C?était il y a 18 mois à peine, le 20 août 2009 très précisément : le premier ministre François Fillon, accompagné de Chantal Jouanno, Bruno Le Maire et Roselyne Bachelot, respectivement en charge de l'écologie, de l'agriculture et de la santé, parcouraient la plage de Saint-Michel-en-Grève pour constater de visu la réalité du problème des algues vertes en Bretagne.
Il avait fallu la mort d'un cheval et le malaise de son cavalier, intoxiqués quelques jours auparavant par des dégagements d'H2S émanant d'algues en décomposition et surtout la publication d'un rapport de l'Ineris prouvant leur toxicité pour la santé pour mettre fin à 40 ans d'inaction et pour que les plus hautes autorités de l'État prennent conscience que le problème, environnemental, concernait également la santé publique.
Contraint de se saisir du dossier, le gouvernement avait alors promis un plan « algues vertes » qui a finalement été dévoilé en Conseil des ministres le 3 février 2010. D'un montant de 134 millions d'euros sur cinq ans, ce plan, que Chantal Jouanno n?avait pas hésité à qualifier de « tournant », prévoyait de réduire les flux de nitrates sur le littoral, de modifier les pratiques agricoles, de mettre en place une traçabilité des flux d'azote et de renforcer les contrôles.
Un an plus tard, la douche froide prend la forme d'une publication au journal officiel du 18 janvier dernier d'un décret relatif au regroupement et à la modernisation de certaines installations classées d'élevage.
Ce texte, qui vise à harmoniser les seuils nationaux d'installations d'élevage avec les seuils européens, permet aux établissements d'élevages bovins, porcins ou de volailles, considérés comme installations classées, de bénéficier d'assouplissements lors de regroupements ou de modernisations.
Sans entrer dans le détail de ses nombreuses dispositions ni nier la nécessité de certains regroupements, on retiendra qu'il a notamment pour effet d'exonérer d'étude d'impact et d'enquête publique les regroupements et les modernisations d'élevages de bovins, porcs ou volailles déjà soumis à la réglementation des installations classées lorsqu'ils répondent à certaines conditions.
Et surtout, comme le souligne l'association « Eau et Rivières de Bretagne », il n'écarte pas la possibilité de procéder à la restructuration ou au regroupement d'élevages dans les zones déjà saturées comme les zones en excédent structurel (ZES) ou sur les bassins versants situés à proximité des baies sujettes à marées vertes.
Les conséquences de ce texte, signé contre l'avis du Conseil Supérieur de la Prévention des Risques Technologiques sont multiples.
Au plan environnemental, la concentration des élevages industriels va s'accélérer et avec elle les pollutions de l'eau, des sols et de l'air dans des zones déjà fortement impactées. Au plan social, il aggrave l'impact déjà lourd des pratiques agricoles sur l'environnement. Au plan européen, il constitue un signal désastreux alors que la France doit toujours faire face à un long contentieux à propos de la directive nitrates. Au plan politique enfin, il sape la crédibilité des politiques publiques mises en ?uvre sans oublier, au final, celle des autorités chargées de les définir.