La Cour des comptes n?est pas seulement le censeur implacable et sourcilleux du mauvais usage des deniers publics... Il lui arrive également de délivrer des satisfecits « lorsque des progrès tangibles ou des avancées prometteuses » sont constatés, comme l'a précisé Didier Migaud, son premier président.
Parmi les bons élèves récompensés dans le cadre de son rapport annuel rendu public le 17 février dernier, les services publics d'eau et d'assainissement.
On se souvient qu'en 2003 la Cour avait déploré l'absence de transparence du prix de l'eau, l'ignorance par les collectivités locales de la qualité du service rendu à l'usager et, en cas de délégation, la méconnaissance des marges des entreprises délégataires de services publics.
Sept ans plus tard, la Cour se félicite que les évolutions constatées correspondent, dans une large mesure, aux recommandations formulées en 2003.
Les apports de la loi du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques (LEMA) ont permis de progresser assez rapidement sur plusieurs points en favorisant une plus grande transparence du prix de l'eau, une amélioration de la qualité du service rendu, un renforcement des obligations du délégataire et une amélioration globale des procédures budgétaires et comptables.
Quoique plus récentes et plus laborieuses, d'autres avancées sont également relevées par la Cour.
Parmi celles-ci, la réduction de la durée des contrats de délégation, qui se situe désormais aux alentours de 12 ans, et l'amélioration de leurs conditions de négociation par des collectivités « mieux préparées », qui recourent plus souvent aux services de sociétés de conseil et d'audit.
Faisant preuve d'une inhabituelle bienveillance, la Cour remarque également que le contrôle de la performance des services, mis en place par l'Onema via le système d'information sur les services publics d'eau et d'assainissement (SISPEA), progresse : « il est de fait que les collectivités qui réalisent un pilotage des services à l'aide d'indicateurs de performances ont effectivement amélioré la qualité du service » se félicitent ainsi les Sages qui se reprennent aussitôt en constatant que le dispositif, « encore en rodage », est basé sur des données fragmentaires, parfois incohérentes, qui ne concernaient en septembre 2010 que 53 % de la population?
La Cour des comptes note également que certaines insuffisances relevées dans le rapport public de 2003 perdurent.
Parmi celles-ci, le nombre jugé toujours élevé, sans équivalent en Europe, de services chargés de l'eau et de l'assainissement (près de 35.000) que le renforcement de l'intercommunalité devrait permettre de réduire malgré la persistance de freins au développement de la coopération intercommunale. Car « Seule la réduction drastique du nombre de structures permettra d'améliorer la gestion et de rééquilibrer les rapports entre les collectivités et les délégataires de service public » soulignent les Sages qui prônent un nécessaire regroupement des services publics pour réaliser des économies d'échelle, améliorer leurs capacités de pilotage et pallier au désengagement de l'Etat des missions d'ingénierie publique.
De fait, bon nombre de services avaient pour habitude de se faire assister par les services de l'Etat, notamment par les anciennes DDAF et les DDE, devenues aujourd'hui les directions départementales des territoires (DDT). Ces prestations d'ingénierie publique concernaient de la maîtrise d'ouvrage, des études ou de la maîtrise d'?uvre mais aussi dans certains cas une activité de contrôle des délégataires. Problème : depuis 2008, les conseils de modernisation des politiques publiques ont prévu, à de rares exceptions, un arrêt total des prestations d'ingénierie publique au plus tard à la fin de l'année 2011.
Pour les magistrats de la Cour des comptes, ceci ne fait que renforcer la nécessité et même l'urgence, pour les collectivités, de mutualiser leurs moyens et leurs compétences au sein de structures intercommunales pertinentes et techniquement aptes à exercer pleinement leurs compétences dans le domaine de l'eau et de l'assainissement.