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Plan Eau Dom 2016-2025 : La Cour des Comptes identifie trois leviers techniques prioritaires pour les réseaux ultramarins

20 mars 2025 Paru dans le N°480 ( mots)

Dans son rapport publié le 12 mars 2025, la Cour des Comptes dresse un bilan critique du Pedom : 889 M€ engagés depuis 2016, mais peu d'indicateurs techniques renseignés et des pénalités contractuelles non appliquées. Focus sur les recommandations opérationnelles pour ingénieurs et gestionnaires de services hydriques.

Le rapport de la Cour des comptes sur la gestion de l’eau potable et de l’assainissement en outre-mer met en lumière les avancées et limites du Plan Eau Dom, instauré en 2016 pour remédier aux défaillances structurelles des territoires ultramarins. Si le programme a permis de mobiliser des financements conséquents, sa mise en œuvre reste entravée par des contraintes administratives et techniques, freinant les améliorations attendues sur le terrain.

Sur le plan budgétaire, l’État et ses opérateurs ont engagé 889 M€, dont 410 M€ sous forme de subventions et 479 M€ via des prêts. Cependant, seule une partie de ces fonds a été effectivement consommée, avec 230 M€ de subventions réellement utilisées​.

 Ce décalage illustre les difficultés d’exécution des projets, en raison de la complexité des procédures administratives et des carences en ingénierie locale.
L’approche du Pedom repose sur des « contrats de progrès », établissant une conditionnalité des financements en fonction du respect d’indicateurs techniques et d’engagements précis. Toutefois, l’absence de suivi rigoureux et la lourdeur des exigences méthodologiques ont limité leur efficacité. La Cour des comptes souligne que ces indicateurs sont « peu renseignés » (le taux de renseignement plafonne de 0% à 65,4% selon les territoires), rendant la conditionnalité « inaboutie »​. En conséquence, l’efficacité des financements reste incertaine, et certaines infrastructures critiques continuent d’accuser un retard de modernisation.
L’un des principaux écueils du programme concerne la gouvernance locale. Les juridictions financières rappellent que des conflits institutionnels et une instabilité des structures de gestion ont ralenti l’application des mesures du Pedom. À Mayotte, par exemple, la mise en œuvre des actions a été entravée par des réorganisations successives, tandis qu’en Guadeloupe, les différends entre collectivités et opérateurs privés ont engendré des contentieux retardant les investissements.

L’ingénierie technique représente un autre point critique. Le rapport met en évidence un manque chronique de ressources humaines spécialisées pour accompagner les collectivités locales. Les délais de recrutement d’experts s’étendent parfois sur un an, tandis que le portage salarial complexe des ingénieurs crée un « cercle vicieux », où la mise en œuvre du programme alourdit la charge des services déjà en sous-effectif.
Enfin, la question du financement des services reste un défi. Le principe du « l’eau paye l’eau », bien que structurant, se heurte aux contraintes socio-économiques des territoires ultramarins. Le coût élevé des infrastructures, dû aux particularités climatiques et géophysiques, pèse lourdement sur les usagers, compromettant l’équilibre économique des services d’eau. Des dispositifs expérimentaux, tels que des bornes fontaines monétiques et des tarifications différenciées, ont été testés à Mayotte, mais leur impact à long terme reste à évaluer.
En dépit d’une dynamique de financement en forte progression, le rapport de la Cour des comptes souligne la nécessité de réformer la gouvernance et l’accompagnement technique du Pedom pour assurer une réelle transformation des services d’eau et d’assainissement outre-mer. L’avenir du programme repose sur une simplification des procédures, une meilleure implication des collectivités et une adaptation accrue aux réalités territoriales.