Quelle politique de l'eau à l'échelon national et quelle politique de l'eau à l'échelon de l'Europe ?
Ces deux questions se posent avec acuité à l'heure ou la Commission Juncker décide d'abandonner 83 projets de règlements et de directives hérités de la Commission Barroso dont les paquets législatifs sur la qualité de l'air et l'économie circulaire, jugés emblématiques.
Car tous les spécialistes en conviennent : l'essentiel de notre droit de l'environnement est d'origine européenne. La place du droit communautaire dans les sources du droit de l'environnement, et plus encore, dans celles du droit de l'eau des pays membres, est essentielle.
Pourtant, les ambitions de l'Europe dans le domaine de l'environnement semblent se réduire.
Car même si la Commission se défend d'abandonner toute ambition en matière environnementale, elle justifie sa décision par la volonté de se concentrer sur les priorités économiques : investissement, marché unique, fiscalité.
Elle souhaite également s'impliquer moins fortement dans des problématiques jugées d'importance seconde, notamment celles qui consistent à imposer aux Etats membres des obligations réglementaires qu'ils ne respectent pas, ce qui l'oblige à les trainer régulièrement devant la Cour de Justice de l'Union européenne, à l'image de la France dans le dossier « nitrates » ou « eaux résiduaires urbaines ».
Pourtant, et même s'il est parfois suspecté d'alimenter des sentiments anti-européens, ce rôle moteur joué par la Commission depuis quatre décennies est essentiel.
Car s'il est désormais avéré que les objectifs de la directive cadre sur l'eau (DCE) ne sont pas atteints en ces premiers jours de 2015, ni même, pour bon nombre de masses d'eau, dans les 5 prochaines années, les politiques, les services de l'Etat, les élus et même les citoyens, ont largement progressé dans la compréhension des principes et des concepts de la DCE ainsi que des méthodes proposées pour sa mise ?uvre.
La notion d'objectifs de résultats, la planification et la programmation avec des échéances et une méthode de travail spécifique, ou encore l'intégration des coûts environnementaux sont des principes désormais bien intégrés qui guident l'essentiel de nos politiques publiques dans le domaine de l'eau.
Leur mise en ?uvre à différentes échelles nous contraint également à évaluer l'efficacité réelle de notre politique de l'eau dont un récent rapport1 nous révèle à nouveau les failles.
Rédigé à la suite d'audits départementaux réalisés conjointement par le CGEDD et le CGAAER, il passe en revue l'essentiel des carences, désormais bien identifiées, qui affectent notre politique de l'eau : manque de lisibilité, sinon de cohérence, entre les objectifs définis, défaut d'articulation entre certains outils tels que les SDAGE, les programmes de mesures et les plans d'actions opérationnels territorialisés (PAOT), faiblesse des moyens affectés à la mise en ?uvre de la politique de la biodiversité dans les services déconcentrés...etc.
D?une manière plus générale, ce rapport indique que la complexité des politiques de l'eau et de la biodiversité, dans un contexte de transformation des organisations entraînant une modification des paradigmes et des référentiels, impose un changement des modes d'intervention de l'État. « Le besoin d'un chef d'orchestre pour coordonner et animer les acteurs des politiques de l'eau et de la biodiversité du territoire départemental est très prégnant » constate son auteur.
Cette redéfinition du rôle de l'Etat, nécessaire pour gagner en lisibilité, en clarté et en cohérence, est désormais devenue indispensable... Vite !
1 - Rapport n°008416-08 Synthèse des audits de la mise en ?uvre des politiques de l'eau et de la biodiversité - http://agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/CGAAER_13025-99_2014_Rapport_cle8c7c49.pdf