Nitrates : la France dans la nasse?. Trop peu et trop tard. Les mesures proposées en catastrophe au mois de février dernier pour tenter d'éviter les foudres de Bruxelles n?ont pas suffit. Mais elles ont permis d'obtenir un sursis. La Commission européenne a annoncé le 21 mars dernier son intention de faire condamner la France à une amende d'au moins 28 millions d'euros pour violation des normes de qualité des eaux en Bretagne assortie d'une astreinte de 117.882 euros par jour d'infraction. On se souvient que la France avait déjà fait l'objet d'une condamnation en 2001 pour violation de la législation européenne. A l'époque, la Cour de justice européenne avait constaté que les eaux de plusieurs dizaines de bassins bretons contenaient un taux de nitrates supérieur à 50 mg/l, limite autorisée pour les eaux de surfaces destinées à la consommation humaine. Depuis, la situation s'est légèrement améliorée et le contentieux a été abandonné sur 22 captages devenus conformes. 6 captages supplémentaires ont rejoint le peloton en 2006. Mais 9 des 110 captages bretons se situent toujours au dessus de la norme. Ce sont eux qui valent à la France d'être ainsi épinglée. Pour essayer de l'éviter, le gouvernement a bien tenté, au grand dam du monde agricole, de proposer au mois de février dernier un ensemble de mesures immédiates et renforcées sur les 9 bassins versants posant problème : limitation des apports azotés, réduction du cheptel et fermeture de certains captages non conformes. Ces mesures n?ont pas suffit à dissuader la Commission européenne d'intervenir. Mais leur annonce a tout de même permis d'obtenir un sursis d'exécution, ce qui, en ces temps d'élections, n?est pas tout à fait neutre. La Commission ne saisira donc pas immédiatement la Cour de justice européenne, le temps que soit examiné dans le détail le contenu de ces mesures. Mais outre le fait que ces rappels à l'ordre successifs nous placent parmi les plus mauvais élèves de l'Union européenne, cette décision reflète bien notre incapacité à maîtriser les problèmes de pollutions d'origine agricole. Faute d'avoir pu - ou voulu - inciter le monde agricole à prendre en compte la dimension environnementale de ses activités comme on l'avait fait en son temps et sans ménagements excessifs pour les industriels, la France n?a pas réussi à intégrer le monde agricole parmi les partenaires d'une gestion solidaire et partagée de l'eau. Si bien qu'aujourd'hui, une bonne moitié du territoire national est classée en zones vulnérables aux nitrates d'origine agricole. La décision de la Commission montre également clairement les limites d'une politique, ou plus exactement d'une stratégie, qui s'est trop souvent limitée à gagner du temps en reportant toujours au lendemain des mesures que nous sommes aujourd'hui contraints de prendre sous l'?il vigilant de Bruxelles d'un côté et du monde agricole de l'autre. Au surplus, cette stratégie ne nous dispensera pas longtemps d'élaborer enfin une vraie politique intégrant l'ensemble des usagers à la solidarité de bassin. Heureusement la directive cadre y concourt en imposant dans son article 9 de présenter d'ici 2010 un état de la récupération du coût des services liés à l'eau, y compris pour le secteur de l'agriculture. L?objectif est de mettre en lumière les éventuelles non récupération des coûts en débusquant les subventions croisées entre secteurs économiques et en identifiant les comportements néfastes à l'environnement, à l'économie et au social, pour les taxer, les réduire et qui sait, les supprimer.