Bien qu'aucune étude n?ait démontré, à ce jour, de risque sanitaire lié à la présence de résidus de médicaments dans l'eau, le ministère chargé de la santé a souhaité dresser un bilan sur la présence de ces substances dans les eaux destinées à la consommation humaine. Il a ainsi lancé en septembre 2009, en collaboration avec le laboratoire Anses d'hydrologie de Nancy, une campagne nationale de mesures de 45 substances pharmaceutiques d'origine humaine, vétérinaire ou de leurs métabolites. Les résultats de cette campagne viennent d'être publiés.
Le processus de sélection des sites de prélèvements a permis de couvrir près d'un quart de la population et l'ensemble des départements métropolitains et d'outre-mer. Les prélèvements ont été effectués sur des ressources utilisées pour la production d'eau destinée à la consommation humaine (eau de surface et eau souterraine) ainsi que sur des eaux traitées en sortie d'usine de potabilisation.
Des résultats qui démontreraient l'efficacité des filières de traitement
En ce qui concerne les eaux brutes, environ 285 échantillons ont été analysés, 2/3 des échantillons étant des eaux d'origine souterraine et 1/3 des eaux d'origine superficielle. Les eaux traitées correspondant à ces eaux brutes représentent en termes de débit d'eaux distribuées 24% de la population de l'ensemble du territoire national.
Sur la base du travail de hiérarchisation réalisé par l'Afssaps et l'Afssa en 2008, 45 molécules ont pu être recherchées dans le cadre de cette étude. Les principales classes pharmacologiques de médicaments y sont représentées.
Pour environ 75% des échantillons d'eau traitée qu'elles soient d'origine souterraine ou superficielle, aucune de ces 45 molécules n?a été quantifiée (hors caféine, un marqueur de l'activité humaine).
Pour les 25% d'échantillons positifs, les analyses révèlent généralement la présence simultanée d'une à quatre molécules.
Parmi les 45 molécules recherchées, 26 n?ont jamais été retrouvées. Dix-neuf ont été détectées au moins 1 fois, parmi lesquelles 5 étaient présentes à des concentrations trop faibles pour pouvoir être quantifiées.
Hormis la caféine, les molécules les plus fréquemment retrouvées sont la carbamazépine (anti-épileptique) et son principal métabolite ainsi que l'oxazépam (anxiolytique) qui est à la fois une molécule mère et un métabolite de benzodiazépines.
Plus de 90% des échantillons présentent une concentration maximale cumulée inférieure à 25 ng/L et moins de 5% des échantillons présentent une concentration maximale cumulée supérieure à 100 ng/L.
Dans les eaux brutes, on retrouve les trois mêmes molécules principales. Toutefois, un plus grand nombre de substances (30 vs 19) a pu être identifié à des concentrations parfois plus fortes que dans les eaux traitées. La valeur maximale retrouvée n?excède pas 450 ng/L et ne concerne qu'une seule substance. La comparaison eaux brutes/eaux traitées semble ainsi illustrer l'efficacité des filières de traitement. L'efficacité de ces différentes filières a été estimée à partir des échantillons présentant des teneurs cumulées en médicaments supérieures à 100 ng/L. Au total ces résultats concernent 78 couples eaux brutes/eaux traitées. Ces données doivent être interprétées avec prudence puisque la finalité de cette démarche n'était pas d'étudier spécifiquement l'efficacité des filières de traitement. Toutefois, les résultats mettent en évidence un relativement bon abattement obtenu par simple désinfection qui peut s'expliquer par la faible stabilité de certaines molécules en présence de chlore et/ou la transformation des molécules mères en produits de dégradation, une efficacité de l'ordre de 75 à 80 % pour les traitements de filtration et les traitements poussés et une efficacité médiocre des filières membranaires (ultrafiltration), mais qui doit être relativisée en raison de l'effectif très restreint de ce groupe (3 couples Eaux brutes-Eaux traitées).
L'efficacité d'élimination observée pour les différentes molécules ne semble pas mettre en évidence de différence notable selon les molécules.
Les résultats de cette étude montrent également que la carbamazépine pourrait constituer une molécule « témoin » attestant de la présence et de la persistance de médicaments dans l'eau.
Vers une évaluation des risques
En marge de la préparation de cette campagne, l'Anses et l'Afssaps ont été sollicitées par la Direction générale de la santé pour réaliser l'évaluation des risques sanitaires liés à la présence de résidus de médicaments dans les eaux destinées à la consommation humaine. Objectif : estimer la pertinence d'intégrer ou non certaines molécules dans le contrôle sanitaire des eaux. L?évaluation des risques sanitaires est complexe, notamment en raison des faibles concentrations rencontrées et des effets biologiques variables qu'il faudrait étudier. Les concentrations trouvées dans les eaux traitées sont 1 000 à 1 million de fois inférieures aux doses utilisées dans le cadre des doses thérapeutiques'
L?Anses et l'Afssaps travaillent à la définition d'une méthodologie générale pour l'évaluation de ces risques. Un premier volet relatif à l'évaluation de l'exposition hydrique a été publié en juin 2010. Les travaux se poursuivent et leur application est testée sur la carbamazépine, substance la plus fréquemment retrouvée. Une fois la méthodologie générale d'évaluation des risques consolidée, l'évaluation se poursuivra pour certaines molécules-type, quantifiées dans l'eau au cours de cette campagne, utilisées en médecine humaine et/ou vétérinaire.
L?évaluation du risque environnemental lié aux résidus de médicament est également conduite par les agences sanitaires lors de l'examen des demandes de mise sur le marché des médicaments aussi bien à usage humain que vétérinaire. Elle constitue à ce titre une première étape de réduction du risque.
Le plan de maîtrise des résidus de médicaments constitue la suite des travaux du Plan national santé environnement 1 et 2 parmi les risques émergents et, à un moindre degré, parmi les contaminants de l'eau. En effet, à ce titre, viennent en premier lieu les substances dangereuses connues, en particulier les HAP, nitrates et pesticides afin d'en limiter les apports dans le milieu aquatique et les sous-produits de désinfection dans la maîtrise de la qualité de l'eau distribuée.
Dans ce contexte, un plan interministériel d'actions sur les résidus de médicaments dans les eaux, co-piloté par les ministères chargés de l'environnement et de la santé, qui vise à réduire les rejets dans l'environnement devrait tenter de structurer la recherche dans ce domaine. Sa publication est prévue pour le 1er trimestre 2011.
Le rapport complet de l'Anses peut être téléchargé en cliquant : ici