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Actualités France

Pôles de compétitivité : vers la consolidation de la filière française de l’eau ?

12 septembre 2016 Paru dans le N°394 à la page 10 ( mots)

Fruits d’une politique interministérielle d’aménagement du territoire et de soutien à l’innovation, à la recherche et au développement, les pôles de compétitivité sont à l’heure du bilan. Il en existe trois dans le secteur de l’eau, chargés de mobiliser les facteurs clés de la compétitivité à commencer par l’innovation, en développant la croissance et l’emploi sur les marchés porteurs ainsi qu’à l’international. Premier bilan avec Sylvain Boucher, Président du pôle de compétitivité EAU de Montpellier.

Revue L’Eau, L’Industrie, les Nuisances : Comment se porte le Pôle de l’eau de Montpellier ?

Sylvain Boucher : Le pôle EAU de Montpellier a été créé il y a 6 ans. Beaucoup a été fait même s’il reste beaucoup à faire. La première étape a consisté à mettre en relation les PME avec les réseaux académiques pour qu’ils apprennent à se connaitre et dépassent la simple relation client-fournisseur pour entrer dans une relation de partenaires. Il a fallu inciter différents acteurs à se sentir collectivement porteurs d’une filière économique en développant l’innovation collaborative qui consiste à partir d’une idée pour bâtir et dérouler un projet sous l’égide d’un pilote. Puis il a fallu mettre en place un accompagnement des entreprises à l’international pour identifier les marchés et structurer les entreprises pour qu’elles puissent y répondre.

Depuis sa création, le Pôle EAU de Montpellier a permis de faire financer 36 projets ce qui correspond à 85 millions d’€ de financements aux 2/3 privés. Il fédère aujourd’hui 150 acteurs qu’il accompagne dans leur développement à l’export via des outils comme le réseau « France Water Team » ou des outils de communication comme le salon HydroGaïa.

 

 

Revue E.I.N. : Justement, quel bilan tirez-vous de la dernière édition du salon HydroGaïa ?

S.B. : Cette 6ème édition confirme le salon comme événement majeur du secteur sur le plan national et a connu une nette croissance des visiteurs internationaux. Le salon a également permis de concrétiser plusieurs partenariats. Le Pôle de compétitivité EAU et Swelia, membres fondateurs de "France Water Team", ont par exemple signé un protocole d'accord de partenariat avec le cluster British Water en présence d'Invest Sud de France et du UK Trade Investment, développant ainsi les coopérations franco-britanniques. De même, une déclaration d'intention a été signée entre le Pôle de compétitivité EAU et le Catalan Water Partnership, matérialisant le rapprochement des deux clusters avant un partenariat plus formalisé dans le cadre de l'euro-Région Pyrénées-Méditerranée.

Notre ambition ne s’arrête pas là, ce salon possède un vrai potentiel de croissance.

 

 

Revue E.I.N. : A quoi pensez-vous ?

S.B. : Notre objectif est d’accentuer l’envergure nationale du salon et de renforcer l’ouverture internationale. Nous avons la chance, dans le domaine de l’eau, d’avoir trois pôles de compétitivité. Le pôle EAU de Montpellier, bien armé en termes de poids académique et de nombre d’entreprises, a été désigné, dès sa création, comme chef de file. Il a été chargé, notamment, d’assurer la coordination des trois pôles en vue de construire une filière française de l’eau à partir de ces trois structures. Les démarches de mise en commun et le collectif ont beaucoup progressé, à telle enseigne que les pôles DREAM et HYDREOS vont rejoindre le réseau « France Water Team » que nous avons créé il y a deux ans pour structurer la filière française de l’eau.

Ce rôle d’animateur qui est le nôtre est en train de devenir un rôle de fédérateur et, pourquoi pas, demain de construction d’identité unique, ce qui permettra de mieux travailler à l’échelle du territoire national.

 

Revue E.I.N. : Vous voulez dire un pôle de compétitivité unique ?

S.B. : Oui ou, à l’image du pôle MER, un pôle national avec trois antennes territoriales. Vue la réflexion actuellement menée par le ministère de l’économie et la DGE au sujet des pôles, on comprend bien que l’une des solutions permettant de rester pôle national labellisé est de structurer une filière nationale : l’intégration des 3 pôles nous fait figurer en budget dans le top 10 des pôles français avec plus de 250 projets labellisés dont la moitié a pu être co-financéé par les Pouvoirs Publics. C’est ce que nous nous efforçons de faire en collaboration avec les deux autres pôles. Le salon HydroGaïa en est l’un des outils importants.

 

 

Revue E.I.N. : Dans ce contexte, quelle est la position de la Région Occitanie ?

S.B. : L’eau fait partie des axes stratégiques de la nouvelle Région Occitanie. Mais la Région doit mener une réflexion sur les stratégies qui permettraient de se positionner plus fortement sur ce sujet. Deux orientations sont possibles. Soit le salon reste régional et elle aide ces entreprises à travailler sur la région. Soit, elle épouse la politique que nous lui proposons qui contribue à vouloir faire de l’Occitanie l’une des régions qui comptent dans le monde sur le thème de l’eau. Cette dernière ambition rejoint d’ailleurs l’un des thèmes traités à HydroGaia cette année qui insistait sur le potentiel permettant de faire de Montpellier l’une des capitales mondiales de l’eau.

 

 

Revue E.I.N. : Quel est l’intérêt de s’inscrire dans la logique d’une filière nationale ?

S.B. : Les avantages sont nombreux, aussi bien au plan international qu’au plan national. Le pôle EAU, c’est aujourd’hui 150 adhérents. Si l’on considère « France Water Team » dans sa conception actuelle, c’est-à-dire le pôle et les 4 clusters méridionaux associés, c’est 300 entreprises… Et si l’on ajoute les pôles DREAM et HYDREOS, c’est plus de 450 entreprises ! Au niveau international, quand vous faites face à des partenaires potentiels, même constitués en clusters, vous êtes crédibles...

Au plan national, les avantages sont tout aussi nombreux. On peut par exemple citer le projet de Pont-à-Mousson qui a souhaité travailler sur un nouveau type de revêtement de canalisation. Pour mener à bien son projet, l’entreprise a dû mobiliser sa branche canalisation située à Nancy, une PME d’ingénierie chimique situé à Fos, et un laboratoire d’analyse localisé à Toulouse. Ce groupement à trois appartenait à trois régions différentes… Il n’a pas été possible de mettre d’accord les trois régions pour construire un co-financement, chacune exigeant l’appartenance de deux acteurs à sa Région... Le projet n’a pu aboutir que grâce à l’intervention de l’Etat, dont vous conviendrez que cela n’est pas tout à fait son rôle.

 

 

Revue E.I.N. : Où se situent aujourd’hui les opportunités en termes de développement ?

S.B. : La France a cet avantage que ses entreprises travaillent sur le sujet depuis plus de 150 ans et ont construit une école française de l’eau. Pour que l’économie de l’eau continue à prospérer en France, hors quelques niches spécifiques permettant de répondre à des évolutions réglementaires ponctuelles ou développer des économies d’échelle permettant d’améliorer des dispositifs existants, il faudrait l’apparition de nouvelles normes qui permettraient de franchir une nouvelle étape, notamment dans le domaine de la réutilisation des eaux usées retraitées. Mais ces évolutions sont peu probables actuellement. Les opportunités de développement se situent donc à l’international. Les grands groupes ont un rôle à jouer et le jouent. On peut par exemple citer Mixel qui a accompagné Veolia dans sa croissance en Chine et qui dispose aujourd’hui de plusieurs filiales en Asie et en Amérique du sud. Ce modèle peut se déployer mais il suppose de travailler sur la structure des entreprises françaises. Car dans le domaine de l’eau, vous avez quelques grands groupes, quelques ETI, mais une kyrielle de PME voire de TPE qui restent parfois dans des situations de confort sur le marché domestique, sans avoir conscience qu’à l’international, sur les mêmes marchés, des concurrents se placent dans des logiques de croissance, avec la volonté de se déployer. Notre rôle est de les aider à grandir pour qu’elles aient la capacité de se défendre puis de se développer.

 

Revue E.I.N. : Vous êtes amenés à accompagner de nombreux programmes de Recherche et Développement, quels sont les grands enjeux du moment en termes de R&D ?

S.B. : Nous avons effectivement labellisé de nombreux projets de R&D collaboratifs qui concernent des enjeux diversifiés. Certains reposent sur des enjeux anciens mais qui gagnent en importance comme par exemple les techniques membranaires avec le développement de membranes tridimensionnelles. D’autres, au contraire, découlent de développements technologiques plus récents comme par exemple le projet Matrics, un système avancé d’information et de pilotage pour la gestion des réseaux, porté par Veolia et IBM. La métrologie, avec notamment le développement d’équipements compacts à faible coût et autonomes en énergie, est également au centre de nombreux projets. On voit également émerger de nouveaux outils permettant de participer à des arbitrages sur la gestion des masses d’eau à l’image du projet Sirhyus qui vise à développer des services opérationnels dédiés à la gestion des ressources par la valorisation des données satellitaires. La réutilisation des eaux usées traitées, tout comme le développement de process industriels économes en eau et capables de fonctionner en circuit fermé, font aussi partie des sujets porteurs.

 

 

 

Propos recueillis par Vincent Johanet