéniques, notamment les hormones estrone (E1), estradiol (E2) et l'estriol (EE2). Les anti-inflammatoires naproxène, diclofénac et ibuprofène ont également été testés. L?équipe a, par ailleurs, pris soin de suivre la production de sous-produits de dégradation (ou « molécules filles ») générés par le procédé grâce aux tests biologiques tels que YES et Microtox, qui ont permis de confirmer l'absence d'effet oestrogénique ou hautement toxique des sous-produits.
Le choix de la station d'épuration de Vercia
La deuxième étape du projet a consisté à développer un prototype et à le proposer au Syndicat intercommunal des eaux et assainissement (SIEA) de Beaufort-Ste-Agnès dans le Jura. Le prototype a été installé en janvier 2016 et est actuellement en phase de test à échelle réelle (10 m3/h) sur la station d'épuration de Vercia, qui repose sur des filtres plantés de roseaux. Ce projet est une première en France pour une structure de cette taille.
Vercia a été choisi par COMAP dans un premier temps pour ses équipements, comme des préleveurs automatiques et des débitmètres, déjà présents sur place et qui ont largement facilité la mise en place de prélèvements et d'analyses pendant toute la durée du projet. Cette station avait déjà réalisé un suivi sur l'élimination de phosphore et de l'azote dans le cadre de projets de recherches antérieures (Procédé AZOE-NP de la société SCIRPE).
Les premiers résultats enregistrés en laboratoire puis sur le terrain sont très prometteurs, avec un taux d'abattement allant jusqu'à plus de 90% pour certaines molécules testées, notamment les hormones E1, E2 et EE2 et le diclofénac (figure 1 et 2) à des doses UV de moins de 1000 mJ/cm². Pour les molécules telles que l'ibuprofène et le naproxène, la combinaison de l'UV et d'H2O2 a considérablement amélioré le traitement par rapport à la photolyse UV seule. L?efficacité du procédé sera testée ce printemps 2016 sur une trentaine de molécules en tout, dont certaines figurent sur une liste de vigilance établie au niveau européen. Le traitement permet également d'éliminer la quasi-totalité des bactéries (taux d'abattement de plus de 99%).
Une solution simple et peu onéreuse
Cette technologie, pourrait, à terme, être une bonne réponse pour traiter des micropolluants dans des stations d'épuration de petites et moyennes tailles, de par sa simplicité de mise en ?uvre et son coût raisonnable. Le surcoût engendré est, en effet, estimé à environ 0,21 euro du mètre cube d'eau traité (en prenant en compte l'investissement de départ et les coûts d'exploitation). Dans le cas de la station de Vercia elle-même, cela représenterait concrètement un surcoût de 20 euros maximum par habitant et par an, pour l'investissement (amorti sur 8 ans) et le fonctionnement. Ce calcul a été réalisé sur la base de la capacité de Vercia (1 100 EH), du coût du prototype et d'un débit maximum de 10 m3/h).
Bruno Cedat et ses collègues sont en train d'optimiser le procédé pour encore réduire ce coût, en ajustant, en particulier, la concentration en H202 et la dose UV en fonction du débit, de la qualité de l'eau et des molécules à traiter. « Nous ciblons actuellement certaines hormones et résidus médicamenteux », explique Bruno Cedat. « Or certaines molécules sont bien dégradées au contact d'une forte dose d'UV alors que d'autres sont plus réfractaires et nécessitent l'ajout de peroxyde d'hydrogène. Notre objectif est de trouver le meilleur compromis pour que ce procédé soit le moins coûteux possible, tout en garantissant des taux d'abattement importants ».
Au-delà des stations d'épuration de petites et moyennes tailles, la technologie développée par Comap pourrait être adaptée à d'autres secteurs, tels que les effluents industriels ou des établissements hospitaliers.